Votre revue de presse

Kery James: 'Je n'aurai pas accepté de Victoire'

Rédigé par lila13@hotmail.co.uk | Mercredi 4 Mars 2009 à 11:46

Figure emblématique de la scène rap française, Kery James, a refusé hier, avec Grand Corps Malade et Tunisiano, de participer à la cérémonie des Victoires de la musique. Nominé dans la catégorie "Album de musiques urbaines" pour son disque A l'ombre du show-business, il s'explique sur les raisons de son choix, dénonce l'absence de reconnaissance du rap dans le paysage musical français. Interview.



Pourquoi ce boycott?

On ne peut pas parler de boycott. Les Victoires sont une grosse machine qui roule avec ou sans nous. Ils s'en foutent qu'on soit là ou pas. Du moment qu'ils ont trouvé une forme d'alibi pour prétendre donner une récompense la musique dite "urbaine". Moi, je refuse de cautionner cet état de fait.

Vous dénoncez l'intitulé

Attention, j'ai même écrit que je faisais de la musique urbaine. On le revendique. Mais bon, cette catégorie, c'est un fourre-tout, une immense paella un peu indigeste. Une année, on avait même retrouvé les Fatals Bazouka de Michael Youn nominé dans cette catégorie! C'est dérangeant. Alors, il existe une catégorie chanson-variété, une catégorie pop-rock. Alors pourquoi pas une catégorie rap ? On retrouve dans cette forme d'ostracisme le prolongement de la discrimination sociale maintes fois constatée et dénoncée, et pas seulement par les rappeurs. Or le rôle de la musique est aussi de casser ces barrières-là. Les Victoires pourraient montrer l'exemple. S'il existe bien un domaine dans lequel, il ne doit pas y avoir de forme de discrimination, c'est bien la musique. Quand tu vois, les mélanges auxquels tu peux assister pendant les cérémonies américaines ... ça n'a rien à voir en termes d'ouverture d'esprit. Le rap est carrément intégré. En France, on est encore frileux et conservateur. Je vais plus loin: Pourquoi n'y a-t-il pas de rappeur dans la catégorie "meilleur interprète"? Je pose la question. La chanson française, ça veut dire quoi ? Moi je fais du rap, mes textes sont à 99% en français. Et je chante. Je le dis dans ma chanson A l'ombre du show-business en duo avec Charles Aznavour.

Abd Al Malik a remporté sa troisième victoire consécutive. Serait-il le chouchou des Victoires?

Je reconnais son talent. Mais il est un artiste rassurant. Il incarne le musulman et le banlieusard qu'une certaine partie de la France rêve de voir et d'entendre. Mais bon, son discours, plutôt consensuel et politiquement correct, ne fait pas vraiment de vague, il ne dérange personne. Au contraire, il arrange beaucoup de monde.

C'est de l'amertume de n'avoir pas gagné?

Non, car si j'avais gagné, je n'aurai de toute façon pas accepté cette Victoire. Pour toutes les raisons déjà évoquées. Et je l'aurais dit.

Au-delà de la cérémonie des Victoires de la musique, vous dénoncez l'absence de reconnaissance du rap dans le paysage musical français...

Oui, elle est trop souvent considérée comme un sous-art. Le rap est une musique à part entière, la musique la plus populaire chez les jeunes. Dès qu'un artiste rap sort un disque, il domine le top album. Nous n'avons toujours pas de prime-time pour nous exprimer. Si j'ai pu chanter une fois chez Drucker, c'est parce que Charles Aznavour l'a appelé pour dire à Michel Drucker : "J'aimerais inviter ce jeune garçon à chanter avec moi". Mais sinon...


Par Eric Mandel
leJDD.fr