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Société

Entre enjeux de gouvernance et enjeux financiers, l'avenir de la Fondation de l'islam de France en suspens

Rédigé par | Vendredi 12 Février 2021 à 08:30

           

Quatre ans après sa création, la Fondation de l'islam de France peine à trouver les financements lui permettant de matérialiser ses ambitions. Tandis que les dix millions d'euros promis par Emmanuel Macron se font attendre, l'institution à vocation culturelle va connaître en mars* un renouvellement de ses instances dirigeantes, qui annonce une bataille pour la présidence, aujourd'hui occupée par Ghaleb Bencheikh.



Entre enjeux de gouvernance et enjeux financiers, l'avenir de la Fondation de l'islam de France en suspens
A l’issue du discours d’Emmanuel Macron contre « le séparatisme islamiste » en octobre 2020, la Fondation de l’islam de France (FIF), dirigée depuis fin 2018 par Ghaleb Bencheikh, voyait la confiance de l’Etat renouvelée après une succession de difficultés qui mettaient en danger la pérennité de la structure.

C’était en effet une des annonces fortes d’Emmanuel Macron : le soutien de l’Etat des initiatives « en matière de culture, d'histoire et de sciences » prises par la FIF « à hauteur de 10 millions d'euros ». Une marque de l’engagement de l’Etat pour « soutenir ce qui, dans notre pays, doit nous permettre de faire émerger une meilleure compréhension de l'islam et aussi une meilleure formation intellectuelle, académique qui des religieux, mais tous nos concitoyens qui s'intéressent à cette religion, à cette civilisation pour mieux nous connaître aussi les uns les autres parce que c'est un enjeu pour nous-mêmes », avait alors affirmé le président de la République.

Lire aussi : « Bâtir un islam des Lumières » : ce qu'il faut retenir du discours de Macron contre « le séparatisme islamiste »

Sortir la FIF de l'asphyxie dans laquelle elle se trouve

Cette annonce venait couronner les efforts de longue haleine de Ghaleb Bencheikh pour assurer la pérennité de son institution, créée sur la volonté de l’Etat fin 2016 mais qui est jusqu’ici peu dotée en moyens.

Outre l'interdiction de financements étrangers hors Union européenne inscrite dans ses statuts, la difficulté est décuplée par l’absence de mécènes et de philanthropes privés capables de venir à la rescousse des structures concourant à répondre aux défis que pose la présence musulmane en France. A l’exception notable de l’Aga Khan qui a aidé par deux fois la FIF, il n’existe pas en France de « Rothschild musulmans » sur lesquels la fondation peut compter. Les grandes entreprises françaises demeurent, quant à elles, toujours aussi frileuses à mettre la main à la poche dans un contexte où le sujet islam est anxiogène.

L’annonce présidentielle, qui était intervenue une semaine après une rencontre « fructueuse » à l’Elysée entre Emmanuel Macron et Ghaleb Bencheikh pour plaider la cause d'un « institut capital pour l'avenir de l'islam de France », avait alors été vécue naturellement comme une vraie bouffée d’oxygène pour la FIF tant elle veut sortir de l’asphyxie financière dans laquelle elle se trouve. Mais quatre mois sont passés depuis et la promesse n’a toujours pas été concrétisée. Or, « si rien n’est fait, nous végétons jusqu’à ce que nous mourrons de notre petite mort », prévient le président de la FIF lors d’un point presse organisé mercredi 10 février durant lequel a été présenté le bilan d’activités – le premier – des trois dernières années de l’institution.

« Il n’est pas dans la vocation de la FIF, qui est une institution laïque de droit privé, de vivre éternellement des deniers publics », déclare Ghaleb Bencheikh. Néanmoins, « nous avons aussi besoin d’une impulsion et nous l’attendons de l’Etat ». « La parole présidentielle est engageante » et la FIF, reconnue d’utilité publique, est « délégataire de certaines missions régaliennes de l'État dans les domaines éducatif, social et culturel ». « Il y a aussi une nécessité de ne pas ramener le débat de l'islam que sur le plan géopolitique ou sécuritaire », appuie-t-il auprès de Saphirnews.

La FIF à l'heure de gros enjeux de gouvernance

« Ceux qui cèdent aux sirènes islamistes sont ceux qui – pas tous, pas systématiquement – pâtissent d’une indigence intellectuelle et d’une déshérence culturelle. Il faut combler ce déficit », indique l’islamologue, qui invoque « instruction, acquisition du savoir, culture, connaissance, ouverture sur le monde, éducation à l’altérité, inclination pour les valeurs esthétiques » comme « maitres-mots pour lutter contre l’islamisme, notamment politique » dans le but d’« expurger le mal de la psyché de jeunes » ayant adopté des discours de rupture pour « y mettre de l’humanisme, de la bonté, de la miséricorde, de l’universalisme, des valeurs républicaines ».

« Dix millions d'euros, c'est très bien pour vaincre notre inertie de départ et matérialiser des ambitions mais les choses ne sont pas acquises », nous indique, prudent, Ghaleb Bencheikh. Dans cette affaire, « je suis comme Saint-Thomas » à qui l’on prête la célèbre phrase « Je ne crois que ce que je vois ! », dit-il, espérant que l’argent annoncée soit bien(tôt) entre les mains de la FIF, qui doit pour le moment tenir l'année 2021 avec un budget approchant les 500 000 euros.

Entre enjeux de gouvernance et enjeux financiers, l'avenir de la Fondation de l'islam de France en suspens
Mais entre les mains de quel président ? Car l'heure est au renouvellement des instances dirigeantes de l'institution, qui sera acté lors du prochain conseil d'administration le 4 mars. Ghaleb Bencheikh, candidat à sa propre succession, devrait faire face à Sadek Beloucif s'il devient membre du collège des personnalités qualifiées de la FIF, un des trois collèges constitutifs du CA pour lequel il a candidaté.*

Mise à jour mercredi 3 mars : La réunion du CA a été reportée ultérieurement en avril.
Mise à jour jeudi 8 avril : Elle a de nouveau été reportée en juin.

Le chef de service en anesthésie-réanimation à l'hôpital Avicenne de Bobigny, qui préside le Conseil d'orientation de la FIF depuis mars 2017 et dernièrement l'association L'islam au XXIe siècle, bénéficie de l'appui de la Grande Mosquée de Paris, dirigée par Chems-Eddine Hafiz. Membre du Conseil supérieur des sciences et de la culture de la GMP, créé en janvier 2020, le médecin en est aussi le référent santé.

Or, entre Chems-Eddine Hafiz et Ghaleb Bencheikh, l'inimitié règne, plus encore depuis que l'islamologue, sérieux prétendant au poste de recteur de la GMP depuis des années, ait été écarté fin 2018 de l'émission Islam sur France 2. Celle-ci est produite par l'association Vivre l'Islam, elle-même présidée par Chems-Eddine Hafiz. Autant dire que la bataille pour la présidence, si elle est bel et bien engagée, s'annonce rude. « Je suis prêt à la livrer. Seules sont perdues d'avance les batailles qu'on ne livre pas », confie Ghaleb Bencheikh.


Que dit le président de la FIF concernant le projet de loi confortant le respect des principes républicains, en débat au Parlement ? « En tant que citoyen, je ne suis pas pour l’inflation législative (…). Je pense que l’arsenal législatif existant est suffisant, il suffit de l’appliquer avec rigueur, autorité et sévérité s’il le faut », déclare-t-il. Mais « en tant qu’acteur public, si la République a besoin de se donner les moyens législatifs pour contrecarrer la déferlante wahabbo-salafiste, l’islamisme radical et politique, alors oui, il faut faire crédit à la sagesse du législateur. Je ne perdrai jamais de vue que nous sommes encore dans un Etat de droit et que nous avons les garde-fous qu’il faut ».



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur


Réagissez ! A vous la parole.

1.Posté par Ajeeb le 12/02/2021 13:30 | Alerter
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Et oui. On ne peut pas mettre la charrue avant les boeufs. Il faut toujours en amont de quelque chose, avoir bien défini le plan. Les finances, comment. La gouvernance idem.

2.Posté par francois.carmignola@gmx.com le 12/02/2021 20:50 | Alerter
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On fera remarquer avec ironie que le fameux "islam des lumières" dont l'existence proclamée enthousiasme bien des gens reste "à batir".
Faudrait savoir.

3.Posté par Premier Janvier le 13/02/2021 20:48 | Alerter
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François. C'est savoir la décrypter qui dit le sens d'une phrase.
Vous ne savez pas le faire.
Vous en dîtes toujours, soit un autre sens, soit qu'elles n'en ont pas.
On sait des écrits que ce ne sont pas les auteurs qui les font mais les lecteurs.
Vous faîtes semblant de croire que personne ne le saurait sauf vous.
Mais ça ne marche pas comme ça. Puisque la plupart d'entre nous savons les lire (les déchiffrer).


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