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Psycho

Kheira : « J’ai commis des choses graves sur ma sœur et je m'en veux à mort »

Rédigé par Abdelnour Zahrali | Vendredi 24 Janvier 2025 à 08:00

           


Je vis dans la tristesse et la culpabilité. Je m'en veux, je me sens sale et honteuse. Je vais même jusqu’à penser que je ne mérite pas de vivre. Je me dégoûte.

En fait, lorsque j'étais petite - 8 ou 9 ans - j'ai commis des choses graves sur ma sœur d’un an ma cadette et je m'en veux à mort. Je ne me souviens plus exactement mais j'ai des flashs dont l’un notamment est récurrent. Je me dis que je mérite la mort. Ma sœur ne me parle plus et a préféré couper les ponts avec toute la famille. Ce qui me culpabilise encore plus.

Je ne pensais pas que je l'avais autant fait souffrir. J'en ai parlé avec elle il y a quelques mois. Je me suis procuré son numéro, je lui ai demandé pardon. Elle me dit d'oublier mais je n'y arrive pas car ceci a eu des conséquences sur ma vie. J'ai divorcé car ma sœur s’était confiée à mon ex, ce qui l'a dégoûté. Il ne voit plus son fils. De plus, il a raconté à tout le monde, ce qui fait que beaucoup de gens se sont éloignés de moi.

Je souffre énormément mais je sais que cela est entièrement de ma faute et que je n'ai que ce que je mérite. Je me déteste. Je ne me suis pas remariée car je me dégoûte et je ne le mérite pas. En pensant à ce passé, je souffre, je porte cette souffrance depuis mon plus jeune âge.

Que me conseillez-vous ? Car plus les jours passent, plus je pense à en finir car vivre avec cela est de plus en plus douloureux. En vous remerciant.

Abdelnour Zahrali, psychanalyste

Chère Kheira,

Merci pour votre témoignage qui montre votre courage et votre désir d’avancer. Il me semble absolument nécessaire que vous ne restiez pas seule avec ces pensées qui ont pesé lourdement sur vous jusqu’ici. Il est grandement souhaitable que vous puissiez être accompagnée par un-e professionnel-le de l’accueil, de l’écoute, de l’accompagnement, une personne neutre qui ne pratique pas le jugement. Vous pourrez travailler ensemble, par exemple, à distinguer l’enfant que vous étiez de la femme que vous êtes aujourd’hui.

Les enfants et les adultes devraient avoir les mêmes droits, mais ils n’ont pas les mêmes devoirs. Regardez les enfants de 8 ou 9 ans. Les enfants de cet âge ne sont pas responsables de ce qu’ils font. Ils tentent des expériences, ils recherchent les limites, ils explorent le monde autour d’eux, ils peuvent être parfois cruels. Ils peuvent éventuellement ressentir une certaine colère qui provient directement de ce qu’on leur a fait ou pas fait. Ils découvrent petit à petit leur force, leur pouvoir, leur liberté. Ils ont besoin en cela d’être accompagnés et guidés.

Ils ont aussi besoin de trouver des limites, et c’est là le travail des adultes qui les ont à leur charge. Les enfants reproduisent beaucoup ce dont ils sont témoins. Ils sont très sensibles au milieu dans lequel ils se trouvent. Quoi qu’il en soit, il n’existe dans aucune communauté humaine de lois disant qu’un-e enfant de 8 ou 9 ans serait responsable de ses actes.

Par voie de conséquence, aucune société ne condamne un-e enfant de cet âge, quoi qu’il ait dit ou fait. Est-il juste de détester une enfant de cet âge ? Est-il juste de la regarder avec dégoût, de la trouver sale, de la condamner ? Je peux vous affirmer que ce n’est pas juste. Une enfant de cet âge mérite de l’amour, de la compréhension, de la bienveillance, et cela lui est absolument nécessaire pour son développement, son équilibre.

Accompagnée par une personne bienveillante, dont c’est le métier, vous pourrez vous demander ce qui vous conduit à vous juger d’une façon si sévère. Vous pourrez remettre les choses à leur juste place : rendre son innocence à l’enfant que vous étiez, et qui mérite absolument d’être consolée, replacer votre enfance dans le passé qui est le sien, et non dans le présent qui est le vôtre, et dégager votre présent afin de vivre votre vie de femme qui n’est pas responsable, et cela devrait l’être pour personne, d’un acte commis si jeune. C’est un travail qui demande un certain temps et qui vaut grandement d’être mis en œuvre.

Vous avez bien fait de vouloir demander pardon à votre sœur, car cela est de nature à l’aider à faire face de son côté à cet événement du passé, et à le dépasser. Elle vous propose justement d’oublier ce qui s’est déroulé durant votre enfance, et cela semble sage. Il semble bien étrange cependant que votre ex-mari ait réagi de cette façon à un récit si ancien, concernant de jeunes enfants. Et en quoi votre fils, à tous deux, devrait en subir les conséquences, et être privé de son père ?

La rubrique « Psycho », qu’est-ce que c’est ?

Des psychologues et psychanalystes répondent à vos questions. Musulman(e)s du Maghreb ou de France, professionnel(le)s actif(ve)s exerçant en cabinet, ils réfléchissent à votre problématique et tentent de vous éclairer à travers leur expérience professionnelle et leur pratique spirituelle. Ils peuvent vous aider à y voir plus clair en vous-même ou à mieux décrypter le comportement des personnes de votre entourage.
Ils ne sont pas médecins, même si on les désigne parfois comme des « médecins de l’âme », mais leur rôle est de vous aider à trouver en vous-même la meilleure réponse à vos interrogations sur vos relations aux autres, votre conjoint ou conjointe, vos parents, vos frères et sœurs, vos amis, vos collègues de travail, vos voisins...
Alors, n’hésitez pas, interrogez-les, ils tenteront de vous répondre en s’éclairant des plus belles pensées de l’islam.
Contactez-les (anonymat préservé) : psycho@saphirnews.com




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