Société

Femmes Françaises et Musulmanes Engagées

Rédigé par Bouali Houda | Lundi 12 Mai 2003 à 00:00

La laïcité reprend du galon. Depuis que «le problème du voile » a été relancé par M. Sakozy le 19 avril dernier, la laïcité a repris du poil de la bête. Le Premier ministre, M. Raffarin a emboîté le pas à son ministre de l’intérieur. Les députés, ceux de gauche et ceux de droite, sont entrés en scène pour s’interroger : légiférer ou ne pas légiférer ? Le débat est tel qu’en recevant M. Dalil Boubaker, recteur de la Grande Mosquée de Paris et Président nouvellement élu du Conseil Français du Culte Musulman, le 7 mai dernier, le président Chirac a saisi l’occasion et s’est prononcé pour «une solution de sagesse ». Que disent donc les femmes musulmanes ? Que font-elles surtout face à tant de bruit autour de leur foulard ?



La laïcité reprend du galon. Depuis que 'le problème du voile ' a été relancé par M. Sakozy le 19 avril dernier, la laïcité a repris du poil de la bête. Le Premier ministre, M. Raffarin a emboîté le pas à son ministre de l’intérieur. Les députés, ceux de gauche et ceux de droite, sont entrés en scène pour s’interroger : légiférer ou ne pas légiférer ? Le débat est tel qu’en recevant M. Dalil Boubaker, recteur de la Grande Mosquée de Paris et Président nouvellement élu du Conseil Français du Culte Musulman, le 7 mai dernier, le président Chirac a saisi l’occasion et s’est prononcé pour 'une solution de sagesse '. Que disent donc les femmes musulmanes ? Que font-elles surtout face à tant de bruit autour de leur foulard ?

Jeunes, françaises et musulmanes quand même…
L’association des Femmes Françaises et Musulmanes Engagées (FFME) n’entend pas laisser le champ libre aux seuls politiques. Elle mobilise des compétences féminines et se lance dans ce débat social qui la concerne au premier chef. Car elle a ses valeurs et ses convictions. Et elle compte les défendre.

Elles sont jeunes. Elles sont françaises et elles sont musulmanes. Elles ont choisi de vivre leurs convictions spirituelles en harmonie avec leur engagement citoyen. Parce qu’elles portent un foulard sur la tête, elles se voient repoussées par la société. Nombre d’entre elles ont été privées de leur droit d’accès à l’école de la République. D’autres ont perdu leur travail. Quelques autres ont été contraintes de porter plainte devant les tribunaux.

Madame Samira Makhlouf est la Secrétaire Générale de FFME. Elle reçoit régulièrement ces ' victimes du voile islamique ' qui sollicitent l’assistance de l’association. Dans la ville de Lyon, FFEME se bat essentiellement, depuis 1995, contre cette forme de discrimination. L’association œuvre à la promotion de l’image de la femme musulmane. Elle compte plus d’une vingtaine de militants actifs. Et elle bénéficie de l’aide d’une quarantaine d’enseignants bénévoles qui constituent son pôle pédagogique.

L’ensemble des actions de l’association s’articule autour de quatre secteurs : le secteur juridique, composé d’avocats et de juristes, assure une permanence et prodigue des conseils pour les diverses actions en justice. Le secteur pédagogique organise des cours de soutien aux nombreuses musulmanes, principalement des mineures ayant été forcées d’abandonner l’école. Le secteur social a la charge des actions humanitaires. Il s’occupe du parrainage d’orphelins et apporte une aide matérielle aux familles dans le besoin. Il les accompagne aussi dans leurs démarches administratives. Le quatrième secteur gère les questions de communication. Il mène la réflexion au travers de conférences publiques et de réunions.

Les intégristes musulmans et laïcs se rejoignent autour du foulard
Depuis 1995, l’association traite, en moyenne, de trois ou quatre cas de filles voilées par an. Le suivi est assuré par le secteur juridique qui existe depuis plus d’un an et qui a déjà publié un rapport sur la situation de la femme en France. Ce rapport comprend des textes de lois permettant une comparaison entre la situation de la femme en France et les autres pays de l’Europe. Il montre explicitement que la France est le seul pays européen où le voile pose un réel problème. Ce groupe de juristes s’apprête également à publier le 'Guide de la Femme Musulmane en France '. C’est un recueil de conseils pratiques de la vie quotidienne à l’attention de la femme musulmane. Mme MAKHLOUF explique que le foulard est instrumentalisé autant par des fondamentalistes musulmans que par les intégristes de la laïcité : ' derrière le voile, dit-elle, il y a un individu et le foulard n’est pas incompatible avec l’émancipation. ' Puis d’ajouter : '  Je ne veux pas aller en boîte de nuit au nom de la liberté de la femme '

Elizabeth Badinter affirme que le voile exclut la femme de toutes les libertés acquises jusqu’à maintenant. Pourtant, dans l’agglomération de Lyon, les jeunes filles musulmanes sont généralement actives. Elles s’investissent dans les activités citoyennes. C’est ce que révèle une étude réalisée sur le terrain.

Au niveau local, on constate une nette évolution des mentalités. De sorte que le voile n’est plus la seule préoccupation de FFEME sur la ville de Lyon. L’association lutte aussi contre les injustices sociales. La population lyonnaise semble avoir acquis une véritable maturité. FFEME y bénéficie d’une notoriété et d’une bonne crédibilité auprès de tous les services publics. Chacun reconnaît que la femme musulmane a sa place dans le monde du travail. L’on parle plus facilement aujourd’hui de sa citoyenneté. Selon une musulmane membre du secteur juridique de FFEME, les choses évoluent mais il faut donner le ton aux politiciens : ' La politique dite de l’intégration ne connaît pas le terrain '. D’après elle, la solution est dans le travail en partenariat avec le monde politique. Car la communauté traverse une période de transition qui la fait passer d’un Islam folklorique (Couscous et Fatma) à un Islam en adéquation avec la citoyenneté. D’où la nécessité d’instaurer et surtout de rehausser le débat avec les politiques. En cela, Messieurs Ferry, Raffarin et Sarkozy ont certainement ouvert la voie...