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Monde

Etats-Unis : après son soutien à Israël, Joe Biden se met à dos les musulmans et divise les Démocrates

Rédigé par | Mardi 18 Mai 2021 à 20:25

           

Les récentes violences observées à Jérusalem et à Gaza signent la fin de la lune de miel entre Joe Biden et les communautés musulmanes américaines. Les organisations musulmanes ont choisi de boycotter une célébration organisée par la Maison Blanche à l'occasion de l’Aid al-Fitr en signe de protestation contre la position pro-Israël du président américain. Celle-ci provoque aussi des remous parmi les Démocrates, plus nombreux que par le passé à appeler au respect des droits des Palestiniens.



Etats-Unis : après son soutien à Israël, Joe Biden se met à dos les musulmans et divise les Démocrates
Aux Etats-Unis, la réaction des communautés musulmanes suite aux récents évènements survenus à Jérusalem et dans la bande de Gaza a été ferme et sans équivoque. En réponse à une prise de position jugée « décevante » de l’administration Biden face aux exactions répétées d’Israël envers les Palestiniens, American Muslims For Palestine (AMP) a appelé citoyens et associations à boycotter la célébration virtuelle de l’Aïd al-Fitr organisée dimanche 16 mai par la Maison Blanche. Un appel relayé avec succès, au grand dam de Joe Biden.

Le président américain a, en effet, surtout réaffirmé auprès du Premier ministre Benjamin Netanyahou le droit d’Israël à se défendre « quand des milliers de roquettes sont tirées vers son territoire ». Alors que la Maison Blanche déclare espérer une résolution rapide du conflit israélo-palestinien, elle s'est en même temps opposée à l'adoption de toute déclaration par le Conseil de sécurité de l'ONU visant à condamner la politique d'Israël ou même appelant à « une cessation des violences » entre Israéliens et Palestiniens. Pour se justifier, les Etats-Unis indiquent « travailler en coulisses » à la désescalade et être « engagés de manière constructive pour garantir que toute action du Conseil de sécurité contribue à apaiser les tensions ».

Si le soutien marqué de Joe Biden à Israël n'est pas une surprise en soi, l'espoir d'une position plus équilibrée sur le conflit que par le passé s'est envolé en même temps que ses dernières déclarations. Elles ont suscité l’indignation parmi les Américains musulmans, que Joe Biden avait activement courtisé lors de sa campagne contre Donald Trump.

Lire aussi : Joe Biden élu, « le règne de la tyrannie est terminé » pour les musulmans américains

Des déclarations « scandaleuses »

« Les récentes déclarations faites par le président Biden en personne, par la porte-parole de la Maison Blanche Jen Psaki, et par le porte-parole du Département d'Etat Ned Price, concernant l'oppression dont est victime le peuple palestinien sont scandaleuses et complices. Non seulement ces déclarations ignorent complètement l'attaque israélienne contre Al-Aqsa et les musulmans qui y prient, les expulsions ayant lieu dans le quartier de Cheikh Jarrah à Jérusalem, et le blocus de Gaza qui a déjà coûté la vie à des centaines de personnes, mais elles ont aussi l'audace de rejeter la faute sur les victimes, le peuple palestinien », a écrit l’AMP dans un message signé par une quarantaine d'associations dont La Voix des Juifs pour la Paix et le mouvement de soutien au président américain Muslims For Biden Harris.

« Nous ne pouvons pas célébrer l'Aïd avec un président qui justifie le meurtre de nos frères et sœurs en Palestine! » Son appel à boycotter l'événement organisé par la Maison Blanche a aussi été soutenu par le Conseil des relations américano-islamiques (CAIR), qui a choisi de ne pas y participer en raison de la réponse « incroyablement décevante et profondément troublante » de Joe Biden aux violations des droits humains perpétrées par le gouvernement israélien à l'encontre des Palestiniens.

« Nous ne pouvons pas en toute conscience célébrer l'Aïd avec l'administration Biden alors qu'elle aide, encourage et justifie littéralement le bombardement aveugle d'hommes, de femmes et d'enfants innocents à Gaza par le gouvernement d'apartheid israélien. Le président Biden a le pouvoir politique et l'autorité morale pour mettre fin à ces injustices. Nous l'exhortons à se ranger du côté des victimes et non de celui qui les persécutent », a insisté son directeur, Nihad Awad. « Si la Maison Blanche continue sur cette voie moralement inadmissible (...), elle risque de causer de graves dommages sur les relations qu’entretient le président Biden avec les Américains musulmans et tous les autres défenseurs des droits humains. »

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Un conflit qui révèle des fractures au sein du parti démocrate

La position de Joe Biden a également crée des divisions au sein même de son parti. Alors que les violences ne connaissent aucune trêve depuis le 10 mai au Proche-Orient, particulièrement à Gaza, des figures de l’aile gauche des Démocrates exhortent le président à prendre ses responsabilités. Elles lui rappellent sa promesse de rompre avec l’ère Trump en remettant la question des droits de l’Homme au centre de sa diplomatie.

Bernie Sanders le premier n’a pas manqué d’épingler son ancien rival à la présidentielle pour sa prise de position à tout le moins timide dans une tribune parue au New York Times vendredi 14 mai. Dans son plaidoyer intitulé « Les Etats-Unis doivent cesser de faire l’apologie du gouvernement Netanyahu », le sénateur du Vermont enjoint son pays à agir en faveur d'un « un cessez-le-feu immédiat ». « Nous devons également comprendre que, si les tirs de roquettes du Hamas sur les communautés israéliennes sont absolument inacceptables, le conflit d'aujourd'hui n'a pas commencé avec ces roquettes », a-t-il martelé, évoquant les années de politique de colonisation et d'occupation d'Israël.

« La vie des Palestiniens comptent »

« Je suis fermement convaincu que les États-Unis ont un rôle majeur à jouer pour aider les Israéliens et les Palestiniens à construire cet avenir. Mais si les États-Unis veulent être une voix crédible en matière de droits de l’Homme sur la scène internationale, nous devons faire respecter systématiquement les normes internationales des droits humains même lorsque c’est politiquement difficile. Nous devons reconnaître que les droits des Palestiniens sont importants. La vie des Palestiniens comptent », conclut Bernie Sanders.

Son indignation est partagée par la parlementaire Alexandria Ocasio-Cortez, l’une de ses principaux soutiens. Revenant sur les propos de Joe Biden, elle dénonce en ces termes sur Twitter : « Des déclarations générales comme celles-ci, avec peu de contexte ou de reconnaissance de ce qui a provoqué ce cycle de violence – à savoir les expulsions de Palestiniens et les attaques contre la mosquée Al-Aqsa –, déshumanisent les Palestiniens et laissent entendre que les États-Unis fermeront les yeux sur les violations des droits de l'Homme. C'est mauvais. » « En n'intervenant que pour parler des actions du Hamas – qui sont condamnables – et en refusant de reconnaître les droits des Palestiniens, Biden renforce l'idée fausse que les Palestiniens sont à l'origine de ce cycle de violence. Ce n'est pas un langage neutre. Il prend parti pour un camp, celui de l'occupation », a-t-elle aussi écrit.

D'autres élues démocrates comme Rashida Tlaib, elle-même d’origine palestinienne, ou encore Ilhan Omar sont en première ligne pour pousser l'administration à revoir sa position. « De plus en plus de voix s’élèvent dans le camp démocrate, et ce phénomène est nouveau, pour exiger un engagement américain en faveur des droits humains et pour demander à Joe Biden de mettre un terme à la politique de soutien inconditionnel à Israël, qui fait fi des droits des Palestiniens et de la situation à Gaza », indique auprès de France 24 l’universitaire Ziad Majed, spécialiste du Moyen-Orient.

Difficile néanmoins d'imaginer jusqu'ici un changement de cap. Selon des informations obtenues par le Washington Post, la présidence a approuvé une vente d'armes à Israël d'une valeur de 735 millions de dollars quelques jours avant les récents développements au Proche-Orient. Alors que le conflit a fait plus de 220 morts, principalement du côté palestinien, la situation se dégrade aussi en Cisjordanie où une vingtaine de morts ont été recensés.

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