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Banlieue: Le Pen contre Sarko?

Rédigé par Laila Elmaaddi | Mardi 6 Mars 2007 à 08:29

La banlieue ne veut plus agir par l’émeute, mais par les urnes. Certains jeunes des quartiers populaires, minoritaires, ne cachent pas leur intention de voter Le Pen lors de la présidentielle pour "faire péter le système" ou faire barrage à Nicolas Sarkozy qui les a "humiliés", disent-ils, en parlant de "kärcher" ou "racailles".



J'ai été choqué par Sarko, son kärcher et sa racaille

Le rappeur Rost
Les termes de "kärcher" ou "racailles" de Nicolas Sarkozy, candidat UMP à la présidentielle, sont encore dans les esprits.

Il y a deux mois, trois auditeurs prenaient successivement la parole sur Beur FM. Ouari, du XXeme arrondissement de Paris: "Sarko nous a insultés et humiliés, on va voter Le Pen." Omar, de Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis): "Sarko nous méprise. Le Pen et Sarko c'est la même chose". Enfin Aziza: "je suis atterrée de voir que des gens d'origine maghrébine appellent de plus en plus à voter Le Pen".

En décembre, le rappeur Rost, créateur de l'association Banlieue active et engagé de longue date contre les thèses du FN, avait surpris ses fans en annonçant sur France 5 devant un Jean-François Copé bouche bée son intention de voter "Le Pen contre Sarko", en cas de second tour opposant les deux hommes.

"J'ai été choqué par Sarko, son -kärcher- et sa -racaille-. Il s'est attaqué au peu qui nous restait : notre dignité. Les propos fascisants sous bannière républicaine sont les plus dangereux. Quitte à aller au chaos, allons au vrai chaos, de toutes façons, Le Pen ne pourra pas gouverner", a-t-il dit à l'AFP.

Sur le site lesogres.org, proche de Dieudonné, "R2D2" appelle à voter Le Pen, tout en rejetant son background idéologique. "Les habitants des cités sont en profonde opposition avec le FN et tout ce qu'il véhicule de clichés négatifs. Mais comme le FN ils ne veulent plus de ces cités abandonnées".

On fait péter le système, on vote Le Pen

"D'un côté il y a des jeunes qui se sont inscrits sur les listes électorales parce qu'ils y ont été encouragés. De l'autre, il n'y a pas d'offre politique réelle qui s'adresse à la banlieue. Du coup des jeunes se disent: maintenant on fait quoi ? Et ils répondent: on fait péter le système, on vote Le Pen", explique Yassine Ayari, porte parole de l'association citoyenne Veto.

"Maintenant, est-ce que ce sont des menaces ou est-ce qu'ils vont passer à l'acte ?", se demande-t-il.

"Ils se disent: On a essayé de dialoguer, ça n'a pas marché. On s'est révolté, ça n'a pas marché. Maintenant, au lieu de brûler les voitures, on va brûler les urnes", commente Ahmed Hassene d'un collectif d'Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-denis) créé à la suite des émeutes. Pour lui, "ça reste pour beaucoup de la provocation. C'est juste une façon de jouer avec l'actualité".

Un vote révolutionnaire en banlieue

Au FN, on est conscient qu'il y a un terreau favorable dans ces banlieues où Le Pen a fini deuxième en 2002 derrière Lionel Jospin. A des jeunes de l'association La banlieue s'exprime, Jean-Marie Le Pen expliquait récemment: "Je suis diabolisé, exactement comme la banlieue l'est".

De son aveu même, Alain Soral, essayiste et polémiste venu du marxisme, a convaincu Le Pen de l'existence d'un "vote révolutionnaire en banlieue" en rejoignant son comité de soutien. "Les habitants de banlieue pensent que Sarko organise l'Islam de France pour mieux le montrer du doigt. Ils ont de la sympathie pour Le Pen, homme de foi virile, honnête et fier d'être français qui est pour l'assimilation de tous les Français et contre la guerre en Irak".

M. Soral qui rêve d'une "union sacrée" entre "les z'y va et les prolos" cite à qui veut l'entendre le discours prononcé par Le Pen à Valmy en septembre. Evoquant les "céfrans" (français en verlan, NDLR) et prenant pour exemple Platini et Zidane, le président du FN y avait appelé "les Français d'origine étrangère" à le rejoindre.