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Points de vue

Après l'attentat de Nice, dénoncer haut et fort un acte d’idolâtrie

Rédigé par Martino Diez | Lundi 23 Novembre 2020 à 12:00

           

L’attentat de Nice pose beaucoup de questions mais, au cœur du problème, il y a une image déformée de Dieu, pour Martino Diez, directeur scientifique de la Fondation Oasis.



Après l'attentat de Nice, dénoncer haut et fort un acte d’idolâtrie
Il est inutile de tourner autour du pot, quand on parle de l’attaque à l’arme blanche dans la cathédrale de Nice : le mobile est religieux, la réponse doit être religieuse. Cela ne signifie pas qu’on n’ait pas besoin de précisions sociologiques sur l’agresseur Brahim Aouissaoui, dont on connait encore très peu de choses : une jeunesse difficile, le parcours de radicalisation, le débarquement à Lampedusa… Mais la question n’est pas là. Il est également important de situer le crime haineux dans le contexte de l’actualité de ces jours : le discours de Macron sur le séparatisme islamiste, la nouvelle polémique sur les dessins satiriques contre le prophète de l’islam, l’assassinat du professeur Samuel Paty, la crise diplomatique.

Et après Nice, à la différence de l’affaire des caricatures, les condamnations ont été sans appel de la part de la quasi-totalité du monde islamique, en premier lieu des musulmans français, et ne se sont pas fait attendre, même de la part d’Erdoğan qui venait de jeter de l’huile sur le feu juste un instant avant. Car un verset coranique (22, 40) déclare la sacralité de tous les lieux de prière et parce que, évidemment, les trois personnes tuées n’ont rien à voir avec les fameuses caricatures. Bien au contraire, la position de l’Église française sur le sujet, comme sur toute la question du séparatisme islamiste, a été très équilibrée et attentive à la sensibilité des croyants musulmans.

Dire haut et fort qu’il s’agit en premier lieu d’un acte d’idolâtrie

Mais tout cela est secondaire. Le point est qu’un jeune de 21 ans rentre dans une église et massacre trois personnes dans la conviction de faire la volonté de Dieu. Alors, il faut répondre à cela, en disant haut et fort qu’il s’agit en premier lieu d’un acte d’idolâtrie. Pourquoi idolâtrie ? De ce péché, le plus grave selon le Coran qui l’appelle shirk, beaucoup de musulmans se font une idée caricaturale, grosso modo les tribus de quelque forêt reculée qui se prosternent face aux statues des ancêtres. C’est le moment de réfléchir sur une idolâtrie beaucoup plus dangereuse, l’idolâtrie de sa propre image de Dieu, qui le dégrade à un outil pour déverser sa propre colère.

Dans le Coran il y a une histoire très intéressante, répétée à plusieurs reprises. C’est l’histoire d’Iblîs, un ange (ou un jinn, selon une autre version). Un jour, à l’aube des temps, il reçoit un ordre impossible de la part de Dieu. Il doit se prosterner non pas face à son Seigneur – chose qu’il fait depuis toute l’éternité avec infatigable et féroce dévotion – mais face à Adam, que Dieu vient de pétrir de terre. Il doit y avoir une erreur, se dit Iblîs « Je suis meilleur que lui ». Ainsi, il refuse l’ordre, il ne se prosterne pas et finit expulsé du paradis. Voici comment le diable est né.

Qu’est que nous enseigne cette histoire ? Qu’on peut aimer sa propre image de Dieu plus que Dieu lui-même et au nom de cette image ignorer le commandement de Dieu, parce qu’il ne rentre pas dans son propre schéma. Des mystiques ont cherché de réhabiliter Iblîs comme le vrai monothéiste – le seul de l’histoire – prêt à payer tout prix pour ne rien adorer à côté de Dieu. Non, il n’est pas le vrai monothéiste, il est, au contraire, le dernier idolâtre, le plus subtil, celui qui transforme Dieu dans un objet de sa propre volonté.

Comme l’écrit Adrian Candiard dans Du Fanatisme, « le danger d’idolâtrie n’est jamais plus grand que lorsqu’il porte sur des objets tout proches de Dieu. (…) Le fanatisme est (…) une maladie de la vie spirituelle ». C’est bien là le crime de Brahim Aouissaoui et de ceux qui l’ont armé. Qu’ils puissent s’en repentir.

*****
Docteur en études orientales à l’Université Ca' Foscari de Venise, Martino Diez est directeur scientifique de la Fondation internationale Oasis et enseignant-chercheur en langue et littérature arabe à l'Université catholique de Milan. Première parution de l’article dans Oasis le 12 novembre 2020.

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1.Posté par Lavoisy Pierre le 24/11/2020 17:21 | Alerter
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En total accord avec ce texte.
La dimension obscure des religions sous sa forme ultime est le fanatisme qui est la manifestation criminelle de l’idolâtrie.
Les religions sont des phénomènes culturels, donc des créations humaines, en réponse à des Révélations divines voulant nous libérer de notre asservissement aux idoles.
Dans la Bible et dans le Coran, le culte religieux des idoles est le péché suprême !
D’où l’importance capitale chez nos amis musulmans du Grand Djihâd, ou grand combat contre soi-même, cause fondamentale de la dimension obscure des religions.
Pierre Lavoisy membre de l’Eglise Protestante Unie de France

2.Posté par Premier Janvier le 27/11/2020 17:48 | Alerter
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Les images ne sont pas le réel. Elles sont le réel du réel. On aura beau faire on ne peut pas contredire cela.
Là on l'on peut rivaliser c'est sur l'être, il ne peut pas ne pas penser et donc ne peut pas ne pas se représenter.

3.Posté par Premier Janvier le 27/11/2020 18:15 | Alerter
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Très juste l'idée de dieu. Bien vu.
Il y a toujours une cause aux effets. Dieu ne peut pas être la cause de son image. Autrement ça voudrait dire qu'il n'est pas dieu.

4.Posté par Premier Janvier le 28/11/2020 17:05 | Alerter
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.... Ca voudrait dire qu'il n'est pas dieu puisqu'il n'y a que dieu lui même qui puisse être dieu.
Le terme le plus approchant qui pourrait remplacer le mot dieu est un (le chiffre). Personne n'a jamais vu un.
On sait ce qu'est un, mais jamais on ne peut le dire.
Dieu c'est ça.

5.Posté par Lavoisy Pierre le 28/11/2020 18:30 | Alerter
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D’où l’affirmation d’un Dieu unique appelé parfois L’UN/ L’UNIQUE / LE NOM/ LUI/ LE TOUT AUTRE/ LE SEIGNEUR etc
Il s’agit du seul mystère, et il n’y en n’a pas d’autres : c’est le mystère de l’ÊTRE.
DANS LA BIBLE IL EST DÉSIGNÉ PAR YHWH et il est imprononçable :
Il est de plus rigoureusement intraduisible car il s’agit d’un jeu de mot sur le verbe être à l’inaccompli : EYE ASHER YEY (Exode 3, 14)
Les divers traductions proposées sont :
Je suis l’Eternel
Je suis qui Je suis
Je suis qui Je serai
Je serai qui Je suis
En fait dans l’épisode du Buisson Ardent dans le livre de l’Exode, Moïse Lui demande son Nom, c’est à dire qui Il est, et Dieu répond que cela ne lui regarde pas : c’est le mystère de l’Être.

Pierre Lavoisy, membre de l’Eglise Protestante Unie de France.

6.Posté par francois.carmignola@gmx.com le 29/11/2020 10:01 | Alerter
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Le problème avec le concept d'idolâtrie est qu'il semble rendre possible d'autres Dieux, à qui on sacrifierait par erreur ou négligence.
Bien sur présent dans le judaïsme, dont le Dieu dut batailler fort pour s'imposer à d'autres, il est problématique en islam, qui insiste énormément sur l'unicité du divin, l'homme ne pouvant qu'être criminel de l'oublier et donc se revendiquant toujours d'une vraie conception de cette unicité pour imposer ses interprétations. Ce qui explique l'extraordinaire diversité de celles-ci, comme si l'exigence d'unicité était contre productive...

7.Posté par Lavoisy Pierre le 29/11/2020 14:19 | Alerter
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À partir du moment où l’on est persuadé que sa conception de Dieu est la seule vraie, on est idolâtre, car Dieu ne peut pas être possédé par un discours quelconque (cf le mystère de l’Être)
C’est ainsi que des croyants polythéistes, ou hénothéistes, comme le sont la plupart des croyants catholiques avec le culte de la déesse toujours vierge et toujours fèconde Marie et l’intercession d’innombrables divinités mineures que sont les personnes canonisées, ne sont pas idolâtres dans la mesure où ils n’affirment pas que leurs cheminements vers Dieu, L’Unique etc... n’est pas le seul cheminement possible : une évidence pour les spiritualités hindouiste ou bouddhistes.
Ce polythéisme fondamental du magistère catholique romain explique son succès idéologique avec la christianisation en surface de nombreuses pratiques polythéistes dont la Bretagne celte en est un archétype culturel riche actuel.

8.Posté par Lavoisy Pierre le 29/11/2020 14:32 | Alerter
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Ceci explique également l’échec de la Réforme protestante en Europe dans de nombreuses zones géographiques de traditions non germaniques, car le monde paysan n’a pas supporté que soient mises en cause leurs traditions folkloriques ayant un vernis chrétien, avec son culte des saints, ces nombreuses fêtes religieuses se terminant en beuveries, en pallairdises tout azimut et en culbutes dans le fossé (cf les tableaux de Brueghel)
D’où les aphorismes de la sagesse paysanne, car tout le monde savait dans un village qui était le père biologique :
« Papa peut-être, Maman sûrement »
et à l’adresse du père officiel :
« Si tu n’en n’as pas le mérite, au moins tu en as le profit »

9.Posté par Premier Janvier le 29/11/2020 20:20 | Alerter
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Comment peut t'on dissocier les pensées des images. Moi j'en suis là.
A comment peut t'on penser sans image.
Dans l'exemple qui est donné dans l'article, dieu ne dit pas une image mais un réel (une statue). Qui pourtant ne peut être qu'un image.
Il ne dit pas un faux mais un faux vrai en quelque sorte.
Le faux est bien sur un vrai comme les autres.
Dans l'exemple qui est cité, dieu ne dit rien de l'image (la statue) si elle est un faux ou vrai.
On sait juste de la statue qu'elle est jugée comme étant un faux. Et donc un vrai.
Et là j'en reviens à mon point de départ, comment peut t'on dire ou se trouvent le vrai ou le faux sans l'image.

10.Posté par Lavoisy Pierre le 29/11/2020 21:25 | Alerter
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La notion d’image mentale est un sujet complexe traité dans la philosophie contemporaine où parmi les nombreux acquis, nous avons :
=>1)On ne pense pas, mais on pense à ... : c’est la notion d’intentionnalité.

=>2)Il n’y a pas de pensée, sans langage, or le langage humain se caractèrise par la création de concepts, et le concept n’est pas le réel mais une représentation du réel.
Il y a des pages fondamentales de Kant sur ce sujet dans « Critique de la Raison pure »
Ainsi le concept de « cheval » n’existe pas : il est une création mentale, seul existe tel cheval particulier à tel endroit ayant telle maladie, capable de telle performance et ayant tel âge.

=>3)Il me semble donc que l’on peut identifier image mentale et concept, car toute image au sens plastique du terme n’est interprétable donc visible que par un ensemble de concepts : une image plastique qui est donc matérielle, donc réelle, est une représentation conventionnelle (culturel) du monde empirique mais ne représente pas le réel en lui-même.

=>4) La philosophie qui est une réflexion critique sur toutes les activités humaines, est donc athée au sens étymologique, et ces considérations ci-dessus s’appliquent donc sur le concept « Dieu » qui est effectivement, en tant que concept, une construction humaine.
Mais la philosophie, soeur jumelle de la démarche scientifique dès leurs origines communes dans la Grèce antique, est incompétente pour donner un sens à nos existences, d’où la notion de Révélations divines dont des humai...  

11.Posté par Lavoisy Pierre le 29/11/2020 21:35 | Alerter
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Ajout
Dans « Critiques de la Raison Pure », Kant identifie le monde empirique par le terme de noumène.
L’acquisition des connaissances par l’entendement humain se fait conceptuellement à travers les phénomènes accessibles empiriquement par nos cinq sens.
En d’autre terme, pour Kant, le noumène se manifeste uniquement par les phénomènes.

12.Posté par francois.carmignola@gmx.com le 30/11/2020 19:55 | Alerter
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@PierreLavoisy
Point besoin de la vierge marie ou des saints pour établir le caractère polythéiste du christianisme: la trinité suffit...
Et donc il n'y a pas d'idoles, car il n'y a pas à s'en prémunir: Dieu est composite, céleste et charnel et cela suffit à résoudre tous les problèmes de communication avec lui. La trinité permet de se débarrasser des idoles !

13.Posté par francois.carmignola@gmx.com le 30/11/2020 19:59 | Alerter
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@PremierJanvier
Il vous faut absolument lire Kant: la question fondamentale de la liaison entre la pensée conceptuelle et la pensée des phénomènes passe par les images. Votre question est essentielle et se trouve décrite (et peut être résolue) par le "schématisme" Kantien qui introduit et c'est là que c'est absolument génial, le temps, caractère fondamental du monde.
C'est là d'ailleurs que Heidegger se sépare de Kant, et vous voilà parti pour un long moment dans l'hyper-espace.

14.Posté par Lavoisy Pierre le 30/11/2020 20:23 | Alerter
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«  La Trinité permet de se débarrasser des idoles »
????
Oui dans la mesure où ce dogme polythéiste (les musulmans disent trithéiste) ne chercherait pas à s’imposer comme la seule vérité sur Dieu, et voudrait actuellement l’imposer comme une obligation théologique de confession pour quiconque se dit chrétien.
Or être convaincu que sa conception de Dieu est la seule vraie en plénitude fait automatiquement du dit-Dieu une idole, puisqu’il n’existe pas
En d’autres termes, le dogme trinitaire est historiquement, donc concrètement, une production intellectuelle idolâtre.

Je rappelle, encore une fois, que se dire chrétien, c’est confesser que le juif pratiquant Jésus de Nazareth est le messie mis à mort par les autorités romaines et ressuscité par Dieu le troisième jour. POINT BARRE !!!
Être disciple du Christ en actes est une autre paire de manches.
Pierre Lavoisy membre de l’Eglise Protestante Unie de France

15.Posté par Lavoisy Pierre le 30/11/2020 20:34 | Alerter
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Si un chrétien confesse le dogme trinitaire, mais refuse d’affirmer que c’est la seule vérité en plénitude sur Dieu et que d’autres approches de Dieu sont aussi légitimes alors il n’est pas idolâtre : c’est une question essentielle pour tout dialogue Interreligieux sérieux qui ne soit pas un piège à c..s.

J’en connais un certain nombre parmi des amis catholiques et un petit nombre parmi des amis protestants de mon église. Un petit nombre car la majorité des protestants réformés ne confessent plus le dogme trinitaire abscons datant du IVième siècle de l’ère commune.

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