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Comment naît une kamikaze

Rédigé par pouf.badaboum@gmail.com | Mercredi 14 Avril 2010 à 00:01



Situé à flanc de montagne, le petit village de Balakhani (1 500 habitants), à 160 kilomètres au sud-est de Makhatchkala, la capitale du Daghestan, est hors de portée du monde. Balakhani ne connaît pas l'asphalte. Aucun autobus ne s'y rend. [...] Le village, il faut dire, ne connaît plus de paix depuis qu'une de ses filles, Mariam Charipova, 28 ans, une belle brune aux yeux verts, s'est fait exploser, lundi 29 mars, à la station Loubianka du métro moscovite, causant la mort de 28 personnes. Quarante minutes plus tard, une autre kamikaze, Djannet Abdoullaeva, 17 ans, Daghestanaise elle aussi, déclenchait sa charge explosive à Park-Koultoury, un peu plus au sud sur la même ligne, tuant 12 voyageurs.

Le double attentat a été revendiqué par Dokou Oumarov, l'"Emir du Caucase" qui dirige la guérilla islamiste, active dans la région. Son but ? Chasser les "kafirs" (infidèles) et instaurer la chariah (loi islamique) sur le cordon de petites Républiques musulmanes (Tchétchénie, Ingouchie, Daghestan, Kabardino-Balkarie) au sud de la Fédération de Russie.

Après les attentats, la maison des parents de Mariam, l'une des plus belles bâtisses du village, a vu défiler parents et amis, journalistes, policiers. [...] Le père, Rasoul, dit avoir tout de suite reconnu sa fille. Lui non plus ne comprend toujours pas comment Mariam, qui menait une vie recluse entre son travail de directrice adjointe de l'école et les tâches quotidiennes de la maison, s'est retrouvée avec une ceinture d'explosifs dans le métro de Moscou.

"Elle était croyante mais pas extrémiste. Elle voulait apprendre le Coran par coeur", explique ce montagnard mince aux yeux verts et à la courte barbe blanche. Rasoul et sa femme enseignent depuis trente-cinq ans à l'école du village, lui, la littérature russe, elle, les sciences naturelles. Mariam était la petite dernière, toujours collée à sa mère. Et tellement brillante avec ça : diplômée de l'université (en mathématiques et en psychologie), elle enseignait l'informatique à l'école. Bien sûr, comme le reste de la famille, Mariam a été marquée par l'arrestation, en 2008, de son frère Ilias, 32 ans. Accusé d'appartenir aux "NVF" (bandes armées illégales) qui essaiment dans la forêt et font le coup de feu contre les policiers et les forces fédérales, le jeune homme a été atrocement torturé par les "services". Il n'a jamais avoué.

Condamné à huit mois de prison pour le port d'une grenade, il a été relâché en 2009. "La terreur appelle la terreur, le sang engendre le sang", répète Rasoul. [...] Lire l'article complet

Auteure : Marie Jégo
Source : Le Monde 12/04/2010