Economie

Crise oblige, l’Amérique nationalise, l'Iran capitalise

Le géant aux pieds d’argile

Rédigé par Haroun Ben Lagha | Mardi 9 Juin 2009 à 00:00

General Motors qui fut durant plus de soixante-dix ans le fleuron de l’industrie automobile américaine a fini par déposer le bilan. Des milliers de véhicules de marques aussi prestigieuses que Chevrolet, ou encore Cadillac, sortaient chaque année des chaînes de fabrication du constructeur originaire de Detroit. Le temps de la prospérité est désormais révolu pour GM. Le symbole de l’Amérique glorieuse, terre promise de la consommation, est aujourd’hui l’une des victimes les plus gravement touchées par la crise.



General Motors : un (ex-)leader mondial

C’est en 1908 que General Motors (GM) voit le jour dans l’État du Michigan. Fondé par William Durant, petit-fils du gouverneur du Michigan Henry H. Crapo, GM ne tarde pas à prospérer et parvient très rapidement, au début du XXe siècle, à racheter plusieurs concurrents aux noms prestigieux tels que Pontiac ou encore Cadillac.

Au coude à coude avec Ford – et sa Ford T – jusqu’à la fin des années 1920, GM vendra, à partir de 1917, plus de 100 000 véhicules par an sous la marque Chevrolet. Le constructeur s’affirme ainsi comme l’un des grands leaders du marché automobile américain aux côtés de Ford et de Chrysler.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, GM participe, à l’instar de dizaines d’autres industriels américains, à l’effort de guerre et adapte de ce fait ses chaînes de production à la fabrication de masse d’équipement militaire et à d’armement.[

La taille ne fait pas tout

Fiat, Saab, Subaru, Opel et Suzuki – pour ne citer que les plus célèbres – sont des marques qui toutes ont, un jour ou l’autre, appartenu, soit en partie, soit entièrement, à GM. Le constructeur américain a vu sortir de ses seules usines 15 % du parc automobile mondial, il a détenu, par le passé, jusqu’à 50 % de parts sur le marché automobile américain (seulement 20 % aujourd’hui). GM est par ailleurs l’employeur de plus de 200 000 salariés à travers le monde.

Malgré sa grandeur et son prestige, le géant GM s’enlise dans les difficultés financières et finit par sombrer dans la faillite.

Une offre éparpillée, des moteurs trop gourmands

La Pontiac Trans Am est l'un des modèles qui a contribué à la légende General Motors.
Les raisons de la chute de GM sont nombreuses, au même titre que les multiples modèles de la dizaine de marques détenues par le géant américain.

En effet, avec une offre éparpillée GM n’a pas eu la possibilité de voir émerger un produit star, comme chez son concurrent japonais Toyota. Outre-Atlantique, Toyota a véritablement fait fureur avec son modèle Prius et ses motorisations aux technologies hybrides, plus écologiques, et donc plus économiques (17 % de parts de marché).

Une offre trop variée, additionnée au manque d’innovations sur le plan écologique – dû, notamment, à la conservation de moteurs à essence extrêmement gourmands –, a contribué à porter la dette de GM à plus de plus de 170 milliards de dollars américains au cours des dix dernières années.

Aux grands maux les grands remèdes

Devant la menace que représente la disparition de GM pour des millions d’emplois directs et indirects aux États-Unis, au Canada et dans le reste du monde, l’administration Obama a décrété que l’État américain prendra part au capital de General Motors à hauteur de 60 %.

Ce qui signifie, de fait, que le géant américain de l’industrie automobile devient une société nationale. Une révolution au pays de l'oncle Sam... Les 40 % restants iront au gouvernement canadien, à la caisse de santé de l’UAW (syndicat des travailleurs américains du secteur de l’automobile) et, enfin, aux créanciers du constructeur endetté.

La nationalisation va à l’encontre des principes mêmes sur lesquels s'est construite l’Amérique de la consommation et des marchés libres. Or, dans le cas de GM, force est de constater que la survie d’un pan entier de l’économie américaine passe par l’application de mesures manifestement socialistes, au cœur d’un État aux aspirations libérales profondément ancrées dans la grande Histoire des États-Unis d’Amérique.

Pour se donner les moyens de devenir de nouveau rentable, GM doit se séparer de plusieurs de ses marques pour ne plus se concentrer que sur quatre d’entre elles : Chevrolet, Buick, GMC et enfin Cadillac.

L’école française

La France, pour sa part, est-elle à l’abri d’un tel cataclysme dans le secteur de l’automobile ? Plusieurs équipementiers, à l’instar de Continental, ont dernièrement menacé leurs salariés de plans de licenciement de masse ou bien de délocalisation des sites de production vers des pays comme la Roumanie, où la part de la masse salariale reste bien inférieure à celle de la France.

Mais la France ne souffre pas du mal qui a gangréné l’industrie automobile made in USA. Sur le marché national, les constructeurs français s’en sortent plutôt bien, malgré une année 2008 de vaches maigres.

Si Renault et PSA-Peugeot-Citroën retrouvent peu à peu leurs esprits, c’est grâce aux mesures exceptionnelles de bonus écologiques (à la suite du Grenelle de l’environnement) et de primes à la casse mises en place par le gouvernement en 2007 et 2008. Ainsi, la politique de relance du secteur de l’automobile dans l’Hexagone avoir limité les dégâts.

La France hors de ses frontières

Malgré (ou en raison de) la crise, les deux leaders français ne délaissent pas pour autant les politiques de conquête sur le plan international. L’Iran constitue justement l’un des eldorados dans lesquels sont présents Renault et PSA.

Invoquant des raisons d’ordre géopolitique, Peugeot se désengage peu à peu du marché iranien, pourtant prometteur. Selon le constructeur, les risques de boycott seraient beaucoup trop importants du fait des pressions internationales qui pèsent sur un Iran soucieux de développer son programme nucléaire militaire.

Quand PSA prend ses distances avec le pays du président Ahmadinejad, réduisant considérablement le niveau de ses ventes au niveau mondial durant l’année 2007, Renault, lui, prend le contre-pied.

L'Iran, constructeur automobile

Le président de Renault-Nissan Carlos Ghosn n’a pas hésité très longtemps avant de mettre sur pied, en Iran, une usine destinée à produire la Logan au niveau local.

Renault s’est ainsi associé aux entreprises locales Iran Khodro et SAIPA, pour assembler et commercialiser la Tondar-90, nom porté par le modèle Logan en Iran. La stratégie de Renault vis-à-vis des pays émergents a permis, l’an dernier, de dépasser le million de Logan vendues à travers le monde.

Les médiocres chiffres du marché français sont contre-balancés par les résultats obtenus sur le marché international. Pour autant, il semble légitime de se demander si ces chiffres encourageants constituent une réelle garantie pour les emplois des salariés français de Renault...
Fiat, par exemple, envisage de licencier 18 000 emplois en Europe ; Nissan, 20 000 dans le monde.

Du côté iranien, Iran Khodro, détenu à 40 % par l'État, est devenu la plus grande entreprise automobile du Proche-Orient. L'entreprise exporte, notamment, vers l'Algérie, l'Arabie Saoudite, la Turquie, mais aussi les pays de l'Est tels que la Roumanie ou l'Ukraine, et installe des unités de production en Syrie, au Sénégal ou même au Vénézuela. Son ambition ? Devenir un acteur majeur du marché mondial automobile.

« Quand l'automobile va, tout va », dit l'adage...