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Monde

Des personnalités religieuses au front pour réclamer l’abandon du projet pétrolier de Total en Afrique de l'Est

Rédigé par Lionel Lemonier | Mardi 29 Novembre 2022 à 11:55

           

Le mégaprojet pétrolier en Afrique de l’Est porté principalement par Total Energies met en colère les défenseurs de la planète. En France, des personnalités religieuses ont décidé de rejoindre la campagne de dénonciation pour obtenir l’arrêt d'un projet climaticide aussi dangereux pour la biodiversité que pour les populations locales d'Ouganda et de Tanzanie.



En cette matinée du mardi 29 novembre, des personnalités religieuses se sont rassemblées à Paris pour réclamer l’abandon immédiat des grands projets pétroliers de Total Energies en Ouganda et en Tanzanie. La multinationale française et son principal financeur, le groupe bancaire Crédit Agricole, s’obstinent à porter un projet de 10 milliards de dollars visant à forer des centaines de puits en Ouganda et à construire un oléoduc destiné à relier les gisements pétrolifères ougandais à un port en Tanzanie. Ce projet fait l’objet d’une action en justice en France de la part de six ONG qui critiquent, au nom du devoir de vigilance, les impacts énormes sur l’environnement, la biodiversité et les habitants des régions traversées.

L’ONG interreligieuse GreenFaith a voulu marquer les esprits en organisant une cérémonie interconfessionnelle de dénonciation collective réunissant six personnalités religieuses. En partenariat avec la branche interconvictionnelle d’Extinction Rebellion (XR-Spi), qui se présente comme un mouvement international de désobéissance civile en lutte contre le dérèglement climatique, le premier rassemblement au Forum 104 a été suivi d'une action de désobéissance civile pacifique dans une station Total du 15e arrondissement de Paris. « C'est la première fois en France que des personnalités religieuses assument publiquement leur opposition aux projets pétroliers EACOP et Tilenga de TotalEnergies et manifestent dans le cadre d'une action illégale non-violente », souligne GreenFaith.

Les six personnalités appartenant aux traditions chrétiennes, juive, musulmane et bouddhiste qui ont répondu présentes sont Caroline Ingrand-Hoffet, pasteure de la paroisse protestante de Kolbsheim, en Alsace, Mgr Marc Stenger, évêque émérite et président de Pax Christi France, Yeshaya Dalsace, rabbin de la communauté Massorti Dor Vador, à Paris, Anouar Kbibech, président du Rassemblement des musulmans de France (RMF), Olivier Reigen Wang-Genh, maître bouddhiste zen, et Kankyo Tannier, nonne bouddhiste zen.

Ce que TotalEnergies prévoit

Si TotalEnergies va au bout de ce projet baptisé EACOP (East African Crude Oil Pipeline en anglais, Oléoduc de pétrole brut d’Afrique de l’Est en français), l’oléoduc sera le plus long chauffé du monde, avec une distance parcourue de plus de 1 400 kilomètres. Il fera perdre l’accès à leurs terres à des dizaines de milliers d’agriculteurs et traversera une région très riche en biodiversité, dénoncent les militants écologistes. Le projet prévoit également le forage de plus de 400 puits pétroliers dont une centaine dans la réserve naturelle de Murchison Falls, le plus grand parc naturel d’Ouganda.

« Les conséquences de la construction (de l’oléoduc) seront dévastatrice pour nos communautés, la faune et pour la planète », expliquait Landry Ninteretse, directeur régional du groupe de protection de l’environnement 350Africa.org, en février 2022, au moment de la signature d’un accord d’investissement entre le groupe pétrolier et les gouvernements ougandais et tanzanien.

TotalEnergies compte exploiter le futur champ pétrolifère de Tilenga en prenant 56,67 % des parts, en association avec l’entreprise chinoise CNOOC (28,33 %) et la compagnie ougandaise UNOC (15 %). A cela s’ajouteront plus de 180 km de tuyaux et un pipeline de 95 km pour rejoindre le district d’Hoima où se trouveront le début de l’oléoduc EACOP et une future raffinerie construite par l’État ougandais.

La multinationale française porte en parallèle le projet EACOP à hauteur de 62 %, en association avec les compagnies nationales pétrolières UNOC (Ouganda, 15 %), TPDC (Tanzanie, 15 %) et CNOOC (Chine, 8 %). Le tracé du futur pipeline relie le district ougandais d’Hoima et le port de Tanga en Tanzanie. L’ouvrage, qui traversera notamment de nombreux écosystèmes sensibles et des zones riches en biodiversité dont plusieurs forêts primaires, devrait faire 1 443 kilomètres dont 400 km sous les eaux du bassin du lac Victoria.

Un projet dangereux pour l'environnement et les populations

Or, quelque 40 millions de personnes dépendent de ce deuxième plus grand lac d’eau douce au monde pour vivre. Le pétrole brut ougandais est très visqueux et le pipeline devra être chauffé à 50 degrés. Il est prévu pour transporter environ 216 000 barils de pétrole par jour, avec tous les risques de fuite liés que d’autres pipelines dans le monde connaissent déjà.

Ces projets devraient affecter près de 118 000 personnes selon Les amis de la Terre. Les expropriations se font en l’absence totale de consentement préalables libres et informés et des pressions sont exercées contre les propriétaires pour les forcer à céder leurs terres en acceptant les offres de TotalEnergies, dénonce aussi GreenFaith. D’après les experts du GIEC et la communauté scientifique, plus aucun nouveau projet pétrolier et gazier ne devrait démarrer après 2021 pour espérer limiter l’augmentation de la température à +1,5°C. Force est de constater que ce nécessaire objectif n'est malheureusement pas celui de nombreuses nations et multinationales comme en a témoigné l'issue de la COP 27 en Egypte. Pour GreenFaith, qui interpelle aujourd'hui autant Total que le Crédit Agricole. l’action interreligieuse s’inscrit dans une volonté nette de « souligner l'urgence et appeler à un sursaut des consciences pour la justice et le vivant ».

Mise à jour mercredi 30 novembre : Contre les mégaprojets pétroliers de Total en Afrique : « Notre planète, nos vies, valent mieux que leurs profits ». Anouar Kbibech explique sur Saphirnews les raisons de sa mobilisation.





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