Points de vue

Covid-19 : De grâce, restez chez vous !

Rédigé par Hanane Chafik | Jeudi 19 Mars 2020 à 11:55



Restez chez vous ! Cette consigne doit être scrupuleusement respectée en cette période d’épidémie du coronavirus, une maladie dont nous disposons encore d’aucun traitement.

Alors que le bilan humain ne cesse de s’alourdir, nous, médecins, avons deux craintes principales :

- La saturation de nos hôpitaux, et c'est déjà le cas dans les régions les plus touchées, avec le risque de ne pas pouvoir soigner et oxygéner tous les patients qui le nécessiteraient. Les cas les plus graves de cette infection sont en détresse respiratoire et nécessitent des soins en réanimation et une assistance respiratoire.

Nous ne voulons pas avoir à choisir, parmi les patients, qui doit être réanimé et qui sera sacrifié ! Pour cela, il faut que les patients arrivent progressivement à l'hôpital, et non tous en même temps, d'où les mesures de confinement. Il s'agit de gagner du temps face à l’épidémie.

Nos hôpitaux sont déjà exsangues, par manque de personnel et de matériel, et crient leur détresse depuis des mois en raison des choix des politiques publiques qui ont fait des économies sur notre système de santé, sacrifiant soignés et soignants. Suicides, burn out et grèves n'ont pas suffi à les alarmer. Aujourd’hui, nous allons en guerre sans armes. Nous nous partageons des tutos pour fabriquer des masques de fortune en tissus, et des sacs poubelle en guise de surblouses…

- Le retard au diagnostic des autres pathologies, car elles continuent pendant que nous nous occupons du coronavirus. Les cancers, pathologies cardiovasculaires, diabètes décompensés et autres infections ne sont pas en vacances.

Si les patients ne consultent pas leur médecin généraliste ou ne parviennent pas à joindre les secours rapidement, il y aura des « dégâts collatéraux ». Je peux évoquer le cas d'un patient avec suspicion de cancer du côlon où aucun gastroentérologue n’a été trouvé pour faire une coloscopie, générant un retard au diagnostic et une perte de chance probables, ou celui d’un patient victime d’AVC (accident vasculaire cérébral) qui hésitera à appeler le 15 ou ne parviendra pas à les joindre.

Ce que nous attendons des patients

- Respecter les règles de confinement et éviter les sorties non indispensables. Acheter au drive, se faire livrer à domicile ou privilégier les commerces de proximité, ne pas se rendre visite (familles, voisins, amis)

- Se laver les mains au savon en entrant chez vous avant de toucher vos proches. Les solutions hydroalcooliques ne sont pas indispensables, laissez-les aux soignants qui en manquent. Nous avons même été en récupérer dans les bureaux de vote après les dernières élections municipales. Si vous en avez un stock, offrez-le aux hôpitaux.

- Reporter toute consultation non urgente. Hier, un patient insistait pour un problème d’acné ! Un autre pour une verrue ! Un autre pour prescription de paracétamol pour ne pas avoir à le payer ! Ne pas s'agglutiner en salle d'attente si vous devez consulter, ne pas amener d'enfants ou d’accompagnants non malades pour ne pas les exposer inutilement, patienter même à l'extérieur si possible.

Bien sûr, ceux qui doivent être examinés sont reçus et soignés (otite, fièvre chez nourrisson, pathologie aigüe ou chronique décompensée). Enfin, de nombreux médecins ont opté pour la téléconsultation pour minimiser les déplacements. Dans le doute, si vous ne savez pas si le problème peut attendre ou non, et n’avez pas accès à la téléconsultation, appelez votre médecin traitant qui vous orientera.

- Eviter de prendre des anti-inflammatoires pour les douleurs ou courbatures type Ibuprofene ou Diclofenac en comprimés car, en cas d'infection, ils affaiblissent les défenses même des 30-40 ans sans maladie chronique. La réaction inflammatoire fait partie de la réponse naturelle de l’organisme aux agressions extérieures.

- Prendre soin des plus fragiles. Faire leurs courses pour leur éviter de sortir, demander leurs médicaments directement en pharmacie (avec leur dernière ordonnance et carte vitale), les appeler très régulièrement pour s’enquérir de leur état physique et psychique. L’isolement, la solitude, les syndromes anxio-dépressifs tueront peut être autant que le Covid-19.

- Renforcer son immunité avec ce qui est bon pour cela : vitamine C, fruits crus et secs, miel et aussi cannelle, gingembre, ail, oignons... Limiter les aliments hyper transformés, trop gras, sucrés et salés qui fatiguent les métabolismes.

Deux dispositions exceptionnelles ont été adoptées par le gouvernement

- Pour les renouvellements d’ordonnance. Ils peuvent se faire directement en pharmacie, sans passer par le médecin traitant. Il suffit de prendre la dernière ordonnance et la carte vitale. Si vous l’avez perdue ou devez montrer des examens biologiques au médecin avant comme pour surveiller équilibre diabétique ou taux de TSH ou autre : téléconsultation ou appel du médecin traitant

- Pour les arrêts maladie. Si c'est pour garder vos enfants, c'est l'employeur qui vous arrête sur declare.ameli.fr. Si vous n'êtes pas malades du Covid-19, mais le craignez car fragiles (asthme, cancer, toute maladie chronique avec déficit immunitaire, grossesse, obésité morbide…), c'est vous qui demandez l'arrêt de travail sur declare.ameli.fr, vous aurez trois semaines.

Concernant la prise en charge des malades du Covid-19

Aujourd'hui, nous considérons tout rhume, toux, syndrome grippal, comme le Covid-19. Nous ne testons pas les formes bénignes qui sont la très grande majorité, et guériront sans séquelle comme une simple rhinopharyngite.

Ces patients sont confinés 14 jours chez eux, avec consigne de s'éloigner même de leurs proches autant que possible. Ils seront réévalués à six jours par téléphone (ou présentiel si nécessaire). Ils doivent contacter leur médecin si s’aggravent.

Mes patients sont surpris que je les arrête 14 jours pour une toux ou une grippe, mais c’est le plus prudent pour tous.

Ceux qui présentent des formes sévères avec détresse respiratoire, essoufflement, fièvre, seront soit davantage surveillés (au besoin avec une infirmière au domicile), soit hospitalisés. Ils passeront par leur médecin généraliste qui appellera le 15 ou appelleront directement le 15 s‘ils ne peuvent se déplacer.

Ce que j’écris aujourd’hui n’était pas d’actualité hier et ne le sera peut être plus demain ! Votre médecin généraliste est disponible pour répondre à toutes vos questions. Nous adaptons nos cabinets, organisations, décisions, au jour le jour.

La situation est critique, mais surmontable. Soyons responsables, solidaires et humains. Et surtout : RESTEZ CHEZ VOUS !

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Dr Hanane Chafik est spécialiste en médecine générale.

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