Archives

Bagneux: la mosquée est dans la tourmente

Rédigé par Nadia Sweeny | Samedi 17 Juin 2006 à 14:47

La direction de la mosquée de Bagneux (92) est dans l'impasse. Aménagée en 1992 par l’Association de Bienfaisance de la Mosquée Omar du Sud des Hauts de Seine, le local qui sert de mosquée à Bagneux est en proie à une crise sans précédent. Le président de l'association gestionnaire, M. Garreche Salem, est remis en cause. L'opposition brise l'omerta autour des prochaines élections de la présidence de l'association.



La légitimité du Président


Pour les opposants à M. Garreche la présidence de la mosquée de Bagneux est dans l’illégalité la plus complète. En effet, depuis la création de l'association en 1992, les statuts stipulent que le Président, le Trésorier et le Secrétaire ne peuvent être élus que par le conseil d'administration ( composé de 7, 9 ou 11 membres) qui est élu par l'assemblée générale. Or, le 18 décembre 2005, comme à chaque fois depuis 14 ans, le président s'est fait réélire directement par les adhérents.

L'an dernier par exemple, pour convoquer les adhérents aux urnes, l'annonce avait été faite durant la grande prière du vendredi. Cette annonce est légalement insuffisante car une lettre de convocation doit être envoyée à chacun des 318 adhérents que compte l'association. Or, nombre d'ente-eux n'ont pas véritablement reçu ces convocations remises en main propre par le Président. Les électeurs ont néanmoins désigné le président à 84%, sur 141 votants. C'est face à cette situation qu'un groupe d'adhérents ont souligné l'illégalité de la procédure. Ce fut le départ de la contestation qui n'a alors cessé de s'exprimer au seins de la mosquée.

Mais d'autres détails sur le règlement intérieur sèment le trouble dans le fonctionnement de l'association. Car certains de ses articles ne concordent pas avec les statuts légaux. A l'article 1er, paragraphe C, on peut lire que « Une ancienneté de 2 ans est exigée pour disposer du droit de vote, et de 5 ans pour concourir au siège de président. » Or, non seulement cette précision n'est pas mentionnée dans les statuts, mais le procès verbal qui valide le règlement intérieur n'est pas déposé en préfecture.

Les pouvoirs publics peuvent faire fermer la mosquée


Un groupe de fidèles a donc voulu faire entendre sa voix afin que les statuts de l’association soient respectés. Envoyant, à plusieurs reprises, des lettres amicales pour expliquer leurs revendications, ils n’ont reçu aucune réponse. « On a même fait intervenir des anciens, respectés dans la mosquée, qui font partie de l’équipe qui a fondé l’association, pour trouver un terrain d’entente. (…) On n’a rien obtenu, c’est pourquoi on s’est dirigé vers la voie juridique. » Explique un fidèle.

Mokhtar Laribi, membre du conseil d’administration de l’Association, insiste sur le fait que « si la direction est en infraction vis-à-vis des statuts, les pouvoirs publics peuvent faire fermer la mosquée. (…) En face, on a eu droit à un verrouillage total.» Décidés donc à faire annuler l’élection de décembre 2005, les opposants ont amené l’affaire au tribunal de Grande Instance de Nanterre. Entendu le 26 avril 2006, aucune position n’a été prise sur le fond de cette affaire, le tribunal s’étant reconnu incompétent à prendre une décision définitive et exclusive.

Sous la pression, le président Salem Garreche a donc décidé de démissionner et d’organiser de nouvelles élections, prévues demain, dimanche 18 juin 2006. On s'attend à voir l'élection d'un nouveau conseil d'administration. Selon nos sources, deux listes s'affronteront. L'une sera formée par l'équipe dirigeante, l'autre par les opposants.

Un conflit de générations


C'est donc une véritable guerre ouverte qui se déroule depuis plusieurs mois à Bagneux, entre l'opposition et la présidence de la mosquée. Lettres de menaces, insultes, pressions… Le conflit de générations est évident. Il y a ceux qu'on nomme les « jeunes » et qui sont néanmoins, pour la plupart, chef de famille et ont la quarantaine. Ce sont eux qui sont bien décidés à faire respecter les textes qui régissent le fonctionnement de l'association. « Les dirigeants font partie d’une génération, il faut le dire, qui sont venus travailler, gagner de l’argent et retourner au bled. Ils ont un peu négligé la partie éducation. La plupart ne savent ni lire ni écrire. (…) Alors qu’il y a dans notre communauté des ingénieurs, des médecins, des intellectuels…»

La présence d'une camera dans la salle de prières des hommes, revient régulièrement dans les conversations. « Cela fait plus d’un an qu’elle est là, elle a coûté 7 000 euros à l’association, et on ne sait pas à quoi elle sert puisque aucune retransmission n’est faite dans la salle des femmes d'une part. D’autre part, aucune affiche ne nous prévient de la présence d’une vidéosurveillance » explique un fidèle. « On ne sait même pas si elle filme, à qui et à quoi servent ces images. Nous sommes en droit d’être prévenus si nous sommes filmés » poursuit-il. Un détail, certes, mais qui en dit long sur la tourmente qui anime cette mosquée de quartier plongée dans un conflit de générations.