Sur le vif

Condamnée pour avoir accusé le Prophète de l'islam de « pédophile » : la CEDH donne raison à l'Autriche

Rédigé par Benjamin Andria | Vendredi 26 Octobre 2018 à 18:05



La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a, dans un arrêt rendu public jeudi 25 octobre, donné raison à la justice autrichienne qui avait condamné une Viennoise en 2011 pour « dénigrement de doctrines religieuses » des musulmans.

La personne, qui avait alors écopé d’une amende de 480 euros, avait accusé le Prophète Muhammad de « pédophile » à l’occasion de deux séminaires qu’elle avait organisés en 2009 pour délivrer des « informations de base sur l’islam ».

Après la confirmation de la condamnation en appel en 2011 puis le rejet de sa demande en révision par la Cour suprême autrichienne fin 2013, elle a porté l’affaire devant la CEDH, estimant que sa condamnation allait à l’encontre de l’article 10 de la Convention des droits de l’Homme portant sur la liberté d’expression. Elle estimait en effet que « sa critique de l’islam s’était inscrite dans le cadre d’une discussion objective et animée ayant contribué à un débat public et qu’elle n’avait pas visé à diffamer le Prophète de l’islam » et que « les groupes religieux devaient tolérer les critiques même lorsque celles-ci étaient sévères ».

La CEDH n’est pas allée dans son sens, estimant que l’atteinte au Prophète ne s’inscrit pas dans le cadre de la liberté d’expression. La justice autrichienne a « soigneusement mis en balance le droit de celle-ci (la requérante, ndlr) à la liberté d’expression et le droit des autres personnes à voir protéger leurs convictions religieuses, et qu’elles ont servi le but légitime consistant à préserver la paix religieuse en Autriche », fait-elle savoir dans l’arrêt.

« Elle dit qu’en considérant les déclarations litigieuses comme ayant outrepassé les limites admissibles d’un débat objectif, et en les qualifiant d’attaque abusive contre le prophète de l’islam risquant d’engendrer des préjugés et de menacer la paix religieuse, les juridictions nationales ont avancé des motifs pertinents et suffisants à l’appui de leurs décisions », ajoute la juridiction européenne, basée à Strasbourg. La décision a été prise à l’unanimité des juges.

Pour Nicolas Hervieu, spécialiste de la CEDH interrogé par La Croix, il ne faut « pas extrapoler » cette décision « discutable » qui n’érige pas de délit de blasphème, la CEDH s’attachant aux circonstances et au cadre dans lequel les propos incriminés ont été tenus.