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Benjamin Stora : « C’est le combat anticolonial qui a fait plier la France »

Rédigé par princevaillant@ymail.com | Vendredi 11 Septembre 2009 à 00:01

La politique du général de Gaulle en Algérie vient d’être revisité récemment par l’historien Benjamin Stora, un spécialiste du Maghreb et de la colonisation française natif de Constantine. Dans son dernier livre « Le Mystère de Gaulle - Son choix pour l’Algérie », Benjamin Stora livre au lecteur une face cachée de la décision qu’aurait prise De Gaulle en faveur de l’autodétermination de l’Algérie.



El Khabar : Comment De Gaulle a-t-il réussi à entretenir le mystère autour de l’autodétermination ? Qui était dans la confidence ?

Benjamin Stora : Il y a bien, en effet, un « mystère » dans cette proposition de l’autodétermination faite dans son discours du 16 septembre 1959. Le général de Gaulle avait arrêté sa position sur une sortie du statu quo colonial depuis plusieurs années.
Je cite dans mon récent ouvrage les nombreuses confidences faites à des proches, de Jean Amrouche à François Mauriac, qui vont dans ce sens. Avant 1958, il n’évoque pas la nécessité du maintien de l’Algérie dans le giron de la France, et ne prononcera qu’une fois, le slogan colonial « vive l’Algérie française », à Mostaganem en juin 58.
Mais, en fin politique, il sait qu’il faut manœuvrer, qu’il va devoir affronter les Européens d’Algérie et l’armée française. D’ou ses silences, sa prudence. Quelques rares personnes étaient dans la confidence, comme Bernard Tricot ou Edmond Michelet. Pour autant, De Gaulle n’était pas pour l’indépendance, comme le réclamaient les nationalistes du FLN. Mais il tentait de mettre en place une formule préservant les intérêts français, comme celle « l’association », sur le modèle du Commonwealth britannique.
Le durcissement de la guerre et les revendications algériennes ont transformé « l’autodétermination » en « indépendance ».

L’Algérie restera dans ses fibres aussi française que la France est devenue gallo-romaine. » Cette prédiction attribuée au général De Gaulle semble s’inscrire en faux contre votre hypothèse.

B. S. : De Gaulle a pu prononcer cette phrase, sur le « caractère français » de l’Algérie. Mais je cite dans mon ouvrage de nombreuses conversations privées, en particulier celles menées avec Alain Peyrrefite où il insiste, lourdement, sur l’incompatibilité entre l’Islam et la présence française.
Le général de Gaulle était un homme de culture très classique, avec ses humanités latines et le caractère chrétien qu’il attribuait au nationalisme français. Il voyait le nationalisme algérien avec ces lunettes-là, celles du religieux et de la langue. En se prononçant pour l’autodétermination, il envisage une séparation au nom du de la défense du nationalisme français, et non de la reconnaissance des revendications de l’homme colonisé. [...]

Peut-on considérer à partir de cette conviction de De Gaulle que c’est plutôt la France qui a pris son indépendance vis-à-vis de l’Algérie ?

B. S. : Sans le combat anticolonial livré par les nationalistes algériens, je crois que la France serait encore restée présente en Algérie. D’autant que la découverte et l’exploitation du gaz et du pétrole ont aiguisé les appétits des partisans de l’Algérie française. La conquête de souveraineté était devenue un mot d’ordre très populaire parmi les Algériens, et il fallait sortir de l’immobilisme. De Gaulle a donc accompli ce pas, qui, finalement, a abouti à l’indépendance. [...]



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Auteur : Mohamed-Chérif Lachichi - 8 septembre 2009