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Firminy : les musulmans attendraient leur mosquée depuis 1992

Rédigé par Propos reccueillis par Assmaâ Rakho Mom | Jeudi 21 Juin 2007 à 12:17

A Firminy, ville située à la limite des départements de la Loire et de la Haute-Loire, l'association musulmane intercommunale et l'association de la communauté islamique turque se sont unies afin d'obtenir un lieu de culte décent. Mais rien ne vient et les deux associations ont le sentiment que la mairie bloque leur demande. Abderrahman Bouzid, vice président de l’association musulmane intercommunale, qui a accordé un entretien à Saphirnews, souhaiterait que les musulmans puissent « avoir une représentation digne et légitime ».



Saphirnews : Quelle est la nature du conflit qui vous oppose à la mairie de Firminy ?

Abderrahman Bouzid : L’association musulmane intercommunale et l’association de la communauté islamique turque ont cherché des locaux. Nous avons trouvé une ancienne bâtisse qui comporte toutes les commodités nécessaires, à savoir qu’il y a un parking, donc pas de problèmes de stationnement, nous ne sommes en plus pas en zone intra urbaine et ce n’est pas à la périphérie non plus. Surtout, l’avantage c’est que la bâtisse se trouve à l’intersection de trois villes du canton. Donc aussi bien nous que nos frères de la communauté turque, quand nous trouvons des locaux, aussitôt la ville préempte. Systématiquement.

Le problème, c’est que la communauté turque occupe actuellement un local qui n’est pas aux normes, et surtout ils payent 700 euros de loyer mensuel. 30m² tout au plus ! Pour nous, l’association musulmane intercommunale - anciennement Association islamique de Firminy-, en 1992 nous avons acheté le local que nous occupons aujourd’hui. C’est un local qui fait 43m² plus une salle d’eau qui doit faire 6m². Mais ce sont des locaux où, durant la prière du vendredi, on est 100 personnes dans 43m² ! Pour un ERP (Établissement recevant du public), on n’est absolument pas aux normes.

Donc avec nos frères turcs on s’est mis en recherche de locaux, et on a trouvé cette ancienne clinique vétérinaire qui était à vendre, mais la mairie a bloqué le projet en préemptant.

Avez-vous été reçus par M. le Maire ou par un de ses collaborateurs ?

A. B. : Bien entendu ! Nous avons reçu le maire maintes fois, nous l’avons rencontré maintes fois. La mairie nous oppose la loi de 1905. Nous on se base juste sur ce qui est réalisé. Aujourd’hui, dans la ville du Chambon-Feugerolles à côté, les musulmans ont une mosquée qui a été financée par des deniers publics. Il y a eu un protocole d’accord entre le département, le CRCM, l’association et la mairie. Donc on ne voit pas pourquoi à côté, malgré la loi de 1905, les choses se font, et ici à Firminy, où on ne demande pas de nous donner de l’argent, on dit simplement ’vendez-nous et laissez-nous acheter’, rien n'avance.

Le problème de la mairie c’est qu’ils ne veulent pas prendre de risques avant les élections [ municipales, ndlr], donc elle fait tout ce qu’elle peut pour ne pas répondre à notre requête.

D’un autre côté la mairie a achevé un projet de rénovation de l’église Le Corbusier, qui a été financé par l’argent public. Et le 29 juin, un protocole d’accord va être signé entre la ville, la métropole et l’association diocésaine, pour que l’église puisse profiter de cette œuvre architecturale afin d’y célébrer des messes. Voilà le problème, c’est qu’on veut monter la communauté musulmane contre la communauté catholique. C’est de l’instrumentalisation.

Que comptez-vous faire aujourd’hui ?

A. B. : Aujourd’hui, en gros, on a un conflit avec quelques frères de tendance salafiste. Et la mairie se sert de ce conflit pour nous dire ‘arrangez-vous entre vous et quand vous serez d’accord, à ce moment-là on discutera avec un interlocuteur'.

Sur quoi repose votre conflit avec les fidèles de tendance salafiste ?

A. B. : Une école a cherché à rencontrer des gens de la communauté musulmane, voir où est-ce qu’ils prient et découvrir ce qu’est l’islam, donc nous les avons reçus dans notre petite mosquée, leur avons donné un bref cours historique et les avons initié aux préceptes de l’islam. Suite à cette visite de vingt trois enfants, nous avons essuyé des anathèmes pas possibles.

Et donc vous pensez que la mairie se sert de ce conflit-là pour vous refuser la mosquée ?

A. B. : Exactement ! Aujourd’hui on nous dit ’tant que vous n’êtes pas d’accord entre vous, on ne peut rien faire. Il nous faut un interlocuteur’. Mais nous ne demandons pas que la mairie entre dans notre cuisine interne !

Dans le cadre de cette pseudo sécularisation de l’islam, M. Sarkozy, à l’échelle nationale, nous dit que l’islam doit sortir des caves et des garages, tandis que sur le plan local, notre maire qui est UMP, n’en a que faire. Donc on veut franchement qu’il y ait sécularisation de l’islam de France, qu’il y ait une visibilité de l’islam qui soit pratiqué dans des conditions dignes.

En médiatisant votre conflit avec la mairie de Firminy, qu’espérez-vous ?

A. B. : C’est certainement les mettre devant leur devoir. Et c’est-ce que j’ai expliqué au maire et à son directeur de cabinet : nous ne somme pas dans une revendication communautaire, mais dans une revendication constitutionnelle. Qui nous garantit notre libre exercice du culte ? C’est la Constitution de 1958, article 1.

Aujourd’hui à Firminy, une partie de la communauté musulmane ne peut pas pratiquer son culte. Ce sont les femmes, qui n’ont pas l’occasion de prier à la mosquée puisqu’il n’est pas possible de les y accueillir. D’un autre côté, nous n’avons pas la possibilité d’effectuer la prière mortuaire quand un de nos fidèles décède. Ce qui fait que si l’un des nôtres décède, les gens avec lesquels il a prié sa vie durant ne peuvent même pas lui rendre un dernier hommage.

Nous souhaitons donc simplement qu’il y ait une pratique saine de l’islam dans le cadre républicain. Et depuis 1992, nous effectuons les démarches nécessaires en ce sens. Malheureusement, la mairie a créé une scission, l’a entretenue et l’a poussée à son paroxysme. Tout cela pour éviter que notre demande soit entendue.

Contacté par Saphirnews, le directeur de cabinet du maire de Firminy, Jean Kimpe, a estimé qu'il y a "vraisemblablement un conflit à l'intérieur de la communauté musulmane, puisque l'association musulmane intercommunale a fait scission avec plusieurs branches".

Concernant le droit de préemption que ferait valoir la mairie sur les bâtiments convoités par l'association, M. Kimpe a déclaré que la mairie n'avait "aucune intention de préempter tout les bâtiments qui pourraient être achetés pour faire une nouvelle mosquée", ajoutant que "le maire de Firminy aimerait bien avoir un interlocuteur pour pouvoir discuter de tous ces problèmes. Or actuellement ce n'est pas le cas."

Revenant sur l'ancienne clinique que l'association aurait voulu acheter, le directeur de cabinet du maire a déclaré que "l'usage prévu par le PLU n'est pas compatible avec l'usage qu'ils voudraient en faire".

Pour en revenir clairement aux conflits internes à la communauté musulmane, M. Kimpe a expliqué : "Il y a une association à Firminy avec un bâtiment et de l'argent. Il y avait un président historique. Il se trouve qu'une partie de l'association qui remet en question le président, et notamment Abderrahman Bouzid, avec un enjeu fort, c'est-à-dire récupérer le bâtiment et l'argent. Il y a deux factions : d'un côté Abderrahman Bouzid, de l'autre côté le président historique qui s'appelle Djelloul Kacem, et nous, nous sommes pris entre les deux avec une surenchère d'arguments , alors qu'on est tenus à un strict rôle de neutralité."