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Finance éthique

En période de crise, un indice islamique pour la Bourse de Paris renforcerait son attractivité face à Londres

Rédigé par Sophian Fourari et Ezzedine Ghlamallah | Jeudi 27 Mai 2021 à 17:00

           


En période de crise, un indice islamique pour la Bourse de Paris renforcerait son attractivité face à Londres
Dans un pays où 8,8 % de la population (5,7 millions) est musulmane, un chiffre susceptible d’évoluer entre 12,7 % et 18 % d’ici à 2050 selon le Pew Research Center, la Bourse de Paris aurait intérêt à se diversifier et s’adapter aux nouveaux instruments financiers pour rester compétitive et attractive.

Pionnier de la finance islamique sur le continent européen, la place financière du Royaume-Uni (La City) est en perte de vitesse depuis son retrait de l’Union européenne, qui provoque la fuite de certains actifs souhaitant rester attachés à l’Europe continentale. Près de 10 % des actifs des banques du Royaume-Uni auraient déjà été déplacés vers l’Union européenne, prévient le centre de recherches New Financial.

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Une opportunité d'accroître les performances de la place de Paris

Face à ces événements, la France pourrait se positionner. Aux vues des conséquences du Brexit et connaissant l’avance de la place financière londonienne en matière de finance islamique par rapport à ses voisines européennes, il faudrait peut-être voir dans ce contexte particulier l’opportunité de transformer la place de Paris en la dotant de nouveaux instruments capables d’attirer les capitaux issus de l’industrie financière islamique, qui connait depuis deux décennies une croissance importante et qui se caractérise par l’absence d’intérêt et l’utilisation d’instruments financiers éthiques et participatifs. Il s’agit d’accueillir les capitaux en provenance des pays musulmans et ainsi de concurrencer la place londonienne.

Rappelons que l’industrie financière islamique a connu une croissance de 525,75 % entre 2006 et 2019, passant de 462 milliards en 2006 à 2429 milliards de dollars d’actifs en 2019. Aussi, afin que cette croissance puisse être profitable à la France, nous avons donc envisagé la création d’un indice islamique français dont la Bourse de Paris est actuellement dépourvue, afin d’étudier l’intérêt de ce type d’investissement dans le contexte français.

En se basant sur le CAC 40, contenant les 40 premières capitalisations boursières françaises et en effectuant le même processus de filtrage que celui actuellement utilisé par Dow Jones dans le cadre de son indice Dow Jones Islamic Market Index qui consiste en l’exécution de trois ratios financiers : un ratio d’endettement, un ratio de créances et un ratio de liquidité, nous avons abouti à l’éviction de 75 % des valeurs composant l’indice CAC 40. En éliminant 47 % des entreprises de notre échantillon, le ratio d’endettement apparaît comme le filtre le plus restrictif juste après le filtrage extrafinancier qualitatif.

Enfin, l’indice islamique parisien ainsi constitué serait composé de 10 valeurs aux poids hétérogènes et comprendrait des entreprises opérant principalement dans les secteurs de l’informatique et de la consommation discrétionnaire (biens et services considérés comme non essentiels). Après diverses analyses statistiques, l’indice islamique parisien apparaît à la fois moins risqué et plus performant que le CAC 40, avec une volatilité et bêta plus faibles et des rendements plus élevés sur la période de 2015 à 2020.

Performance de l’indice islamique, CAC 40 et non islamique
Performance de l’indice islamique, CAC 40 et non islamique
Cela met en évidence au niveau français ce qu’une littérature internationale a déjà expliqué : adopter les principes de la finance islamique semble être un choix à la fois éthique et rentable où le compromis entre risque et rendement est intéressant.

Face à ce constat et au contexte politique actuel en Europe, la Bourse de Paris pourrait sérieusement envisager la création d’un indice islamique afin de pouvoir enfin jouer son rôle de pays européen comptant la plus grande communauté musulmane. Un pays désireux de fortifier sa place financière face aux perturbations que subit la Bourse de Londres depuis l’annonce du Brexit et face à la concurrence de la place de Francfort, qui entend aussi tenter de capter le maximum de capitaux perdus par Londres. La France a de considérables atouts pour jouer un rôle déterminant dans ce concert.

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Sophian Fourari est diplômé d'un MSc (Master of Science) en Finance internationale à l'Ecole de commerce de Rennes (ESC). Ezzedine Ghlamallah est consultant, fondateur de SAAFI, cabinet de conseil en finance islamique et assurance Takaful, est aussi chercheur au Centre d'études et de recherche en gestion rattaché à l'Université d'Aix-Marseille (CERGAM).

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