Psycho

Eddine : « Il y a un conflit en moi, je suis déchiré entre deux mondes totalement opposés »

Rédigé par Fatima Zahra | Mercredi 5 Octobre 2011 à 00:01



As salam alaykum,

Je me permets de vous écrire car, ces derniers temps, je me pose beaucoup de questions et j’aimerais avoir votre avis concernant ma situation.

Je suis un jeune homme de 25 ans, issu d’une famille musulmane pratiquante, al hamdulillah. J’ai reçu une éducation islamique, j’ai grandi entre l’école, la mosquée et les terrains de football jusqu’à mes 20 ans.

Les longues études que j’ai entreprises m’ont amené à m’éloigner de ce milieu, que j’appréciais énormément. Je vis depuis quelques années au cœur de Paris, dans une résidence étudiante, entouré de non-musulmans, filles et garçons mélangés.

J’essaie de garder les principes que m’ont inculqués mes parents, mais je me rends compte que plus le temps passe et plus l’environnement dans lequel je vis déteint sur ma personne. Cet environnement n’est pas des plus sains, ça parle souvent de filles, de soirées, d’alcool...

Le week-end, quand je rentre voir mes parents, je retrouve la routine qui était la mienne il y a quelques années de cela : la mosquée, le foot, les parents. Malheureusement, ce n’est plus comme avant. Je suis triste dans cette ambiance, j’ai l’impression qu’il y a un conflit en moi, je suis déchiré entre ces deux mondes totalement opposés : celui de Paris, dans lequel je baigne de plus en plus et qui, au fond de moi, me répugne ; et celui de la maison, que je fréquente de moins en moins, mais qui me manque de plus en plus.

Autre chose me tourmente l’esprit : l’envie de me marier. Je n’ai jamais « fréquenté » de fille, al hamdulillah, et m’étais donné comme objectif l’obtention de mon diplôme avant un éventuel mariage.

Cependant, cette préoccupation occupe de plus en plus mon esprit, au point de nuire à mes études. J’ai des vues sur une fille à qui je parle souvent, mais qui ne convient pas à mes parents, et qui n’aurait pas non plus convenu à l’homme que j’étais il y a quelques années. Mais, aujourd’hui, c’est différent : je suis devenu différent, et je n’aime pas ce que je suis devenu.

Les conséquences de tous ces conflits psychiques sont que j’ai redoublé mon année... et j’ai peur que, arrivé si près du but, je déraille complètement, que je foute en l’air mes études, que je fréquente les filles, que je fasse quelque chose contre l’avis de ma famille...

Aujourd’hui, je suis perdu, je ne sais que faire. Dois-je écouter ma famille, c’est-à-dire me concentrer sur les études et oublier cette fille, qui a, certes, de nombreuses qualités mais pas assez pour mes parents qui n’envisagent pas autre chose qu’un mariage arrangé, traditionnel, avec une fille issue d’une famille très conservatrice comme la mienne ? (Quand bien même je prendrais cette décision, et malgré toute ma bonne volonté, serais-je capable de tenir mes engagements ?)

Ou alors me marier avec cette fille, au risque de faire le mauvais choix et de me mettre ma famille à dos, mais, au moins, pouvoir me concentrer sur mes études et sur rien d’autre ?

De la décision que je prendrai dépendront ma réussite dans les études et donc mon avenir...

Je vous remercie de m’avoir lu, et j’espère que vous me donnerez un avis éclairé.

Fatima Zahra, psychothérapeute

Cher Eddine,

Le conflit que vous vivez est clairement exprimé quand vous écrivez ceci : « […] je suis déchiré entre deux mondes […] : celui de Paris, dans lequel je baigne de plus en plus et qui me répugne, et celui de la maison, que je fréquente de moins en moins et qui me manque de plus en plus. »

Ce qui apparaît, en vous lisant, c’est que votre expérience actuelle se situe entre la répugnance et l’attirance. Il me paraît pertinent que vous observiez avec bienveillance comment cela se passe exactement. Regardez si la répugnance est présente dans tout le tableau ou à certains endroits seulement et faites de même avec l’attirance. Cela devrait déjà vous permettre de mieux comprendre votre expérience actuelle.

Vous racontez également que vous n’aimez pas celui que vous êtes devenu. Quel sens cela a-t-il pour vous de vous rejeter ? Comment vivez-vous le fait de ne pas vous aimer ? Ce désamour pour vous-même vous a-t-il apporté quelque réconfort ? Observez cela.

Aujourd’hui, vous aimez une fille que vous n’osez présenter à vos parents, par peur de leur réaction. Comment vous sentez-vous à l’idée de ne pas être libre de vos choix ? Prenez le temps de regarder cela. Faites-le sans vous juger. Juste, regarder.

Au travers de votre témoignage, vous posez aussi la question de la loyauté. Êtes-vous un homme loyal ? Jusqu’où êtes-vous prêt à aller par loyauté ? Explorez de même cette question sans jugement.

Ce qui émerge également de votre lettre, c’est la comparaison que vous faites entre l’homme d’avant et l’homme d’aujourd’hui. Qu’appréciez-vous chez l’un et chez l’autre ? Peut-être pourriez-vous dresser une liste par écrit des qualités de ces deux hommes.

Je vous invite à observer comment vous les mettez en opposition. Pouvez-vous envisager d’établir un dialogue entre les deux ?

C’est par une meilleure connaissance de vous-même que vous parviendrez à restaurer votre capacité à choisir et à assumer pleinement les conséquences de vos choix. Et si l’expérience que vous vivez aujourd’hui était là une occasion de devenir acteur de votre vie ?

J’espère que ces lignes vous aideront dans votre cheminement.

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