Religions

Dalil Boubakeur : 'nous avons voulu sauvegarder l’unité des musulmans de France'

Rédigé par Propos recueillis par la rédaction | Mardi 24 Octobre 2006 à 17:28

Dalil Boubakeur est le recteur de la Grande mosquée de Paris. C’est aussi le président du Conseil français du culte musulman qui a décidé, dimanche soir, que l’aïd al fitr aurait lieu le lundi 23 octobre. Nous nous sommes entretenus avec lui pour comprendre comment une telle décision pouvait se prendre et sur quels facteurs.



Saphirnews.com : Le CFCM a fait le choix du lundi 23 octobre pour célébrer la fête de l’aïd. Sur quoi s’est appuyé ce choix ?

Dalil Boubakeur : Nous nous sommes appuyés sur trois éléments importants.
Le premier est bien sûr la possibilité de visibilité de la lune, aujourd’hui, ce matin, qui a donc été confirmée par les instituts astronomiques de France.
Deuxièmement, nous avons écouté l’avis des pays musulmans, et un grand nombre d’entre eux ont observé ce jour (NDLR : dimanche 22 octobre) comme étant le dernier jour de Ramadan.
Troisième élément important qui a prévalu dans cette décision, c’est l’unité de la communauté musulmane. Nous savons qu’au début du Ramadan, certains l’avaient précédé d’un jour, d’autres l’ont fait le dimanche et, demain, inch’allah, unira l’ensemble des musulmans pour fêter l’aïd, que ce soit ceux qui ont jeûné samedi ou dimanche.

Certaines institutions scientifiques ont précisément déclaré que la nouvelle lune ne serait visible que lundi soir. Quel est l’avis scientifique qui a donc déterminé votre décision ?

D.B : Les observatoires nous ont indiqué pour la France cette possibilité très faible de visibilité. Mais, en l’absence actuelle de règles précises, que le CFCM devra s’atteler, dans les prochaines séances de ses commissions, à fixer définitivement, notamment les règles d’observance ou de décision des jours de Ramadan et de l’aïd, nous avons voulu sauvegarder l’unité des musulmans de France en nous basant sur des pays qui ont observé et annoncé officiellement l’apparition de la nouvelle lune aujourd’hui. Des pays qui ont jeûné avec nous et qui déjeuneront avec nous, inch’allah. Certains auront jeûné 29 jours, d’autres 30 jours, mais ils fêteront ensemble la fête de l’aïd.

Vous parliez de règles à mettre en place. Quelles pourraient être ces règles ?

D.B : Il y a deux pistes. Soit une observation franco-française, c'est-à-dire mettre en place dans les différentes régions, dans les CRCM, des observateurs tenant compte de la visibilité, parfois difficile dans le ciel de France, de l’astre lunaire à son commencement. Une visibilité souvent faible à 1 ou 2° et difficile au point de vue oculaire.

La seconde piste serait que les prochaines décisions soient peut-être valables, inch’allah, au niveau de l’Europe parce que nous avons les mêmes conditions de visibilité du croissant et donc, pour ne pas rester trop franco-français, nous souhaiterions qu’il y ait une commission qui tiennent compte des avis de nos frères d’Europe afin que nous ayons une décision unitaire.

Maintenant, la règle qui reste essentielle est la visibilité attestée par les observatoires astronomiques qu’il y a une possibilité de lune. A partir de cette base, nous verrons s’il faut créditer certains pays ou s’ils sont minoritaires. Cette commission arrêtera des règles très strictes là-dessus.

On a souvent évoqué les querelles internes du CFCM. Cette nouvelle décision est-elle une victoire de la concertation sur la division ?

D.B : Absolument. Nous avons écouté tous le monde et il n’y a pas eu la moindre hésitation sur cette décision. Il n’y a eu aucune divergence, ce qui est important en Islam, où il n’y a pas de décision à la majorité mais à l’unanimité. L’ijma’(NDLR : le consensus des savants de l’islam) en islam nécessite l’ensemble des décideurs dans l’unanimité de la décision. C’est donc formidable que cette décision ait emporté la conviction commune pour l’ensemble des fidèles.