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Monde

Au temps du Covid-19, RSF honore le travail de 30 « héros de l’information »

Rédigé par Lina Farelli | Lundi 15 Juin 2020 à 17:30

           

Reporters sans frontières (RSF) honore le travail de 30 journalistes, lanceurs d’alerte et médias, des « héros de l’information qui se sont illustrés depuis le début de la pandémie de Covid-19 » et qui ont souvent payé très cher le prix de la vérité.



« Chaque crise révèle ses héros. » Reporters sans frontières (RSF) a publié, lundi 15 juin, une liste de 30 héros de l’information qui se sont illustrés depuis le début de la pandémie de Covid-19. « Journalistes, lanceurs d’alerte et médias, ils ont contribué par leur courage, leur persévérance, voire leur capacité d’innovation, à diffuser une information fiable particulièrement vitale en temps de crise sanitaire exceptionnelle », fait valoir l’organisation.

« Par leurs reportages ou leurs initiatives, qui ont demandé courage, audace et détermination, ils ont permis au plus grand nombre d’accéder à une information fiable et de qualité ; ils ont contribué à résister à la censure et à lutter contre la désinformation galopante qui mettent en danger la santé des populations », indique aussi RSF, qui précise que la liste établie « ne se veut pas exhaustive ».

Quand le prix de la vérité est cher payé

« La plupart de ces héros ont en commun d’avoir révélé des informations démontrant la gravité de la pandémie ou dénonçant la mauvaise gestion de la crise sanitaire par les autorités de leur pays », souligne RSF. Est ainsi honoré le travail d’Andjouza Abouheir, journaliste pour La Gazette des Comores, qui a levé le voile, en avril, sur le mystère du zéro cas dans les Comores. Par son enquête, elle révèle que les échantillons prélevés sur les premiers cas suspects n’ont tout simplement jamais été envoyés pour analyse. Ces révélations mettent le gouvernement dans l’embarras, choisissant alors de menacer de poursuivre les journalistes qui publieraient « sans passer par les canaux officiels ».

Bien qu’ils soient issus des cinq principaux continents, près d’un tiers de ces 30 héros sont originaires d’Asie, relève RSF. En Inde, où la crise du coronavirus a aggravé la haine contre les musulmans, Vijay Vineet risque six mois de prison pour avoir révélé que les restrictions liées au confinement avaient conduit des enfants affamés à se nourrir de fourrage destiné au bétail.

© Cartooning For Peace
© Cartooning For Peace
Au Bangladesh, le caricaturiste Ahmed Kabir Kishore risque la prison à vie pour avoir publié sur les réseaux sociaux des dessins relatant la vie politique dans son pays durant la crise du Covid-19 et qui dénoncent, entre autres, des cas de corruption.

Début juin, RSF et quatre autres ONG dont Cartooning for Peace ont alerté les autorités bangladaises sur l’« inquiétante recrudescence des atteintes physiques et judiciaires contre les reporters et dessinateurs de presse » dans le pays, appelé à « des actions concrètes visant à garantir un libre exercice du journalisme » par, entre autres, l’abandon des poursuites abusives adressées contre les journalistes, blogueurs ou dessinateurs de presse au motif de la Loi sur la sécurité numérique de 2018.

Du côté de la Chine, cinq noms sont honorés. Li Wenliang et Chen Qiushi ne sont pas journalistes ; l’un est médecin ophtalmologiste, l’autre avocat. Li Wenliang a été le premier à avoir alerté le monde sur les débuts d’une épidémie fulgurante, fin décembre 2019, tandis que Chen Qiushi a rendu compte du chaos ambiant qui régnait dans les hôpitaux de Wuhan, premier foyer du coronavirus, grâce à ses vidéos publiées sur son blog. Le premier a succombé au Covid-19. Le deuxième a été placé de force en quarantaine et n’est jamais réapparu. « Le prix de la vérité est souvent cher payé », commente RSF.

Aux Etats-Unis, ce sont les correspondants de la Maison Blanche qui sont honorés en raison de « leur persévérance à poursuivre leur travail en dépit d’une forte adversité ». « Malgré les attaques et les moqueries constantes du président Trump et de son entourage, ils continuent, semaine après semaine, à interroger sa gestion de la pandémie », indique RSF.

Au Brésil, qui est désormais le deuxième pays qui compte le plus de morts du Covid-19 avec plus de 43 000 décès au compteur, des médias se sont réunis au sein d’un « cabinet de crise » pour informer les populations délaissées des favelas. En Russie, où plus de 7 000 morts ont été enregistrés, 25 publications se sont réunies au sein du Syndicat-100 pour mettre en place un système visant à aider le personnel médical à faire remonter de l’information et alerter l’opinion publique.

RSF a enfin tenu à rendre « un hommage tout particulier » aux journalistes de Guayaquil, la capitale économique de l’Equateur et premier épicentre de l’épidémie en Amérique latine. Les autorités ont été totalement prises de court par la progression fulgurante de la pandémie, au point que les corps de nombreuses personnes victimes du virus n’ont pu être pris en charge. « Malgré leur propre impréparation et leur manque d’équipement de protection, les journalistes de la presse locale ont continué leur travail d’information et réalisé des reportages dans des zones hautement contaminées. Ils ont payé un lourd tribut : fin avril, 13 d’entre eux avaient succombé au Covid-19 », informe RSF.

« Le journalisme peut sauver des vies »

« Poursuivis, agressés, insultés, ils sont nombreux à avoir payé le prix fort pour avoir défendu le droit à l’information et lutté contre les rumeurs et la désinformation qui aggravent les conséquences de la crise sanitaire », note le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire. « Ces nouveaux héros nous rappellent que le journalisme peut sauver des vies. Ils méritent toute notre attention et admiration. »

En avril, RSF dévoilait l’édition 2020 du classement mondial de la liberté de la presse, signalant que « la pandémie de Covid-19 met en lumière et amplifie les crises multiples qui menacent le droit à une information libre, indépendante, pluraliste et fiable ».

« Les dix prochaines années seront sans doute "une décennie décisive" pour la liberté de la presse en raison de crises qui affectent l’avenir du journalisme », indique l’organisation en citant cinq crises qui, en parallèle de la crise sanitaire, sont géopolitique, technologique, démocratique, de confiance et économique.

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