Points de vue

Charlie Hebdo et ses soutiens

Par Hassan SAFOUI, Président de l’Association Islamique et Culturelle du Calvados

Rédigé par Hassan SAFOUI | Vendredi 9 Février 2007 à 12:13



Je n’ai pu m’empêcher à la lecture du panel des personnalités qui soutiennent Charlie Hebdo, de ressentir un malaise profond. Décidément, le traitement policier envers l’Islam de France, qui a toujours prévalu avant la reconnaissance d’une entité représentative nationale, a fait place, seulement en partie, au traitement politicien, et à une exagération de toute affaire où l’Islam est impliqué, par force, de près ou de loin.

On vit visiblement une période très difficile pour les musulmans et pour l’Islam en général. Les médias nous livrent une analyse pitoyablement corporatiste de l’affaire qui oppose un journal, qui n’a fait que surfer sur une vague danoise pour gonfler son aura, à des musulmans qui sont dans le droit absolu de demander à la justice de sanctionner une insulte à leur religion.

Les arguments du directeur du journal sont tout simplement fallacieux ; « On s’attaque aux terroristes » dit-il. On est donc en droit de se demander si être musulman, c’est être terroriste, puisqu’un musulman croit au prophète Mohammed, et si on dessine ce prophète avec une bombe sur le turban, la conclusion à en tirer ne peut souffrir d’équivoque. Et pour reprendre l’expression de ce directeur ; « On est foutu » lorsqu’on érigera l’insulte au rang d’une liberté d’expression.

On fait appel à la liberté d’expression lorsqu’on ne peut rien dire, lorsque la parole est confisquée, ce qui est aujourd’hui le cas de plusieurs citoyens musulmans, cette fois-ci, dans des pays considérés démocratiques avec la bénédiction d’une vision américaine du monde qui fait fi de la légalité internationale. Mais dans un monde ou prévaut l’hypocrisie, il est facile d’inventer des combats imaginaires, là ou c’est possible et si c’est possible contre les plus faibles. A ce propos, il me vient en tête un proverbe arabe qui dit « Lion contre moi, et autruche lors des vraies batailles ».

Alors que Le Centre européen contre le racisme et la xénophobie tire la sonnette d’alarme et conclut dans un rapport récent que les musulmans d'Europe sont en butte à une discrimination profonde en matière d'éducation, de logement et d'emploi, cet emballement ne fait que conforter une tendance qui se généralise et qui consiste à une attaque systématique contre l’Islam et les musulmans.

Quand on a une force de diffusion telle que celle du journal satirique, quand on s’associe à un autre journal de grande diffusion pour la même cause et quand on reçoit l’appui des protagonistes des élections présidentielles, on ne peut objectivement se considérer seul.

De Mr BAYROU à Mr HOLLANDE, en passant par Le ministre de l’intérieur, le défilé des défenseurs de la liberté même irresponsable, est impressionnant. Mais l’enjeu est de taille : La liberté est en danger !

Bien qu’ils soient nombreux, les seuls sur qui il devient lucratif de tirer sont bien les musulmans.

Des philosophes fustigent l’Islam au nom de la laïcité, des journaux insultent l’Islam au nom de la liberté d’expression et des politiques nourrissent les amalgames au nom du sursaut « républicain », des présentateurs d’émissions distillent leur venin haineux car protégés par des politiques, et personne ne trouve rien à redire, pis encore, on crie au scandale, on s’alarme, et on encourage les sentiments les plus bas, les plus dangereux.


Cette affaire est, paradoxalement, un argument de plus de la confiscation de la parole aux musulmans fiers de leur référence spirituelle. Ainsi, une femme voilée est obligatoirement soumise et il ne peut en être autrement, un pratiquant est suspect et c’est de moins en moins discutable, et l’intégration d’un citoyen d’origine musulmane est proportionnelle à son éloignement de toute pratique musulmane. Ce sont, paraît-ils les nouveaux synonymes des mots laïcité et liberté.
Quelque soit le jugement que le tribunal rendra, caressons le rêve d’un jour où les mots dans notre société auront leurs vrais sens et où le respect d’autrui ne s’apprend pas obligatoirement par un jugement de tribunal.