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Points de vue

Islam : nous avons voulu transcender l’Histoire, et l’Histoire nous a condamnés

Rédigé par | Vendredi 9 Juin 2017 à 08:30

           

Face aux attentats qui sont perpétués au nom de l'islam, on peut légitimement s'interroger s'il est possible de se libérer de « la double pensée » orthodoxe qui prévaut actuellement dans les sociétés majoritairement musulmanes mais aussi que suivent les minorités musulmanes dans leurs pays d'installation. Telle était l'interrogation du précédent article « Les trois visions de la religion islamique. ». À présent, ne peut-on pas emprunter la voie de la raison pour guider notre foi ?



Œuvre du designer libanais Iyad Naja. (photo © D. R.)
Œuvre du designer libanais Iyad Naja. (photo © D. R.)
La question que tout-e musulman-e se doit de poser est la suivante : peut-on réellement et sans porter préjudice aux hauts principes humanitaires de justice et d’égalité entre les hommes, que Dieu nous recommande, appliquer les jugements édictés par le Coran pour un contexte dépassé depuis quinze siècles à notre contexte qui se caractérise par un développement prodigieux des valeurs humaines et sans équivalent dans toute l’Histoire de l’humanité ? Sauf à céder à ses instincts indépendants de toute réflexion, que justement Dieu nous a dotés de la raison pour les combattre, nul n’en conviendra.

Chasser un peuple de sa terre, le réduire à l’esclavage, immoler des innocents de façon pire que celle à laquelle on soumet un animal, perpétrer un carnage parmi des innocents sans distinction d’âge ou de sexe, et autres atrocités innommables que certains au nom d’une certaine orthodoxie islamique commettent, ou même défendre un islam rétrograde, rabaissant la femme, perpétuant des inégalités, imposant des pratiques inconcevables que la raison refuse pour leur opposition manifeste à une conscience respectueuse de l’autre dans son intégrité physique et morale et l’intégralité de ses droits, ne saurait être justifié par les prescriptions d’un Dieu juste bon et aimant le bien pour toutes ses créatures humaines.

La pureté d’un texte sacré destiné au temporel ne se mesure pas au degré de sa soustraction totale du changement qu’impose l’histoire. Sa destination qui est de régir le réel par des principes, lui impose d’être dans une logique d’interaction avec ce réel qu’il entend guider.

Des fractures apparentes ou latentes torturent l’esprit des musulmans et les font vivre dans une oscillation entre fidélité et soumission au Texte sacré et adhésion à l’appel de la conscience à soumettre à la réflexion des prescriptions religieuses qui la heurtent par leur contradiction avec le réel. Sans la force de la raison, le fanatisme abject et les défenseurs d’un islam sélectif continueront à s’affronter en puisant leurs arguments respectifs dans la même source. D’où la nécessité, pour sortir du dilemme, d’y faire la part du temporel qui se mêle à l’éternel immuable. La première était destinée à un groupe humain particulier vivant dans un contexte propre, et par conséquent ne saurait s’imposer sous d’autres cieux et à d’autres époques de l’Histoire.

La double dimension temporelle et intemporelle du Coran

Une question est inévitable. Pourquoi un tel constat après presque quinze siècles d’existence ? À un moment de son Histoire, l’Islam, en tant que système politique, se trouvait en difficultés internes et externes. La sauvegarde de la religion, que l’on pensait tributaire de ce système politique dont elle était le fondement, les juristes et autres défenseurs autoproclamés de l’islam, l’avait conçue dans l’autarcie intellectuelle, le repli sur des valeurs jusque-là considérées, à juste titre innovantes, progressistes, civilisatrices.

Mais le temps ne pardonne pas ceux qui le négligent. Qui, dit-on, n’avance pas recule, qui ne s’enrichit pas régulièrement s’appauvrit. Nos doctes, pour éviter tout risque de porter atteinte à la pureté de l’islam, tel que fut charpenté et développé par eux, l’enfermèrent dans un coffre-fort afin que nul esprit ne pût s’estimer en mesure de le soumettre à l’épreuve du temps et de la réflexion.

Ils mirent, ainsi, en avant la tradition prophétique qui fait peser la menace de l’Enfer éternel, contre toute tentative de recourir à la raison pour comprendre le Coran. « Celui qui dit au sujet du Coran une parole fondée sur son opinion et voit juste se trompe », « celui qui dit au sujet du Coran une parole fondée sur son opinion a mérité sa place en Enfer ». Ces deux formules, supposées authentiques, suffirent pour que chaque époque ajoute au coffre initial un autre coffre au point où à notre époque l’on se trouve dans une situation où la vérité est perdue de vue ; les barrières qui servent de garde-fous n’ont cessé d’être multipliées à chaque époque.

Aussi, de nombreuses générations s’épuisèrent-elles dans les commentaires des commentaires, les explications des explications et les interprétations des interprétations, sans sortir d’un pouce des limites tracées il y a plusieurs siècles. De fait, l’Islam fut plongé dans un coma duquel il s’est réveillé dans des soubresauts qui risquent de le dénaturer en occultant ses principes fondateurs universels, pour en faire une source de violence permanente contre tout ce qui en est différent. Sans un effort sérieux de compréhension du Coran dans sa double dimension temporelle et intemporelle, l’Islam continuera à charrier toutes les violences frustrées non seulement dans son espace d’implantation mais dans le monde entier.

Je m’autorise à réfléchir à l’éventualité où l’accès au Coran eut été laissé libre à la raison et que la recherche de la vérité eut été menée dans toutes les directions qui s’avéraient utiles pour sa manifestation, l’Islam, sans nul doute aurait continué à guider l’humanité sans cesse vers un meilleur avenir.

Faute d’avoir fait notre aggiornamento de notre propre chef et à notre initiative, voilà l’Occident qui nous demande avec insistance de « surmonter (nos) divisions sectaires et religieuse », et insiste sur « le rôle vital de l’état d’Israël » (« Le grand flou de Donald Trump, Le Monde, 24 mai 2017) pour y faire face et tempérer nos convulsions et nos pulsions religieuses.

Franchir la ligne rouge pour enfin retrouver l’usage de la raison

On ne peut continuer à voiler ce que les fanatiques peuvent allègrement jeter à notre face et à la face du monde pour justifier leurs horreurs et leur comportement inhumain et d’autres, moins abjects, à argumenter leurs inepties qu’ils couvrent de l’étoffe de la divinité pour les dérober au jugement de la raison.

Libérons-nous, en affranchissant notre conscience de la hantise constante et effrayante de contrevenir à une prescription divine, osons un passage en force de cette ligne rouge, qui nous sépare de l’usage de la raison, et que nous nous refusons de franchir par peur de tomber dans un interdit que ces traditionalistes ont fomenté par péché d’orgueil.

Nous n’aurons aucune crédibilité à continuer à proclamer l’islam, religion de paix, de justice, qui prône la liberté, l’égalité des hommes et leur émancipation individuelle et collective, tant que nous n’aurons pas déployé tout notre courage, puisé dans notre bon sens et notre raison, pour faire face à notre Texte sacré, pour en y distinguer tout ce qui se contredit avec ces valeurs fondamentales, sans présupposé religieux indiscutable et donc admis hors de portée de la raison.

Qu’en resterait-il ? Tout le reste qui contient des principes éternels imprescriptibles et immuables. Le vrai islam, celui qui fonde les valeurs humaines : la morale, la justice, l’égalité des hommes ne s’écroulera pas avec le premier lifting qui lui sera apporté. D’ailleurs, on ne fera que distinguer l’éternel, l’immuable du temporel, du contextuel.

*****
Ahmed Abdouni, ancien diplomate marocain.



Ahmed Abdouni est un ancien diplomate marocain. En savoir plus sur cet auteur


Réagissez ! A vous la parole.

1.Posté par François CARMIGNOLA le 09/06/2017 21:38 | Alerter
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Il semblerait qu'une réflexion soit en cours ici. On ne peut naturellement pas en tirer de doctrine attribuable, mais le thème est là: l'islam, comme religion ne sortira pas intact de ce début du XXIème siècle. En sortira-t-il tout simplement ?

2.Posté par abdouni ahmed le 10/06/2017 00:26 | Alerter
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Votre réflexion me parait appropriée. Je pense qu'en conjuguant leurs efforts les musulmans démocrates pourraient assurer à l'Islam une sortie honorable, car il sera délesté de tout ce qui maintenant entrave sa marche vers le progrès et l'accompagnement de l'humanité dans sa marche vers l'entente et la cordialité.

3.Posté par Rahan le 11/06/2017 11:17 | Alerter
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Celui qui dit au sujet du coran une parole fondé sur son opinion et voit juste se trompe.
Celui qui dit au sujet du coran une parole fondé sur son opinion à mérité sa place en enfer.
Je passe sur la notion d'enfer, étant non croyant c'est un terme qui n'a pas grand sens pour moi. En dehors de ça, ça me semble etre du bon sens.
Qu'il puisse s'agir d'une opinion que l'on estime etre bonne ou mauvaise dire le contraire interdit d'avoir une pluralité d'opinion.
Qui pourrait donc contredire un daesh par exemple puisque pour le faire il faut qu'une opinion inverse existe. D'ailleurs qu'elle serait t-elle cette juste opinion qui voit juste mais se trompe. Le dire pour un daesh convient tout à fait. Daesh se trompe on est tous d'accord là dessus. Mais le terme celui qui dit indique que tout le monde se trompe. Et donc que celui qui dit d'un autre qu'il se trompe se trompe aussi.
La phrase elle meme interdit d'avoir une opinion quelle qu'elle soit donc.
Je me fais des nœuds au cerveau avec cette phrase.
Je m'aperçois que je suis entrain de dire le contraire de ce que je disais au début et elle ne me semble plus vraiment etre évidente. Et pourtant pour émettre une opinion
il faut forcément qu'une opinion inverse existe pour pouvoir la contredire, autrement qui pourrait définir le mal puisqu'il ne peut pas exister sans son contraire.
S'agissant de la raison, les livres saints comportent des événements ayant eu lieu l'Histoire donc, puis des histoires, des allégories, des mythes, des ...  

4.Posté par ahmed le 11/06/2017 14:02 | Alerter
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Bonjour,

En essayant de ne pas omettre la moindre miette de votre raisonnement philosophique, moi aussi je me suis fait des nœuds au cerveau. C’est pourquoi je vous invite de m’accorder la liberté de simplifier la question. Celle-ci se présente, à mon avis de la manière suivante:
1-Tous les textes sacrés présentent des choses vraisemblables, d’autres invraisemblables pour la raison, des faits précis et d’autres moins précis.
2-On y trouve des incitations à la violence et des exhortations pacifiques et de sollicitude envers autrui.
3- Ils présentent un ménage chaotique et difficile avec la raison.
4-Et pourtant ils prétendent détenir la raison absolue.
De ce fait, en faire l’alpha et l’oméga de la vie politique et sociale est au bas mot une gageure, si ce n’est une source permanente de tensions et de violences, à moins d’y introduire les correctifs— limites— nécessaires pour garantir la cohabitation des croyants touts azimut, des croyants hésitant sur certains aspects, des non croyants, en un mot faire admettre une laïcité positive et apolitique.
Tout cela ne nécessite pas moins qu’une relativisation de la sacralité absolue, à l’image de Dieu, des textes sacrés. Le travail que cette entreprise exige est de fond. Il doit commencer à la racine, autrement dit toucher la culture de l’homme et le mieux depuis le commencement de son évolution physique et mentale. Ainsi, il en sortirait un homme acculé à relativiser car sa raison l’y contraint.

J’ai essayé de condenser mes idées pour ne...  

5.Posté par Rahan le 11/06/2017 16:06 | Alerter
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Je suis d'accord. Mais dans le propos que j'ai choisi d'évoquer il est question de celui qui dit.
La phrase ne dit pas qui. Elle parle donc de tout le monde. Qu'il s'agisse d'un religieux (imam) ou qu'il s'agisse d'un musulman ordinaire (laique)
Si l'on veut faire la part de ce qui à trait à l'Histoire et ce qui à trait à la philosophie, l'allégorie il faut obligatoirement dire une opinion et voir juste sans se tromper.
Jusque là ça va.
Mais ça implique de faire l'impasse sur les passages mythologique, les anges par exemple, ou philosophiques tel qu'un passage comme celui qui dit justement.
Si la raison est synonyme de vérité ça dit des religions elles memes qu'elles n'auraient pas lieu d'etre puisque ce sont des croyances.
De la philosophie aussi, et de plein d'autres choses. Ne serait-ce que faire des choses sans raison, comme regarder un dessin animé par exemple.
Une opinion n'est pas synonyme de raison. Une opinion c'est aussi voir juste, on dit rarement le contraire de ce que l'on croit autrement il aurait été écrit mentir, là ou ça ne va plus c'est avec le mot se trompe. A moins que ça ne veuille dire se ment à lui meme.
Je pense que l'une des grande difficulté de la raison ce sont surement les mots eux memes sans doute plus que ce dont on parle au final.

6.Posté par Rahan le 11/06/2017 16:58 | Alerter
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Celui qui dit une opinion à mérité sa place en enfer. Je pense que l'essentiel n'est pas l'opinion d'un tel ou d'un autre. Ca n'a que peu d'importance. Je pense que c'est meme une perte de temps et que le sujet n'est pas là mais plutôt celui de comprendre et donc de raisonner comme c'est dit dans l'article. Indépendamment de ce qui relève de l'Histoire ou du mythe. On le fait d'ailleurs tout le temps, en regardant un film par exemple, un tableau.......etc le faire c'est ne pas penser mais se laisser entrainer, ni vrai faux n'y existe, chacun le perçoit différemment et brode sa propre compréhension, analyse.
Et que donc la part philosophique, allégoriques.....etc n'a pas besoin d'etre validée ou son contraire par la raison et il n'est nul besoin d'opinion bonne ou mauvaise pour les intégrer. C'est meme totalement absurde que de le faire.

7.Posté par Rahan le 11/06/2017 18:09 | Alerter
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Des écrits qui sont de vrais faits mais qui n'ont pas de sens priment t-ils sur des récits d'évènements n'ayant pas existé mais qui ont un sens.
Est ce que c'est le sens des écrits qui comptent, la raison. ce qu'il a pu effectivement se passer, l'Histoire, la part imaginaire. métaphores, mythes..
Après émettre une opinion n'a que peu de sens. Ca c'est à réserver aux critiques.
C'est d'ailleurs ainsi que l'on appelle ceux qui émettent les leurs s'agissant des films, des livres quels qu'ils soient.

8.Posté par Rob89 le 06/07/2017 00:32 | Alerter
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Encore un article d'Ahmed Abdouni tellement alambiqué, confus, abstrait, et si peu clair qu'il n'arrive jamais à dire clairement ce qu'on a peur qu'il veuille dire sans le dire (l'islam et les musulmans sont des arriérés rétrogrades par rapport à un occident où triompherait "les valeurs humaines d'une façon sans précédent", voir la 1ére phrase où on est déjà mal partis!)

On semble aussi souvent réduire la totalité de l'islam et des musulmans à cette petite secte d'Isis ou au salafisme, apparemment sans se rendre compte que les salafistes sont en fait une toute petite minorité etc. On suggère tout cela toujours sans oser le dire.

L'auteur n'a également aucun sens de l'Histoire, déclarant que lépoque contemporqine se caractérise par le développement des valeurs humaines par rapport au 7ème siècle archaïque etc. sans même se souvenir que les pires atrocités de l'histoire humaine furent commises, précisément à l'ère moderne.

Il suffit de citer les 2 guerres mondiales ou l'Holocauste pour démolir cette vision naïve, datée d"une histoire téléologique et linéaire.


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