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Deux belles conférences sur l'islam aujourd'hui

Par l'UTLS en partenariat avec l'IISMM-EHESS

Rédigé par Amara BAMBA | Mardi 2 Octobre 2007 à 13:17

Avec Moussa Khedimellah hier et Bernard Godard aujourd'hui, les conférences sur « les islams d'Europe » ont conquis leur public. Cette série de treize conférences est organisée par l'Université de tous les savoirs ( UTLS ) en partenariat avec L' IISMM -EHESS (Institut d'études de l'Islam et des sociétés du Monde Musulman – École des Hautes Études en Sciences Sociales). Commencé le 1er octobre le cycle se poursuivra jusqu'au 13 du mois au rythme d'une heure de conférence quotidienne. Pour ceux qui ne peuvent se déplacer, les séances sont retransmises par l'Internet sur la chaîne Canal-U.



La conférence d'ouverture donnée par Moussa Khedimellah a porté hier sur « l'islam en Europe ». L'on ne connaissait pas M. Khedimellah sur ce sujet. Il l'a pourtant traité avec grande maîtrise et érudition devant un auditoire particulièrement attentif. Le conférencier est déjà reconnu pour ses travaux sur les questions d'intégration urbaine dont des productions de référence sur le mouvement des Tabligh. Il s'est aussi intéressé à « l'islam dans les prisons » avec Farad Khosrokhavar.

Sociologue affilié au Centre d'analyse et d'intervention sociologique (Cadis), un laboratoire du Centre national des la recherche scientifique (CNRS), Moussa Khedimellahh fait partie de la génération montante de chercheurs français, dont les travaux portent sur des questions en rapport à la communauté musulmane dont ils sont eux-mêmes membres. Avec Rachid Benzine, Dounia Bouzar, Omero Marongiu et quelques autres chercheurs dans les starting-blocks des laboratoires, ils sont, pour les musulmans de France, des exemples de réussite dans le domaine réservé de la recherche en sciences sociales.

Les quatre vérités du sociologue


Après un bref rappel historique de la relation de l'Europe avec l'islam, le conférencier brossera un tour d'horizon des grands pôles de présence musulmane en Europe que sont la France, l'Angleterre, l'Allemagne. Au passage il s'accordera quelques rapprochements transversaux soulignant la diversité ou la similarité des situations dans différents pays.

Au final, sa démonstration est claire: les musulmans d'Europe sont bien des Européens, dans leur histoire, leurs aspirations et leurs diversités. Ils sont soumis aux mêmes phénomènes que leurs concitoyens non musulmans. Comme les autres Européens, les musulmans d'Europe manifestent un déficit de la participation. Comme les autres Européens, ils sont aussi adeptes du « croire sans appartenir ».

Mais, selon M. Khedimellah, la vraie nouveauté des musulmans d'Europe, malgré leur diversité, est l'émergence d'une « nouvelle classe moyenne ». Cette classe moyenne est économiquement « intégrée » (même si elle n'aime pas ce mot); et elle aspire à jouer un rôle social en rupture avec celui de la génération de ses pères. Ce qui ne va pas sans occasionner certaines crises dont le sociologue est souvent témoin.

Pour conclure son exposé, M. Khedimellah propose quatre points à prendre en compte concernant la présence musulmane en Europe:

1-L'égalité de traitement des religions dans le domaine publique. Dans certains pays d'Europe, notamment en Belgique et en Hollande, le traitement de l'islam à égalité avec les autres cultes est très mal vécu.
2- Atténuer la dépendance des musulmans d'Europe à l'égard de leurs pays d'origine. Cette dépendance entretient un déficit de reconnaissance citoyenne et empêche parfois l'expression d'un véritable islam européen. Le Conseil français du culte musulman (CFCM) est un exemple non isolé: en Belgique, en Espagne, en Suisse... les situations sont proches de celle du CFCM.
3-La question du leadership. Peu de personnalités musulmanes sont des polyglottes capables de servir de ressources aux institutions d'Etats pour gérer le rapport à la présence musulmane en Europe. Tariq Ramadan fut appelé par Tony Blair pour diriger une commission de réflexion au lendemain des attentats de Londres. Mais ce cas reste encore exceptionnel.
4-L'éducation civique, la démocratie et les droits de l'Homme. Cela doit se matérialiser par la présence de musulmans dans les instances politiques existantes. Selon M. Khedimellah, en parlant de la France « notre pays n'a pas l'habitude de parler de musulmans dans le système politique. Mais la plupart des pays d'Europe ont commencé à avoir des députés ou un certains nombre de musulmans, représentatifs de ces minorités aux élections ...»

Islam de/en France


La conférence de ce mardi fut donnée par Bernard Godard sur le thème de « islam de France, islam en France ». Chargé de mission au bureau central des cultes du ministère de l'Intérieur, M. Godard est un observateur privilégié de l'islam et des musulmans en France. « Les musulmans en France » (Ed. Robert Laffont, 2007) qu'il co-signe avec Sylvie Taussig est un dictionnaire du kaléidoscope idéologique et culturel de l'islam en France.

C'est ce tableau très nuancé que brossera le conférencier cet après midi. Il partira des musulmans dits « modérés » qu'il préfère appeler adeptes d'un « islam traditionnel » pour arriver à ceux qu'il nomme les « néo-Salafistes », à ne pas confondre avec les Salafistes. Le voyage des « modérés » au « néo-Salaf » passe par le mouvement des Tabligh, par les congrégations soufis et même par les mouvements plus politiques tels que les Frères musulmans. Photographie rapide mais précise de la mosaïque musulmane de France que l'on a voulu faire fédérer dans le CFCM.

M. Godard est justement l'un des artisans du CFCM dont il connaît les acteurs et les détracteurs. Mais il n'a pas voulu s'attarder sur le conseil dirigé par Dalil Boubakeur. Depuis les premiers instants du CFCM, Bernard Godard, comme le bureau des cultes du ministère de l'Intérieur, a soutenu que « le CFCM n'a pas vocation à représenter les musulmans de France ». Pour lui, le rôle essentiel du CFCM est de « servir d'interlocuteur à l'Etat dans la gestion des questions du culte musulman ». Ce rôle est clair et précis. Mais dans les faits, les dirigeants du CFCM ont rarement raté une occasion de glisser dans le champ du politique. Et c'est sur le ton de l'aveu que M. Godard laissera tomber: « il est vrai en, cinq ans, le CFCM n'a pas fait grand chose ».

Suivre la conférence de M. Khedimellah

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