Points de vue

L’héritage du 11-Septembre

Par Rebecca Cataldi*

Rédigé par Rebecca Cataldi | Lundi 14 Septembre 2009 à 08:41



Washington – Cette année, qui marque le 8e anniversaire des attentats du 11-Septembre, a donné lieu à de nombreuses discussions sur la façon dont le monde a évolué à partir de cette date. Il est vrai que beaucoup des changements survenus sont affligants : les relations entre l’Amérique et le monde musulman ont souffert des guerres menées en Afghanistan et en Irak, les attentats orchestrés de Londres à Madrid et du Pakistan en Indonésie. Les mesures de sécurité ont augmenté, tout comme le sentiment de suspicion et de méfiance. Américains et musulmans connaissent la peur qui naît du sentiment que des aspects de leur identité peuvent faire d’eux des cibles lors d’attentats.

Toutefois, se peut-il que cette journée fatidique nous transmette un autre héritage ? En Amérique, le 11-Septembre a rappelé ce qu’était l’essentiel pour beaucoup d’entre nous. Les gestes de solidarité auprès de la communauté ont afflué, la compassion à l’égard des voisins s’est faite plus grande et les services rendus à la société se sont multipliés. La Croix-Rouge a reçu tellement de dons qu’elle a fini par demander aux personnes de les remettre à d’autres organisations. Les gens ont envahi les lieux de culte, se tournant vers une entité supérieure à eux.

Dans L’Expérience arabo-américaine après le 11-Septembre, l’Arab American Institute explique comment des Américains non musulmans ont monté la garde durant une semaine devant un centre islamique de quartier à Rockville, dans le Maryland, pour le protéger contre toute réaction violente à la suite des attentats. D’autres ont accompagné des musulmans à l’école ou à la prière pour s’assurer qu’ils ne sont pas harcelés. Le maire de Chicago, Richard Daley, et le gouverneur de l’Illinois, George Ryan, ont déclaré le mois de novembre comme le mois du patrimoine arabe, tandis que le Conseil chargé de la publicité a lancé des annonces d’intérêt général contre la haine et pour célébrer la diversité.

Le nombre d’Américains étudiant l’arabe est monté en flèche, tout comme le nombre de programmes d’études islamiques et du Moyen-Orient. Dans l’article intitulé « Studying Islam after September 11: Reflections and Resources » (« Étudier l’islam après le 11-Septembre : réflexions et ressources » ), Gary Bunt, directeur et maître de conférences d’études islamiques à l’université du Pays de Galles, écrit : « Il y a sans aucun doute un intérêt nouveau et soutenu pour l’étude de l’islam et des sociétés musulmanes... Les ventes d’ouvrages sur l’islam ont explosé au niveau international, le Coran a été réimprimé pour répondre à une demande croissante et les journaux ont introduit des guides élémentaires relatifs à l’islam. »

À la suite du 11-Septembre, les gens des pays à majorité musulmane se sont rassemblés autour des ambassades américaines pour exprimer leur solidarité avec les victimes des attentats. En Amérique, les familles des victimes ont constitué des groupes comme le September 11th Families for Peaceful Tomorrows (« Les familles du 11-Septembre pour des lendemains pacifiques ») pour trouver des solutions à la violence et venir en aide aux victimes des guerres en Afghanistan et en Irak.

Dialogues et initiatives ont afflué ainsi que le prouvent l’Alliance des civilisations des Nations unies, le Sommet interreligieux saoudien, la recherche de la paix au travers de la lettre « Common Word » (« Mot commun ») adressée par les dirigeants du monde musulman aux dirigeants du monde chrétien et la réponse enthousiaste de ces derniers « Loving God and Neighbor Together » (« Aimer Dieu et son prochain à la fois »).

Des érudits tels que l’imam américain Feisal Abdul Rauf ont écrit des livres comme What’s Right with Islam is Right with America (Ce qui est vrai pour l’islam l’est aussi pour l’Amérique), qui soulignent les valeurs que partagent l’Amérique et l’islam : la foi, le culte, la dignité individuelle et les droits de l’homme conférés par Dieu.

Les responsables clés de la société civile américaine, dont l’ancienne secrétaire d’État Madeleine Albright et l’ancien sous-secrétaire d’État Richard Armitage, en association avec l’organisation visant à transformer les conflits, Search for Common Ground, et le Consensus Building Institute à but non lucratif ont élaboré le projet d’engagement bipartite, qui consiste à conseiller les responsables politiques américains pour améliorer les relations entre les États-Unis et le monde musulman au moyen de la diplomatie, de l’échange, du respect mutuel et de la compréhension.

Bien qu’ayant toujours été un pays religieux, l’Amérique a enregistré, après le 11-Septembre, une augmentation à la fois de la religiosité et de la coopération interreligieuse. Avant le 11-Septembre, je pense que peu d’Américains non musulmans savaient ce qu’était le Ramadan. Cette année, en une semaine, j’ai assisté, moi catholique, à trois différents iftar (repas qui rompt le jeûne chaque soir pendant le Ramadan) : l’un à la mosquée, l’autre dans une église catholique et le dernier dans une synagogue. Les agences du gouvernement américain ont également organisé leurs propres iftar.

Chaque année aux États-Unis, l’Unity Walk (La marche unitaire) du 11 septembre commémore l’anniversaire du 11-Septembre et rassemble des personnes de confessions différentes, qui prient ensemble dans différents lieux de culte pour faire preuve de solidarité contre la violence et d’unité en tant qu’une seule et unique famille d’êtres humains. Cette année, le président américain Barack Obama a désigné le 11 septembre comme la journée nationale du culte et du souvenir, afin que le souvenir de cette journée puisse motiver les personnes à s’engager à nouveau à répondre aux besoins de leur communauté.

Le 11-Septembre a été une terrible tragédie mais son héritage ne doit pas l’être. Et cet héritage n’est pas encore terminé. En effet, nous pouvons encore choisir la manière selon laquelle réagir face au 11-Septembre : en s’en prenant aux autres par la violence et en construisant des murs de méfiance et d’isolement ou en s’unissant et en coopérant pour la paix.

Le choix nous appartient.




* Rebecca Cataldi est directrice de programme au Centre international pour la religion et la diplomatie (ICRD) et candidate au magistère à l’Institut pour l’analyse et la résolution des conflits à l’université George Mason.

En partenariat avec Common Ground News − Partenaires pour l'humanité