Société

Emploi: Kader moins chanceux que Julien

Rédigé par Laila Elmaaddi | Jeudi 15 Mars 2007 à 09:54

D'après une enquête du Bureau international du travail (BIT), publiée mercredi, près de 4 employeurs sur 5 préfèrent recruter un candidat "d'origine hexagonale ancienne" qu’un maghrébin ou noir africain. Selon un des co-auteurs de l'enquête, Eric Cediey, "une part très importante de la discrimination se passe au niveau du CV écrit ».



Seulement 11% ont respecté une égalité de traitement

"Collectivement, les employeurs testés ont très nettement discriminé les candidats minoritaires (d'origine maghrébine ou noire africaine) et seulement 11% des employeurs ont respecté tout au long du processus de recrutement une égalité de traitement entre les deux candidats", écrit le BIT dans cette enquête financée par le ministère de l'Emploi, entre fin 2005 et mi-2006.

Le plus souvent, la discrimination est enregistrée avant même que les employeurs ne se soient donné la peine de recevoir les deux testeurs.

Le BIT livre un petit florilège des discriminations, allant du mensonge basique ("le poste est déjà pourvu") à la réponse embrouillée ("rappelez-moi en fin de semaine, on est quel jour ? ...on est vendredi...euh oui donc, rappelez-moi la semaine prochaine pour voir s'il y a du changement.").

On vous rappellera

L'enquête pointe aussi "une forme assez sournoise de discrimination" consistant à mettre en attente le candidat discriminé ("envoyez un CV", "rappelez" ou "on vous rappellera"), alors que le candidat majoritaire reçoit une proposition d'entretien.

Au final, lorsque les employeurs ont le choix, "près de quatre fois sur cinq" ils favorisent le candidat majoritaire, baptisé pour l'expérience Julien Roche ou Emilie Moulin notamment.

"La discrimination est un phénomène assez généralisé en Europe et les résultats pour la France ne diffèrent pas beaucoup", a souligné Patrick Taran, coordinateur du testing au BIT, lors d'une conférence de presse.

Une étude en 1976-77, passée inaperçue à l'époque, avait déjà révélé les discriminations faites aux Antillais.

Les vrais faux candidats étaient Français

Dans l'enquête, tous les vrais faux candidats étaient Français. Ils avaient tous un CV rigoureusement équivalent en termes de scolarité, formation, qualifications, expérience, mobilité, résidence.

Les candidats discriminés se distinguaient uniquement par un nom et un prénom à consonance maghrébine ou noire africaine, Kader Larbi, Aminata Bongo.

2.440 offres d'emploi ont été passées au crible à Lille, Lyon, Marseille, Nantes, Paris et Strasbourg, le BIT ayant recours à des étudiants ou des comédiens de 20 à 25 ans, formés pour l'exercice.

Ils ont répondu à des offres de basse et moyenne-basse qualification, dans divers secteurs: hôtellerie-restauration, vente, commerce, services à la personne, transports, accueil, etc.

Le CV anonyme n'est pas la solution

Les vrais faux candidats ont téléphoné, envoyé un CV ou se sont présentés directement. Certains ont essuyé un refus, d'autres ont été convoqués pour un entretien, ce qui est, selon le BIT, la meilleure manière de prévenir les discriminations.

Selon un des co-auteurs de l'enquête, Eric Cediey, "une part très importante de la discrimination se passe au niveau du CV écrit".

"Tout travail qui amènerait à neutraliser les stéréotypes véhiculés par le CV pourrait avoir des résultats" a-t-il estimé, mais le CV anonyme "n'est pas la solution pour régler l'ensemble des problèmes".

Le gouvernement s'est déclaré "pleinement conscient des problèmes existants et des efforts qui doivent être accomplis".

Mercredi, le vice-président de SOS Racisme Samuel Thomas a réagi en regrettant que cette enquête ne soit pas utilisée pour poursuivre les employeurs incriminés.