Société

Bioéthique : le bilan des États généraux est remis à Sarkozy

Santé, sciences et éthique au cœur du débat citoyen

Rédigé par Anissa Ammoura | Mardi 30 Juin 2009 à 09:00

La synthèse des travaux des États généraux de la bioéthique doit être remise à Nicolas Sarkozy ce mardi 30 juin, une semaine après le colloque qui clôturait les trois forums organisés tout au long du mois, à Strasbourg, à Rennes et à Marseille. Le rapport de synthèse servira de base de travail aux députés au moment de la révision des lois de bioéthique prévue pour 2010. Peu de changements en perspective, les jurys de citoyens, sollicités pour l'occasion sur ces thématiques, se sont globalement prononcé en faveur du maintien de la loi en vigueur.



La ministre de la Santé Roselyne Bachelot.
Une semaine après la tenue du forum national des États généraux de la bioéthique, à Paris, la synthèse des travaux doit être remise à Nicolas Sarkozy ce mardi 30 juin. Après plusieurs semaines de débats, le bilan de ces États généraux semble tendre vers un consensus des citoyens et une non- remise en cause de la loi actuelle.

La ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, a annoncé qu’« il y aurait peu de changements à la loi de 2004 ». « Il n'était pas question de tout chambouler dans la loi », a t-elle déclaré, pour qui, loin d'être « un happening instrumentalisant les citoyens », les États généraux leur avaient permis d'« interroger leur sentiment immédiat et intuitif et de le vérifier à l'épreuve du débat ».

Durant tout le mois de juin, trois jurys de seize personnes, choisies sur un panel représentatif proposé par l’IFOP, se sont réunis à Marseille, à Rennes et à Strasbourg pour débattre des grands thèmes de la bioéthique : mères porteuses, procréation médicale assistée, dons d’organes, diagnostic préimplantatoire, recherches sur l’embryon...

Non à la commercialisation, oui à la recherche

Les représentants de la population française se sont accordés sur plusieurs points. Tout d’abord, ils ont rejeté la gestation pour autrui – actuellement illégale en France –, effectuée par ce qu'on appelle les « mères porteuses ».

Ils ont également refusé la possibilité de fournir l’assistance médicale à la procréation aux célibataires et aux homosexuels mais se sont déclarés, en revanche, favorables à une modification de la loi concernant l’adoption par des couples homosexuels, ce qui n'entre dans le cadre des lois de la bioéthique.

Les citoyens consultés se sont aussi opposés à la rémunération du don d’organes, en vertu de la « non-commercialisation de l’humain ».

Concernant les embryons conçus dans le cadre d’une fécondation in vitro ne servant pas un projet parental, les membres du panel ont suggéré que ces embryons soient utilisés par la recherche de façon encadrée.

Parmi les autres propositions « citoyennes », les jurys citoyens se sont opposés aux techniques prénatales et préimplantatoires (permettant de diagnostiquer une affection grave pendant la grossesse ou effectué sur l’embryon in vitro) « pour répondre à toutes les demandes et pour éliminer les différences ». Selon le rapporteur des États généraux Alain Graf, « ils ne veulent pas d'un monde d'enfants parfaits ».

Même position concernant la médecine prédictive (tests génétiques indiquant des risques de maladies), ils craignent qu’elle serve à « éradiquer toute forme d'anormalité ». Défendant « le principe de la diversité de l'espèce humaine », ils veulent protéger les individus contre les excès de cette médecine.

Mais les deux changements majeurs, auxquels Roselyne Bachelot est favorable, pourraient concerner le remboursement de l’aide médicale à la procréation au-delà de 43 ans et la levée de l’anonymat des donneurs d’ovocytes et de spermatozoïdes pour permettre aux enfants, communément appelés « nés sous X », d’accéder à leurs origines à l’âge adulte.

Vers une loi révisable en continu ?

Pour Jean Léonetti, président du comité de pilotage des États généraux, « les citoyens ont soulevé les vrais problèmes », et ne pas tenir compte de leur avis au moment de la loi « serait une erreur politique et une faute morale ».

Très impliqués, les membres du panel vont dans le même sens que Jean Léonetti. Ainsi, Jean-Paul Malige, présent au forum de Marseille, s'est refusé à imaginer que les politiques aient organisé ces États généraux « pour se donner bonne conscience ». « On espère qu'on prendra notre avis en considération », a déclaré Yves Thomas, un autre membre, de Lorient (Morbihan).

Alain Claeys, président de la mission parlementaire sur la révision des lois de bioéthique, estime pour autant que « ce n'est pas en quatre mois qu'on peut prendre la réalité de l'opinion » et « trouver la vérité juste ». « Il ne faut pas instrumentaliser les États généraux », a-t-il expliqué à l'AFP.

Pour le député socialiste, « on ne peut gommer le rôle du Parlement » et « discréditer la démocratie représentative ». Il a rappelé également que sa mission avait organisé pas moins de 70 auditions.

Parallèlement aux trois grands forums, des « espaces éthiques » régionaux ont organisé une soixantaine de réunions dans des dizaines de villes de France et 133 réunions ont été organisées dans toute la France par des associations et des organisations religieuses.

D'autre part, les internautes pouvaient s'informer ou donner leur avis sur le site des États généraux mis en place par l'Agence de biomédecine, lequel a comptabilisé 50 000 consultations et plus de 1 500 contributions individuelles.

Par ailleurs, des membres de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) ont regretté que « la question de la fin de vie » ait été exclue des débats. Mais, pour Jean Léonetti, interrogé par Nouvelobs.com, « le sujet de l'euthanasie mérite à lui seul un débat citoyen », estimant que « la démarche participative va devenir obligatoire pour chaque sujet de société ».

La ministre de la Santé, satisfaite de ces États généraux, souhaite que « la loi ne soit plus révisable à date fixe, tous les cinq ans, mais en continu ». Le projet de loi devrait être déposé par le gouvernement au début de l’année prochaine et débattu au Parlement durant le premier semestre 2010. Le rapport de synthèse de ces États généraux de la bioéthique servira de base de travail aux députés.

Lire aussi : Mohammed Moussaoui, le président du CFCM, a participé aux États généraux de la bioéthique, il exprime sa position en tant que représentant du culte, dans une récente interview accordée à Saphirnews : « Parmi nos priorités, clarifier le marché du halal et enclencher la réforme du CFCM »

Voir aussi : La table ronde « Les religieux et la bioéthique » sur KTO TV avec le cardinal archevêque de Lyon, Mgr Philippe Barbarin, le grand rabbin de Paris, David Messas, et Azzedine Gaci, président du Conseil régional du culte musulman (CRCM) Rhône-Alpes. Débat organisé depuis l’archevêché de Lyon.