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Heureux les simples !

Rédigé par Arthur Lamaze | Jeudi 14 Mars 2013 à 06:00

Le penseur américain Richard Gregg est connu pour avoir été l’un des promoteurs de la non-violence. Il gagnerait à l’être aussi pour son autre thèse, qui développe l’impératif d’une vie plus dépouillée.



C’est un conseil plusieurs fois millénaire, repris par une multitude de sages de toutes origines et de toutes confessions : pour vivre heureux, vivons simplement !

D’Épictète aux nouveaux prophètes de la décroissance, en passant par le Bouddha, les Pères de l’Eglise, François d’Assise, Tolstoï, Gandhi ou Henry David Thoreau, tous s’accordent sur ce point que la première chose à faire pour retrouver le vrai goût de la vie, c’est d’abord de se la simplifier.

L’Américain Richard B. Gregg (1885-1974) est de ceux-là. Le nom de cet auteur est généralement associé à l’idée de non-violence. Son ouvrage majeur publié en 1934, The Power of Non-Violence (La Puissance de la non-violence), a exercé une grande influence dans les pays anglo-saxons. Martin Luther King disait qu’il s’agissait d’un des cinq livres qui l’avaient le plus inspiré. On lui doit par exemple le concept de « jiu-jitsu moral » : loin d’être un prétexte à la passivité, la non-violence serait une véritable technique de combat, qui déstabilise l’adversaire entraîné par sa propre brutalité.

Son petit essai sur la simplicité volontaire, publié en 1936 et édité aujourd’hui en français pour la première fois par les jeunes éditions Le Pas de Côté, est moins connu, mais tout aussi fondamental.

Une notion relative

Conscient des objections que soulève immanquablement le projet de la simplicité volontaire dans une société fascinée par sa propre frénésie consumériste, Richard B. Gregg adopte un ton patient et pédagogique. Il rappelle par exemple que la simplicité est évidemment une notion relative ; qu’un Indien peut très bien vivre sans chaise, mais qu’un Américain moyen aura beaucoup de mal à se faire à cette idée, lui qui, par ailleurs, n’imagine pas une vie sans voiture.

Inutile, donc, de chercher à ériger l’un en modèle de l’autre. À chacun de choisir le degré de simplification qu’il désire s’imposer. L’essentiel est de comprendre qu’elle est une nécessité pour chacun et pour tous.

En 1936 comme en 2013, à l’heure du désastre écologique et de la gadgétisation du monde, cette nécessité est à la fois morale, politique et économique.

Pouvoir d'exemplarité

Gregg s’inscrit dans la continuité du sociologue Thorstein Veblen qui, dans sa Théorie de la classe de loisir (1899), montre que les classes les plus aisées disposent d’un terrifiant pouvoir d’exemplarité.

Ainsi leurs modes de vie consuméristes s’imposent peu à peu au reste de la société. « Plus la sobriété sera pratiquée par les privilégiés, plus les avantages de la simplicité rejailliront sur les défavorisés. »

Nous sommes ici à l’exact opposé de l’idée libérale classique selon laquelle plus les riches sont riches, moins les pauvres sont pauvres. Le projet porte donc une charge politique de première importance.

On se gardera pourtant d’imaginer que la simplicité volontaire n’a de sens que dans la sphère matérielle. Gregg voit en elle une méthode « d’hygiène psychologique », voire, dans certains cas, une véritable voie spirituelle. Ce ne sont pas les sages que nous citions plus haut qui iraient le contredire.

* La valeur de la simplicité volontaire, Richard B. Gregg, Le Pas de côté, 96 p., 6 €


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