Culture & Médias

« Décolonisations : du sang et des larmes » : un documentaire pour assumer la violence du passé colonial français

Rédigé par | Mercredi 7 Octobre 2020 à 13:15



« On n’écrit pas l’histoire avec une gomme. » Diffusé mardi 6 octobre sur France 2, Décolonisations : du sang et des larmes revenait sur l'histoire méconnue de la décolonisation française, longtemps restée taboue car indissociable du sombre passé colonial de l'Hexagone. A l'aide d'images d'archives et d'extraits inédits, le documentaire en deux volets de David Korn-Brzoza et de Pascal Blanchard retrace les guerres d'indépendances des anciennes colonies françaises jalonnées de drames, d'échecs et de victoires.

Dans ces trois heures du documentaire porté par la voix de l'acteur et réalisateur martiniquais Lucien Jean-Baptiste, les réalisateurs reviennent avec profondeur et justesse sur les décennies de conflits qui ont précipité la chute de l'Empire français.

Guerres d'Algérie et d'Indochine, révoltes des colonies d'Afrique subsaharienne, guérillas au Viêt Nam, insurrections et émeutes dans les Outre-Mers... Aucune histoire n'a été oubliée, aucune parole confisquée. Et la parole, c'est avant tout aux premiers concernés que les réalisateurs l'ont donné. Dans ce documentaire magistral, ce sont les témoins des soubresauts de l'Histoire et leurs descendants qui s'expriment. Du maquisard au soldat français en passant par des victimes d'attentats, tous racontent ce qu'ils ont fait, vécus et souvent, subi.

Le documentaire permet aussi de comprendre et de replacer des évènements historiques dans un contexte géopolitique marqué d'abord par la Seconde guerre mondiale puis par la Guerre froide, où les démonstrations de force venant des puissances européennes, russes et américaines reposaient sur le sort des colonisés. Des peuples qui se sont très souvent dressés contre la colonisation « au nom des principes universalistes de la Révolution française » et des idéaux de la République, comme l'a très justement rappelé Benjamin Stora lors du débat qui a suivi la diffusion du documentaire.

Loin de jouer la carte de la victimisation ou de la repentance, les réalisateurs nous montrent au fil des entretiens et des images combien il est important d'assumer institutionnellement l'histoire coloniale, à la source de certaines fissures de notre société actuelle. Des fissures qui trouvent leurs origines dans un passé encore trop présent, des responsabilités non encore assumées et des traumatismes encore vifs qu'il nous faut affronter collectivement pour aller de l'avant.