Points de vue

Conseil européen de la fatwa et de la recherche sur la question du foulard islamique en France

Rédigé par Makri zakaria Traduction de | Mardi 6 Janvier 2004 à 00:00

Le conseil européen de la fatwa et de la recherche, représentant la référence religieuse la plus haute pour les musulmans en Europe a été stupéfait comme l’ont été les musulmans dans le monde quant à l’interdiction du port de ce qu’on appelle communément « signes religieux » en France.



Le conseil européen de la fatwa et de la recherche, représentant la référence religieuse la plus haute pour les musulmans en Europe a été stupéfait comme l’ont été les musulmans dans le monde quant à l’interdiction du port de ce qu’on appelle communément « signes religieux » en France., et qui aura une répercussion notable sur le droit des musulmanes de porter le voile dans les écoles et les institutions publiques.

 

Si le conseil porte une grande reconnaissance à la France pour la constitution d’un conseil français du culte musulman,

S’il fait l’éloge des positions justes de la France face aux principales questions arabo-musulmanes, contre la mondialisation dominante et son appel répété au respect des pluralités civilisationelles, culturelles et religieuses,

s’il comprend également les inquiétudes d’une partie de la société française face à l’apparition de rites et traditions musulmanes auxquels elle peut ne pas être accoutumées, le conseil voudrait néanmoins clarifier les points suivants :

La coexistence représente chez le musulman un pilier dans l’édification des sociétés humaines, elle implique la reconnaissance de la pluralité et de la diversité dans le respect de la cohésion nationale. Elle implique également l’ouverture au dialogue inter-culturel, à la coopération des différentes sensibilités religieuses et culturelles, et à la préservation de la paix sociale. Depuis sa création le conseil a toujours insisté au cours de tous ses communiqués et a encouragé les musulmans d’Europe à la vie commune et à l’intégration dans les sociétés où ils vivent, sans pour autant perdre leur identité. De même, il encourage à l’épanouissement, au développement et à la paix dans ces sociétés, sur la base de leur croyance, de leurs liens fraternels et humains et de ce qu’ils ont en commun en dépit de leur diversité culturelle. Ces mêmes principes de coexistence ne peuvent s’appliquer sans un respect des libertés individuelles et collectives et à la préservation des droits de l’homme. Certes, la révolution française a joué un rôle important dans l’établissement de ces principes, ce qui fit de la France le symbole des libertés et le pays où les droits de l’homme sont les mieux garantis. Il n’y a pas véritablement d’incompatibilité entre les exigences de la pluralité, de la diversité humaine et celles de l’unité nationale. L’unité nationale ne doit en aucun cas constituer un prétexte pour bafouer les libertés individuelles et religieuses, ou menacer les opportunités des musulmans français ou autres à l’apprentissage et au savoir, et à marginaliser leur rôle de citoyen. De tels comportements pousseraient les musulmans à l’isolement au lieu d’être au contact des autres concitoyens français. La laïcité ne doit pas être non plus une justification afin de lancer « des lois d’exclusion » qui auraient pour conséquence de détruire les droits les plus fondamentaux de l’homme et de ses libertés : la liberté individuelle et religieuse. Il n’est pas convenable non plus qu’elle prenne en compte le comportement indigne de quelques musulmans afin de légitimer la privation de cinq millions de musulmans en France de leurs droits. Le respect de la diversité et la préservation des libertés sont le principe immuable et la garantie majeure à l’unité nationale et à la paix dans le monde. Le port du voile est un acte d’adoration et une prescription divine, il n’est pas le fait d’un simple symbole religieux ou politique. Le femme musulmane le considère comme étant une partie intégrante de ses pratiques qui lui incombent religieusement. Cette exigence n’est pas spécifique à un lieu particulier, mais elle est générale, que ce soit dans les lieux de culte, les institutions officielles ou non. Certes, les enseignements de l’Islam par nature ne connaissent pas la contradiction et le morcellement dans la vie du musulman attaché à sa religion. Cette question fait l’unanimité de tous les courants islamiques passés et contemporains. Les spécialistes parmi les savants de l’Islam de tout le monde entier l’ont confirmé, y compris le Shaykh de la mosquée d’al Azhar qui a déclaré clairement que le port du voile islamique est une obligation et n’est pas un « symbole religieux ». Quant à la déclaration qui lui a été assigné quant au droit de la France en tant qu’Etat de pouvoir l’interdire à travers une loi, certes tout Etat est libre de ses choix, cependant nous pensons qu’il aurait été utile que le shaykh de la mosquée d’al Azhar précise que le droit national est conditionné également à des chartes des droits de l’homme, à des traités internationaux et au traité des nations unies. Cette précision du shaykh aurait sans doute évité la mauvaise interprétation de sa position de certains qui ont vu en lui un renoncement à ses devoirs d’assistance de ses frères musulmans et autres dans leur demande du respect de leurs droits légitimes à l’accomplissement de leurs prescriptions religieuses. Ainsi sa position aura été celle de l’unanimité des savants de cette communauté parmi toutes ses écoles de pensées anciennes et contemporaines. Contraindre la musulmane à se défaire de son voile - qui exprime sa conscience religieuse et son libre choix - constitue l’une des plus grandes persécutions de la femme, ce qui ne sied pas aux valeurs françaises qui poussent au respect de la dignité de la femme, à sa liberté individuelle et religieuse. Le conseil insiste sur le fait que le port du voile doit être basé sur la conviction personnelle et la compréhension, il perdrait sinon sa valeur religieuse. Pareillement, il n’est pas toléré d’imposer à la femme musulmane d’ôter son voile en échange de son instruction. Cette loi proposée, même si elle apparaît englober tous les « signes religieux », vise en final à interdire le voile islamique, ce qui constitue une discrimination religieuse contre les musulmans, et est contraire à toutes les constitutions, dans ce que nous appelons communément le monde libre. Le conseil recommande aux musulmans de France d’exiger leurs droits légitimes, et de s’opposer à cette loi injuste, en utilisant les moyens pacifiques et légitimes, par la parole et l’action, dans le cadre du Droit. Tout cela en s’associant avec leurs frères et sœurs musulmans qui les soutiennent malgré leur éventuel désaccord sur la question du port du voile ; mais également avec leurs frères et leurs sœurs non musulmans qui désirent défendre les principes élémentaires de libertés individuelles, religieuses et humaines, même s’ils ne partagent pas les même croyances et les mêmes pratiques religieuses. Pour conclure, le conseil invite les responsables à tous niveaux en France de revoir ce projet de loi en conformité avec les principes de cohésion nationale, de paix sociale et de solidarité. Afin de suivre cette affaire, le conseil a constitué un comité parmi ses membres, afin de présenter son point de vue aux services concernés en France, musulmans compris, afin d’ouvrir la porte du dialogue. Ce comité est constitué de son excellence shaykh ‘Abdullâh ibn Biyya, ancien ministre de la justice de la république mauritanienne, nommé président du comité ; Le docteur Ahmad al-Rawî, président de l’Union des Organisations Islamiques d’Europe, le docteur Ahmad Jâballâh, porte-parole de l’UOIF, le docteur ‘Abdulmajîd Al-Najjâr, président du comité des recherches au Conseil européen de la fatwa, et le docteur Muhammad al-Hawârî, membre et conseiller du Haut Conseil Islamique en Allemagne.

Dublin, le 3/01/2004