Sur le vif

« Islamo-gauchisme » : la ministre de l’Enseignement supérieur s'attire les foudres des présidents d'université

Rédigé par | Mercredi 17 Février 2021 à 12:00



Les critiques pleuvent contre Frédérique Vidal. A l'heure où la crise sanitaire plonge les étudiants dans une précarité et une détresse sans précédent, la ministre de l’Enseignement supérieur choisit d'entrer en guerre contre « l’islamo-gauchisme » à l’université.

Invitée sur le plateau de CNews face à Jean-Pierre Elkabbach dimanche 14 février, elle a annoncé son intention de demander au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) une enquête pour distinguer ce qui relève de la recherche académique ou d’idées militantes en matière « d’islamo-gauchisme », en évoquant notamment les recherches universitaires sur le post-colonialisme.

« Je pense que l’islamo-gauchisme gangrène la société dans son ensemble et que l’université n’y est pas imperméable. L’université fait partie de la société », a-t-elle déclaré. Avant de poursuivre : « Ce que l’on observe dans les universités, c’est qu'effectivement, il y a des gens qui peuvent utiliser leur titre et l’aura qu’ils ont pour porter des idées radicales ou pour porter des idées militantes (…) de l’islamo-gauchisme en regardant toujours tout par le prisme de leur volonté de diviser, de fracturer et de désigner l’ennemi. »

Interpellée par ses pairs à l’Assemblée nationale sur le sujet mardi 16 février, elle a répondu avoir « été interrogée sur ce que l'on voit apparaître dans les universités » et a notamment évoqué le cas d’universitaires entravés, selon elle, dans leurs recherches à cause de ces idées. « Des universitaires se disent eux-mêmes empêchés par d’autres, de mener leurs recherches. Et j’ai dit quelque chose de très simple : que l’université n’était pas étanche, que l’université était traversée par tous les courants de la société et que le rôle de l’université était de les étudier, de les comprendre. »

L'indignation du monde universitaire

Ces propos polémiques, qui ne sont pas sans rappeler ceux tenus par le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, quelques mois plus tôt, ont fait bondir une très large partie du monde universitaire. Dans un communiqué publié mardi 16 février, la Conférence des présidents des universités (CPU) a « fait part de sa stupeur face à une nouvelle polémique stérile sur le sujet de l’"islamo-gauchisme" à l’université ».

« "L’islamo-gauchisme" n’est pas un concept. C’est une pseudo-notion dont on chercherait en vain un commencement de définition scientifique, et qu’il conviendrait de laisser, sinon aux animateurs de CNews, plus largement, à l’extrême droite qui l’a popularisé. Utiliser leurs mots, c’est faire le lit des traditionnels procureurs prompts à condamner par principe les universitaires et les universités », souligne la CPU.

Elle « regrette donc la confusion entre ce qui relève de la liberté académique, la liberté de recherche dont l’évaluation par les pairs est garante, et ce qui relève d’éventuelles fautes ou d’infractions, qui font l’objet si nécessaire d’enquêtes administratives (par l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche), ou d’enquêtes pénales ».

« La CPU s’étonne ainsi de l’instrumentalisation du CNRS dont les missions ne sont en aucun cas de produire des évaluations du travail des enseignants-chercheurs, ou encore d’éclaircir ce qui relève "du militantisme ou de l’opinion" », indique l'instance, réclamant des « clarifications urgentes » sur l’enquête demandée au CNRS.

Mise à jour jeudi 18 février : Le CNRS s'est fendu d'un communiqué pour dénoncer la polémique, portée par sa ministre de tutelle, sa réponse ici.

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