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Société

Annulation d’un mariage à Lille : amalgames en série

Rédigé par Anissa Ammoura | Mardi 3 Juin 2008 à 00:01

           

L’annulation d’un mariage en avril dernier par les juges lillois pour mensonge sur une qualité essentielle – en l’occurrence la non virginité de l’épouse- a suscité de nombreuses réactions. En se focalisant sur le caractère sexuel et religieux de l’affaire, cet emballement médiatique a conduit à des amalgames culturel et juridique. Les protestations sont telles que la ministre de la justice a demandé au parquet de faire appel. Explications.



Depuis une semaine, les langues n’en finissent plus de se délier sur une décision de justice du tribunal de grande instance de Lille. Courant avril, celui-ci annule un mariage entre deux français de confession musulmane car l’épouse a menti sur sa virginité. Les juges ont estimé que l’époux avait conclu le mariage « sous l’empire d’une erreur objective, déterminante dans son consentement ». L’erreur est dite objective dans le sens où elle est certaine, la jeune fille ayant admis ne pas avoir dit la vérité avant le mariage. Cette décision se fonde sur l’article 180 du code civil, qui stipule que « s’il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l’autre époux peut demander la nullité du mariage » dans un délai de cinq ans.

Le terme de « qualité essentielle », contrairement aux raccourcis faits par certains médias, s’entend de manière subjective. Il s’agit d’une qualité essentielle aux yeux de l’époux, et non au regard de la justice. Or, la virginité était une qualité essentielle aux yeux de l’époux. Ce critère était indispensable à son consentement au mariage c'est-à-dire que si cette condition n’avait pas été remplie, il n’aurait sûrement pas épousé la jeune fille concernée. C’est bien ce « vice de consentement » qui a permis l’annulation du mariage et non le critère sexuel privé en tant que tel.

Le problème de la virginité « focalise un peu le débat, mais, selon Philippe Lemaire, le procureur de Lille, « la question n’est pas la virginité, c’est la liaison qu’elle a eux avant et qui a été cachée. C’est le mensonge qui motive la décision du juge. » Les mensonges sur « des éléments de personnalité » d’un des conjoints ne sont pas nouveaux. Par exemple, la découverte après le mariage que le conjoint est divorcé, qu’il a menti sur sa nationalité, qu’il fait l’objet d’une mesure de curatelle ou qu’il n’est pas apte à avoir des relations sexuelles normales. Toutes ces erreurs ont donné lieu à des annulations.

Amalgame culturel et juridique

Ce fait divers déchaîne d’autant plus les passions que l’aspect culturel et religieux de cette histoire a été exacerbé jusqu’à élargir le débat dans certains médias jusqu’aux reconstructions d’hymens. Sexe, religion, les ingrédients étaient réunis pour captiver l’auditoire.

Depuis la publicité de cette affaire, hommes et femmes politiques, féministes, associations sont montés au créneau pour critiquer cette décision. Mêmes les internautes font flamber la toile pour s’exprimer. Sihem Habchi, présidente de Ni putes Ni soumises dénonce « une fatwa contre la liberté des femmes » tandis que la philosophe et écrivain française Elisabeth Badinter s’est dite « ulcérée par la décision du tribunal », ajoutant que « la sexualité des femmes était une affaire privée et libre en France ».
Le 30 mai dernier, l’UMP a même demandé dans un communiqué que la chancellerie « déclenche un recours dans l’intérêt de la loi pour dire le droit ». Le parti socialiste et le parti communiste français ont eux aussi dénoncé le verdict lillois. La Ligue des Droits de l’Homme ( LDH) accuse la justice d’avoir rendu une « décision discriminatoire. (…) Quelle que soit la volonté des époux, ni la loi, ni la jurisprudence ne peuvent consacrer ce symbole de la domination masculine. ».

Hamida Ben Sadia, une militante féministe d’origine algérienne s’est dite « scandalisée » par la décision mais regrette aussi la tournure religieuse qu’a pris le débat « Si les protagonistes n’avaient pas été de confession musulmane, on en aurait pas autant parlé ».

Tareq Oubrou, imam de la mosquée de Bordeaux, estime qu’il s’agit d’un simple « fait divers » : « C’est lamentable. Il faut laisser l’Islam tranquille. Il s’agit d’un problème culturel et non religieux » explique t-il à Saphirnews, « C’est une question de vie privée entre les gens. Ce sont des aberrations qui n’ont jamais existées dans l’histoire de l’Islam. Beaucoup de couples musulmans ne vérifient pas la virginité comme conditions de mariage. Mais le mensonge est bien entendu une faute morale ». Le responsable religieux poursuit « Je n’ai pas à commenter la décision juridique. En revanche, religieusement parlant, l’homme n’avait pas à en parler publiquement. De cette façon, il porte ainsi préjudice à la dignité de cette femme ».

Victime d’un mariage forcé dans sa jeunesse, Hamida Ben Sadia propose plutôt aux hommes et aux femmes politiques qui se sont exprimés sur le sujet de « s’occuper des femmes violées et battues ». Elle suggère à l’UMP - qui a réclamé un recours - de « récupérer cette affaire pour favoriser l’égalité entre les femmes de toutes nationalités et de toutes origines sociales et culturelles ». Pour Hamida Ben Sadia, il est aussi question de « liberté de la personne » tout en soulignant que la « non-virginité n’est pas pour autant une preuve de modernité ».

La garde des sceaux demande au parquet de faire appel

« Ce jugement a été rendu parce que le code civil le permettait. Les lois de la République sont anciennes, défavorables et totalement discriminatoires à l’égard des femmes. Il est grand temps que notre société se débarrasse de ces lois » remarque Hamida Ben Sadia.

Cette polémique a eu le mérite de soulever plusieurs problèmes en matière de protection des femmes et de traditions archaïques, et de lancer la réflexion sur une éventuelle révision du code civil, ce que demande notamment la Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme (LICRA). Certains, comme Dominique Paillé, le conseiller politique de Nicolas Sarkozy, demandent même la suppression toute possibilité d'annuler un mariage dans la loi, pour ne plus conserver que le divorce.

Pourtant, il faut savoir que les annulations de mariage servent surtout à éviter une longue et pénible procédure de divorce. Selon le président du tribunal pour enfants de Bobigny, Jean-Pierre Rosenczveig, « Les instance en annulation de mariage sont rares (600 environ pour 230 000 mariages par an) ».

Pour calmer les esprits et sans doute répondre à la demande de membres de l‘UMP, la garde des sceaux Rachida Dati a demandé le 2 juin dernier au procureur général de Douai que le parquet fasse appel de la décision. La Chancellerie affirme dans un communiqué : « L'annulation d'un mariage par le tribunal de grande instance de Lille a provoqué un vif débat de société. Cette affaire privée dépasse la relation entre deux personnes et concerne l'ensemble des citoyens de notre pays, et notamment les femmes ».

D’où le souhait de la ministre de la Justice « que la juridiction collégiale d'appel puisse être amenée à se prononcer à nouveau ». Rachid Dati avait pourtant déclaré vendredi dernier que « la décision civile, avec le consentement des deux parties, a été prise par un critère juridique, qui a été une erreur sur la qualité essentielle de la personne pour une des parties ». Elle avait également estimé : « La justice est là pour protéger. Le fait d'annuler un mariage est aussi un moyen de protéger la personne qui souhaite peut-être se défaire du mariage, parce que je pense que cette jeune fille (...) a souhaité également, sans doute, se séparer assez rapidement […] La justice est là pour protéger les plus vulnérables, les plus modestes, ceux qui sont en difficulté. La justice est aussi un rempart à la loi du plus fort».

Sur son blog, Jean-Pierre Rosenczveig, le président du tribunal pour enfants de Bobigny, confirme ce point de vue « On ne peut pas parler de répudiation. Peut être même, comme l’avance la ministre de la justice, certaines femmes mariées contre leur gré trouveront là matière à se libérer. » Il dénonce également ceux qui prennent les juges comme les responsables de ces schémas de pensées machistes : « J’aimerais savoir ce que font tous ceux qui vilipendent cette décision pour aider au quotidien les femmes de France encore prisonnières des pressions qui pèsent sur elles et pour faire entendre aux hommes qu’une femme n’est pas un objet d’appropriation. »

Pour le ministre du travail Xavier Bertrand, « i[Il faut aussi regarder un peu plus en détail le jugement ]i». Celui-ci se demande si « c'est véritablement notre Code civil ne serait plus adapté sur certaines dispositions ». L’idée que les parlementaires puissent  se saisir du sujet lui apparaît être « une bonne initiative ».

En attendant, le parquet a un mois pour faire appel, le délai courant à partir du moment où le jugement lui a été notifié.




Réagissez ! A vous la parole.

1.Posté par Marsile le 03/06/2008 10:48 | Alerter
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si la justice française n'a pas annulé ce mariage pour "non-virginité", elle l'a fait pour "mensonge sur une qualité essentielle". Ce qui revient à considérer la virginité comme une "qualité essentielle". Rachida Dati, notre garde des Sceaux, est effectivement dans son rôle quand elle rappelle que l'annulation d'un mariage permet aussi de protéger des femmes mariées sans leur consentement éclairé. Ce qui fût son cas. Mais elle semble oublier que ce jugement-là n'a pas été obtenu à la demande de la mariée mais du marié... non pas pour "non-respect du consentement" mais pour "mensonge sur sa virginité". En vertu de quoi, il ne tranche pas dans le sens de la libération (même si on peut se réjouir de voir cette femme libérée d'un tel mari) mais dans le sens de l'humiliation. Voire de l'inégalité puisqu'une femme ne pourrait avoir la même exigence envers son époux. Il faut donc faire appel de ce jugement pour stopper toute jurisprudence allant dans un sens aussi régressif.

2.Posté par Rachid le 03/06/2008 11:24 | Alerter
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Bonjour,

Source : http://www.lemonde.fr/societe/article/2008/05/30/debat-apres-l-annulation-d-un-mariage-entre-musulmans_1051815_3224.html

Il aurait été intéressant de préciser que l'ingénieur, qui a demandé l'annulation du mariage, est un converti à l'islam. Il n'est pas maghrébin ou arabe de culture mais bel et bien français.
Que de sornettes n'avons nous pas entendu au sujet des pseudo-traditions maghrébines au sujet des pressions familiales, sur la conception de la virginité, ou l'histoire du drap blanc tâché etc.... Tous ceci est hors sujet et relèvent plutôt de réflexes anti-maghrébins et anti-musulmans.

Pour finir, il serait bon, d'étudier un peu l'origine ethnologique de cette tradition du drap que l'on arbore lors d'un mariage pour venter sa fierté quant à la virginité de l'épouse. Et comment cette tradition s'est "implantée" au maghreb ? Cette horrible tradition n'a aucune origine arabe. A mon avis le volume des protestations devrait diminuer voire disparaitre derrière des tentatives d'explication de pseudo-spécialistes.


3.Posté par ledaron le 03/06/2008 13:57 | Alerter
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Salam aleykoum,bonjour

Sexualité et islam,voila le mélange idéal pour polémiquer à l'infini.Nos anti-msulmans de tout poils trouvent avec ce sujet de quoi occuper leur méninges.Voir la nouvelle pétition de ni p..ni soumises.

4.Posté par DIAKHATE Mory le 03/06/2008 14:59 | Alerter
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Je suis sénégalais, et je vis a Dakar, mais il faut dire que le sujet ne m'est pas indifférent. IL fat reconnaitre que cette décision est basée sur "une erreur d'interprétation des textes" et notamment de qualification, en mon sens. Je m'explique.
Le Lillois, a retenu la notion "d'erreur sur les qualités essentielles" de la personne. Or il me semble que si on parle d'erreur, on se référe à une situation se serait trompé en dehors de toute intervention d'une quelconque tierce personne. Le personne se serait trompé de son propre chef, soit sur la personne ou sur les qualités de la personne.
Or dans le cas d'espece, il faut reconnaitre que l'erreur a été prvoqué par l femme. Et dans ce cas, on ne parlerait plus d'erreur mais de DOL qui est juridiquement le terme retenu, lorsque l'erreur a été provoqué. ET si je me souviens bien, le dol n'est pas une cause d'annulation du mariage, puisqu'en "MARIAGE TROMPE QUI PEUT". C'est ce qui dit l'adage, pour ainsi dire que le dol, ne peut pas etre retenu pour l'annulation du mariage qui, il faut le dire est une décision assez grave car rétro agissant. Donc, il sera considéré cmme n'ayant jamais été conclu.
Sur ce fondement je dirait que la décision est tout simplement sévére, et constitu une rétrogradation de la loi et des conditions de la femme.
IL faut dire que cette décision est discriminatoire. Du pourquoi, toute personne est libre de disposer de son corps, hormis des cas limites prévus par la loi, notamment de la liberté de disposer de...  

5.Posté par tayfor le 04/06/2008 11:42 | Alerter
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Salamou'alikoum c'est hallucinant de voire les termes employés par les medias ,specialistés and co ( fatwa,charia,etc...) le champ lexical tourne autour de l'islam alors qu'il s'agit d'une simple affaire de droit !!!
POURQUOI LES MEDIA,LES FEMINISTE ETC....... NON PAS FAIT AUTANT DE TAPAGES POUR UNE AFFAIRE RECENT ( EN MAI ) CONCERNANT LE VIOL DU FILLE DANS LES YVELINES 78 DE 10 ANS PAR SON FRERE ET SON COPAIN ( AGES DE 10 ET 11 ANS ) APRES AVOIR VU UN FILM X !!!!!!!
la réponse est simple car il s'agit de bon bourgeois français pas de basanés pas de maghrebins pas d'islam nan ça fait pas vendre!!!!!

6.Posté par Moukawama le 04/06/2008 11:44 | Alerter
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Bonjour,

En choisissant Nicolas Sarkozy comme Président, une majorité de français s'est trompé sur des qualités essentielles qu'elle était endroit d'attendre. Cette possibilité d'annulation devrait s'étendre aux elections. Toutes les elections. Il y a derrière cette affaire - qui date de 2006 - un chapeau magique et la volonté de nous détourner de l'essentiel du moment : Le Pouvoir d'Achat.
Sarkozy a menti. Qu'il s'en aille.

7.Posté par dal le 04/06/2008 12:05 | Alerter
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Bonjour
Drôle ,je trouve drôle tout ces blabla.... pour cette annulation de mariage.
On entend des choses en ce que concerne cette annulation que l 'on pourrai qualifier :hors sujet.
Si la personne a menti et elle a menti , le mariage est annulé .Et ça change quoi à notre société. N'avez -vous jamais entendu parlé des femmes qui divorcent car le mari n'avait pas avoué son impuissance.
Quel différence entre une annulation de mariage et le divorce ? : le cout financier
Y aura t-il moins de pauvre,, moins de femme ou d'homme battus,,moins de de tout ce qui concerne la misère ou la déchéance humaine.Pauvre et magnifique planète terre qu'on t-il fait de toi ?
Pourquoi les médias ne s'attaquent t- ils pas au vrai problème de notre société ????

8.Posté par Moukawama le 04/06/2008 14:34 | Alerter
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Bonjour,

J'écris "Pouvoir d'Achat mais je réfute cette expression. Je l'ai écrit juste pour que - tous - nous comprenions bien de quoi on voudrait que nous soyons détourné : Deux policiers ivres qui tirent sur trois jeunes et qui en blesse un trés grièvement et le "Pouvoir d'Achat" (cher à Monsieur Sarkozy, le mari de "La Présidente") en berne. Nous ne pouvons pas continuer à être perçu comme des consommateurs. Nous sommes des citoyens et nous voulons que les salaires soient revalorisés. Que le gouvernement s'attelle à ce pourquoi il est là. S'il en est incapable qu'il s'en aille.


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