Communiqués officiels

L'interdiction vengeresse et stérile de la burqa fera porter à la société française une lourde responsabilité

Rédigé par MRAP | Jeudi 21 Janvier 2010 à 17:15



Alors que la Mission parlementaire sur le port du voile intégral − après six mois d'auditions et de débats − ne doit rendre ses préconisations que le 26 janvier, son président, André Gérin − sans doute pour prendre de vitesse le président de l'Assemblée nationale, Jean-François Copé, et sa proposition de loi − annonce dès aujourd'hui 21 janvier dans Le Figaro que la Mission demandera, dans une proposition de résolution, que le port du voile intégral (burqa ou niqab) soit « prohibé sur le territoire de la République ». La Mission ne serait pas opposée au principe qu'une loi vienne ensuite consacrer cette interdiction.

A. Gérin estime par ailleurs que la démarche du président de l'Assemblée nationale, visant à interdire le voile intégral dans l'espace public, c'est-à-dire jusque dans la rue, s'apparente au comportement d'« un éléphant dans un magasin de porcelaine ».

Si, sur une population de plus de 60 millions d'habitants, et 5 millions de « musulmans potentiels », 1 900 femmes seulement portent le niqab en France (comme le rappelle L'Express de ce jour à propos du « Voile de la discorde »), ces effets d'annonce ont un fort relent de brouillage volontaire.

N'a-t-il pourtant pas été déjà clairement affirmé et rappelé que le « voile intégral »] n'est pas intrinsèque à l'islam mais constitue au contraire une tradition culturelle préislamique des régions du Moyen-Orient et d'Asie centrale et ne constitue donc pas une obligation religieuse ?

Le MRAP tient à rappeler qu'il est hostile au port de la burqa mais qu'il s'oppose à une loi fondée sur un phénomène marginal et dont les effets peuvent être dévastateurs.

− En ces temps de crise sociale et de chômage de masse dont on sait qu'il s'aggravera considérablement en 2010,
− au lendemain de sondages qui confirment la baisse des opinions favorables à l'égard de Nicolas Sarkozy,
− à quelques semaines d'élections régionales qui inquiètent le gouvernement,
− dans le climat délétère d'un débat nauséabond sur l'« identité nationale » érigé en irrépressible urgence,
voici que l'annonce d'une interdiction de la burqa sert opportunément de paravent au lourd passif de la France, non encore apuré, vis-à-vis des citoyens français et de leurs familles, qui sont historiquement issus des territoires anciennement colonisés par la France.

Le racisme, les violences et les inégalités civiques et sociales de l'époque coloniale perdurent aujourd'hui − favorisés par les non-dits et le refus de la mémoire − sous forme de discriminations dans tous les domaines de la vie.

Certes, le choix par un petit nombre de femmes de porter un voile intégral ne peut être, en tant que tel, le mode le plus approprié d'interpellation de la République. Mais la République se doit de les entendre et de chercher à leur apporter une réponse pertinente. Quant aux femmes qui se voient imposer l'obligation de porter le voile intégral, comment son interdiction pourrait-elle les en libérer ? Que le port de voile intégral soit choisi ou imposé, son interdiction ne fera qu'enfermer davantage ces femmes.

Pour le MRAP, en rester à l'interdiction vengeresse et stérile de la burqa ferait porter à la société française une lourde responsabilité.

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Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples