Société

Immigration: le nouveau projet de loi à l'Assemblée

Rédigé par Laila Elmaaddi | Mardi 18 Septembre 2007 à 10:18

A partir d’aujourd’hui, l'Assemblée nationale doit examiner le texte de Brice Hortefeux qui durcit les conditions de regroupement familial pour les immigrés, avec notamment la possibilité de tests ADN pour vérifier la filiation des candidats. Un amendement qui provoque des réactions chez les politiques et les spécialistes.



Un amendement qui fait débat

Bice Hortefeux
L'Assemblée nationale doit examiner à partir de ce mardi le texte de Brice Hortefeux qui durcit les conditions de regroupement familial pour les immigrés.

Le débat s'est focalisé sur un amendement déposé par le député UMP Thierry Mariani, qui propose la possibilité de tests ADN pour vérifier la filiation des candidats au regroupement familial fait débat.

Brice Hortefeux a déclaré qu'il n'était pas choqué par les critiques émises par les ministres d'ouverture Fadela Amara et Bernard Kouchner, dans la mesure où la proposition n'était pas d'origine gouvernementale.

Dimanche, la secrétaire d'Etat à la Politique de la ville s'est dite "heurtée", "en tant que fille d'immigrés", par cet amendement.

En cas de doute

M. Hortefeux a néanmoins pris la défense de l'amendement. Il précise que le test ADN servirait en cas de doute sur l'authenticité des documents administratifs et qu'il ne serait pas obligatoire. Selon lui, douze pays en Europe ont déjà introduit cette possibilité. "Nous ne serions pas isolés", dit-il sur RTL.

"Il ne doit pas y avoir de débat interdit ni de sujet tabou", a-t-il ajouté.

De manière générale, a-t-il assuré, le texte qu'il soutient "concilie la clarté des objectifs et la protection des personnes". Il est fondé sur le postulat retenu par le gouvernement selon lequel la France manquerait de main d'œuvre dans certains secteurs et aurait en revanche trop d'immigration familiale.

Il faut donc "protéger" les candidats à l'immigration d'une arrivée difficile en France, explique-t-il. "La protection des personnes, c'est de ne plus accepter que demain des candidats à l'immigration arrivent sur notre territoire sans connaître des éléments de notre langue. La langue, c'est le meilleur vecteur de l'immigration."

Cible d'une pétition, le texte a fait l'objet de nombreuses critiques: associations, scientifiques, et même le Vatican, par la voix du Conseil pontifical de la pastorale pour les migrants.

Une violation du principe de la famille française

Ce projet d'instaurer des tests ADN promeut une conception de la famille "en contradiction" avec celle en vigueur en France, qui tend à reconnaître les recompositions de la cellule familiale, et viserait en fait à discriminer les migrants africains, estiment chercheurs et spécialistes interrogés par l'AFP.

"On demande aux familles étrangères, à peau noire ou basanée, d'être une vraie famille par le sang, or la vraie famille ne l'est pas tout le temps par le sang, il y a de nombreuses exceptions!", s'insurge le généticien Axel Kahn.

Il rappelle que la France "a décidé en 1994, au terme d'un débat exemplaire, que la définition de la famille ne pouvait pas être réduite à sa composante biologique et depuis ce texte n'a jamais été remis en cause".

Cet amendement "est une violation du principe de la famille française où l'on peut reconnaître des enfants qui ne sont pas les siens et notamment adopter", renchérit Patrick Weil, historien et spécialiste de l'immigration.

Une fausse bonne idée

"Il y a deux poids, deux mesures. Ce n'est pas cohérent quand au même moment Nicolas Sarkozy demande à son gouvernement de plancher sur un statut du beau-parent et sur les droits de succession pour les couples pacsés", insiste Jeanne Fagnani, spécialiste des politiques familiales.
"Ce qui serait vrai d'un côté de la frontière ne le serait pas de l'autre?", s'étonne la directrice de recherche au CNRS, pour qui "le gouvernement vise sans le dire les familles africaines qui vivent souvent en familles élargies".

"Il n'est pas exclu qu'il y ait des recompositions familiales dans le but d'organiser une migration mais il faut voir combien de personnes cela représente", nuance Patrick Weil. En 2005, près de 23.000 titres de séjours ont été délivrés au titre du regroupement familial, dont environ 9.000 pour des enfants: "les fraudes ne concernent que quelques dizaines ou centaines d'enfants" venus d'Afrique, dit-il.

En l'état actuel, le projet examiné mardi à l'Assemblée "est une fausse bonne idée qui présente deux inconvénients majeurs: le coût, bien sûr est le premier obstacle, et le bazar humain que cela peut provoquer si un père découvre qu'il n'est pas le père d'un de ses enfants...", explique Hélène Poivey-Leclercq, avocate spécialiste en droit de la famille.

Axel Khan en appelle "à la conscience" des députés: "la population française peut désirer des politiques d'immigration extrêmement restrictives sans vouloir régresser à ce point dans ce qui caractérise sa pensée morale".



La chaîne de télévision LCP retransmet à partir de 15h30 aujourd'hui le projet de loi : la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile.