Economie

L’argent du Ramadan

Ramadan Aïd el-Fitr 2009

Rédigé par Haroun Ben Lagha | Vendredi 18 Septembre 2009 à 09:45

En ce mois de Ramadan, comme chaque année, la solidarité est de rigueur. Les fidèles, plus ou moins aisés, n’hésitent pas à faire des dons, qu’il s’agisse de la sadaqa (aumône facultative) ou de la zakât el-fitr (aumône obligatoire de fin de Ramadan). Il s’agit d’apporter appui et soutien à ceux qui en ont le plus besoin, surtout dans ce contexte de crise économique mondiale. Mais il est un secteur qui, lui, ne connaît pas la crise, celui des transferts d’argent.



C’est le Ramadan ! Plus que jamais l’heure est aux bonnes actions, à l’entraide et à la générosité. Et pour aider son prochain, le mieux est encore de commencer par les siens. Durant toute l’année, nombreux sont les musulmans de France qui envoient de l’argent à leurs familles restées au pays, et le mois de Ramadan est sans aucun doute la période rêvée pour soutenir ceux qui se trouvent dans le besoin.

La solidarité ne connaît pas les frontières, elle se joue sans problèmes des distances, ainsi Paris devient la voisine de Bamako et Berlin est à deux pas d’Istanbul. Hormis les quelques associations de villages encore très actives parmi les ressortissants de l’Afrique subsaharienne, ce sont de plus en plus les sociétés spécialisées dans le transfert d’argent qui sont à l’origine de ces rapprochements.


Multilingue et chargée de symboles, la communication outre-Manche est bien moins frileuse qu'en France. Panneau publicitaire, à Londres (source : Flickr)
Depuis maintenant plusieurs années, ces dernières ont définitivement enterré le petit carton rose de la Poste, jadis appelé « mandat international », pour permettre à toutes les diasporas du monde d’apporter une aide financière continue à leurs familles restées au pays.

Selon le rapport de la Commission globale sur les migrations internationales, ces diasporas seraient fortes d’au moins 200 millions de migrants, soit une source de revenus astronomique pour des groupes tels que Western Union ou encore MoneyGram pour ne citer que les plus connus.

Ces deux compagnies revendiquent respectivement 320 000 et 180 000 agences au travers de plus de 200 pays. Elles vivent principalement sur les frais prélevés lors des millions de transactions effectuées chaque année. En 2008, la société Western Union enregistrait, à elle seule, 2,6 milliards de dollars de chiffre d’affaires, soit une progression de 12 % par rapport à 2007.

Bien que fort coûteux, les services de transferts d’argent sont devenus indispensables pour un grand nombre d’expatriés originaires notamment d’Afrique du Nord.

Mina fait très souvent appel aux services de Western Union et n’hésite pas envoyer des sommes plus importantes durant ce mois sacré : « C’est très simple, je vais à la Poste et cela me permet d’envoyer de l’argent rapidement pour aider mes frères qui vivent au Maroc. Et pour l’Aïd, j’envoie un peu plus d’argent pour offrir des cadeaux, pour faire plaisir à mes nièces... Le service est un peu cher, mais je n’ai jamais eu de problème. »

Des PIB nationaux injectés de transferts internationaux

De l’autre côté des Pyrénées, il existe depuis longtemps une grande histoire d’amour et d’argent entre l’Espagne et le Maroc. Avec plus de 650 000 résidents d’origine marocaine au pays du roi Juan Carlos, les flux financiers entre Espagne et Maroc sont en constante augmentation, contribuant à porter la valeur totale des transferts financiers vers le Maroc à 2,29 milliards d’euros fin juin 2008, soit environ pour la même année 4 % du PIB marocain.

Devant ce marché florissant, les Postes espagnoles et marocaines, en partenariat avec huit autres pays arabes, n’ont pas tardé à faire le nécessaire pour tirer leur épingle du jeu. Ainsi les directeurs des services postaux des deux monarchies jouxtant le détroit de Gibraltar ont signé le 27 septembre 2008, lors de la 14e édition du Congrès postal universel, un accord visant à faciliter les mouvements financiers entre leurs deux pays respectifs en incluant entre autres l’Égypte, la Tunisie ou encore la Syrie.

Opérations séduction : attirer les sous des immigrés

Les pays arabes ne sont pas les seuls concernés par ces abondants flux financiers. Ainsi, d’importantes sommes d’argent transitent chaque année entre la France et le Mali, par exemple.

Les quelque 120 000 Maliens résidant dans l’Hexagone sont conscients de l’état de nécessité dans lequel peuvent se trouver bon nombre de leurs compatriotes. Dans un pays où la débrouille est une valeur partagée par tous, 10 % du PIB du Mali proviendrait de la nombreuse diaspora malienne.

Les grandes compagnies de transfert d’argent l’ont bien compris : les diasporas sont à chouchouter.
C’est ainsi qu’en France, par exemple, Western Union sponsorise des actions caritatives avec flyers et objets publi-promotionnels ou offre dattes et repas dans les foyers de travailleurs africains. Au Mali, MoneyGram livre des colis contenant des dattes, du thé vert, du sucre et des exemplaires du Coran à la Grande Mosquée de Bamako qui redistribue aux nécessiteux.

En cette période de Ramadan, synonyme de générosité et de solidarité, le marketing affinitaire fait son œuvre…