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Points de vue

Des clés de lecture pour comprendre le Mathnawi de Rumi

Rédigé par | Jeudi 18 Juin 2020 à 09:00

           

Quelles clés de lecture faut-il pour comprendre le Mathnawi, l’œuvre majeure du grand mystique Jalal ud-Din Rumi ? Cheikha Hayat Nur Artiran, présidente de la Fondation Internationale Şefik Can pour l’éducation et la culture sur Mevlana, à İstanbul, a abordé ce sujet au cours d’une conférence organisée fin avril par la fondation Conscience soufie. Ce qui suit est un compte-rendu rédigé par Clara Murner.



Des clés de lecture pour comprendre le Mathnawi de Rumi
Le Mathnawî est l’œuvre majeure du grand maître soufi de Konya Jalal ud-Din Rumi (m. 1273). Composé de 260 000 vers doubles (distiques), cette œuvre monumentale comprend six tomes dans lesquels il donne des clés de compréhension profonde du Coran et de l’âme humaine. Mais entrer dans les arcanes de cette œuvre demande une approche particulière.

Le Mathnawî est le « remède des cœurs: il dissipe les chagrins, aide à la juste compréhension du Coran, embellit le caractère des hommes. Seuls ceux qui sont purs peuvent toucher le Mathnawî », disait Rumi, aussi appelé Mevlana. Toucher est ici à comprendre comme atteindre la réalité intérieure du Mathnawî. Le but des histoires et des enseignements qu’on y trouve est la guérison de l’âme.

Le Coran et les hadiths pour sources du Mathnawî

Chez les Mevlevis, il existe une fonction spéciale et un maqam (station spirituelle) qu’on appelle Mesnewihan, c’est-à-dire « lecteur du Mathnawî ». On doit écouter le Mathnawî à travers les Mesnewihans afin d’avoir une juste compréhension de cette œuvre de Mevlana.

Lorsque Şefik Can Dede, le maître mesnewihan de Cheikha H. Nur Artiran lui lisait le Mathnawî, il lui disait : « Entends-tu les battements du cœur de Mevlana entre les lignes ? Captes-tu le parfum de Mevlana ? » Rumi disait : « Il est nécessaire que tu meures à toi-même pour capter mon parfum. Ne me regarde pas tant que tu es vivant. »

Ceux qui sont habités par leur ego ne peuvent pas comprendre le Mathnawî. Il faut une pureté dans les pensées et dans le cœur. Le lire ne suffit pas, il faut une foi puissante et l’incarner dans sa vie. Mevlana disait : « Je suis l’esclave du Coran. » Et aussi : « Le Mathnawî, c’est la boutique de l’Unité, il n’y a pas de place pour la dualité. »

Les sources du Mathnawî sont le Coran et les hadiths. Si une personne interprète mal ses paroles, le Coran et les hadiths présenteront leurs doléances contre lui. Sefiq Can Dede recommande de ne pas lire le Mathnawî comme un roman, pour en connaître la fin, mais de s’efforcer de le comprendre. Si on n’y arrive pas, il ne faut pas en faire des interprétations personnelles ; il faut le lire comme s'il s'agissait d'un acte de dévotion.

Des clés de lecture pour comprendre le Mathnawi de Rumi

Une compréhension correcte des symboles est nécessaire pour comprendre le Mathnawî

Les six tomes, avec les 400 histoires du Mathnawî, sont un commentaire de la première histoire, l’histoire du roi amoureux d’une esclave malade. Le roi représente l’esprit, notre part spirituelle, et la servante, notre âme charnelle. Le Mathnawî nous parle de notre réalité intérieure, il raconte nous-mêmes à nous-mêmes. Tous les médecins que le roi envoie auprès de sa servante ne peuvent la guérir car ce sont de faux cheikhs, mais le dernier est un « homme parfait », un véritable guide spirituel, qui peut soigner l’âme charnelle.

Mevlana n’est pas ennemi de la femme. Pour lui, la femme réalisée, tout comme les prophètes et les saints, est un miroir divin, le lieu de la manifestation de l’attribut al-Rahim, en lien avec son statut de mère. Il a choisi la femme pour symboliser la nafs, l’âme charnelle, car celle-ci a la capacité d'enfanter, pour mieux faire comprendre notre fonctionnement et nous éclairer sur les moyens de nous guérir.

On ne peut pas prononcer un jugement sur Mevlana en prenant le sens littéral du Mathnawî. Sans une compréhension correcte des symboles, on aura une fausse conception de la pensée de Mevlana. Il faut endurer des épreuves pour pouvoir accéder à la Vérité, ne pas lire le Mathnawî avec des préjugés. L’Essence spirituelle est subtile. Dieu nous montre des choses puissantes, des réalités difficiles à comprendre. Elles ne sont pas accessibles si on ne possède pas les clés.

Lire le Mathnawî est néanmoins possible pour tous

On doit bien comprendre les symboles pour interpréter le Mathnawî qui, lui-même, aide à la compréhension du Coran. On trouve 1 500 versets coraniques commentés dans le Mathnawî et 260 hadiths. Mais beaucoup de gens ne comprennent pas les paraboles et s’égarent. L’approche académique ne suffit pas. La compréhension du Mathnawî nécessite une intelligence et une éducation spirituelles de haut niveau, telles que nous cherchons à les acquérir chez les Mevlevis, sous la direction d’un guide spirituel, un Mesnewihan.

Ce n’est pas si simple. Toutefois, même si nous ne connaissons pas le sens profond des symboles présents dans le Mathnawî, la lecture de cette oeuvre reste possible pour tous. Il suffit de le lire avec une pensée pure, sans jugement. Nul besoin de connaître à l’avance la signification de chaque symbole. Il suffit simplement d’être convaincus, sincèrement, que derrière ces histoires, il y a des sens profonds qui peuvent nous échapper.

La conférence a été intégralement retranscrite, le texte est disponible ici.

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Clara Murner
Clara Murner est doctorante en langue et littérature arabes à l'Université de Strasbourg, au sein... En savoir plus sur cet auteur


Réagissez ! A vous la parole.

1.Posté par Premier Janvier le 21/06/2020 15:04 | Alerter
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Il y a toujours la même quantité de mots.
On en invente de nouveaux, on en oublie d'autres bien sur mais nous avons toujours la même quantité de mots pour dire les choses.
C'est leur ordre qui fait tout.
Par exemple la phrase que j'ai écrite, "il y a toujours la même quantité de mots", quelqu'un aura pu la dire en voulant en dire autre chose. C'est la suite qui le dira. Les mots.
Par exemple dans la phrase, qui est il.
Il est mis pour dire les mots.
La phrase dit des mots qu'ils sont des mots. Et c'est tout. Elle ne dit rien. Que du vent.
Ce sont en vérité les mots eux mêmes qui disent des mots ce qu'ils disent des mots.
Il y a toujours la même quantité de mots. Ou et quand.
Si personne ne pense à ou et quand les mots ne le diront jamais.
On a donc les mots qui sont toujours les mêmes et en même quantité mais qui jamais ne peuvent décrire fidèlement une réalité.
Ils en disent une juste.
Je crois que je suis entrain de perdre le fil comme d'habitude. Lol.
Je voulais au départ évoquer les bibliothèques. Les livres, l'objet.
Je me retrouve entrain de parler de ce qu'il y a dedans. Lol.
L'exemple de quelqu'un qui dirait les mots dans le désordre, qui aurait perdu la tête n'invente rien. Il dit une quantité de mots.
C'est ce que sont les livres. Des mots dans le désordre. Puisqu'ils n'ont pas d'ordre. Juste un certain sens.
Je sais très mal dire ce que je veux dire, mais je veux un peu dire que l'on ne créé rien, que l'on invente rien. Que tout est déjà là.

2.Posté par Premier Janvier le 21/06/2020 17:21 | Alerter
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Il y a une phrase de monsieur Leclouch (le cinéaste) que j'ai trouvé extraordinaire.
La phrase c'est , la vie c'est du cinéma.
J'en ai compris, ce que je disais plus haut. On invente rien.


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