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Société

Amélie Chelly : « Nous sommes bien forcés d'utiliser le pluriel pour considérer les islamismes »

Les mots piégés du débat républicain

Rédigé par Pierre Henry | Jeudi 21 Avril 2022 à 11:00

           

Après être revenu sur l'origine du mot « islamisme » et sa balade dans l'actualité, un spécialiste nous aide à y voir encore plus clair. Amélie Chelly est sociologue, spécialiste de l'Iran et chercheuse associée au Centre d'analyse et d'intervention sociologique (CADIS). Elle est l’auteur de nombreux ouvrages dont le dernier « Dictionnaire des islamismes » publié en novembre 2021 aux éditions du Cerf.




Votre dernier livre s'intitule « Dictionnaire des islamismes ». Est-ce à dire qu'il y a plusieurs types d'islamisme et que nous aurions une vision très réductrice de ce terme en France ?

Amélie Chelly : Oui, en règle générale, quand vous avez des termes qui finissent par « isme », vous avez donc trois catégories. Vous avez les écoles, par exemple, le cubisme, le naturalisme ou autre. Vous avez les comportements, comme on peut dire professionnalisme, altruisme ou autre. Alcoolisme, pourquoi pas ? Et puis enfin, on a les idéologies. C'est quand vous prenez un terme, par exemple « égalité » et que vous en faites une idéologie, c'est-à-dire que vous partez de ce terme pour en faire une sorte de principe de base, d'axiome avant de construire ensuite tout un système explicatif autour. En mettant « isme », elle devient une idéologie.

Donc en fait, l'islamisme au singulier serait une idéologisation de la religion islam. Et on parle d'islamismes, pourquoi ? Déjà parce qu'en partant du principe que vous avez énormément de branches de la religion elle-même, si à chaque fois ou pour certaines d'entre elles, nous procédions à une idéologisation, on serait bien forcés d'utiliser le pluriel pour considérer les islamismes.

Maintenant, après avoir expliqué ce que c'est que l'islamisme théoriquement, d'un point de vue pratique, nous sommes bien forcés d'observer qu’il existe des tendances qui sont extrêmement différentes, par exemple, si on prend les deux grandes branches les plus connues (de l’islam), le sunnisme et le chiisme. Vous avez une idéologisation du chiisme qui est bien connue puisqu’à partir de 1979, elle a de façon concrète émergé en Iran, sous le nom de velayat-e faqih, c'est à dire la « tutelle du juriste-théologien ». C'est l'idéologie qui est actuellement au fondement du régime iranien depuis plus de 40 ans.

Du côté sunnite, vous avez là aussi plusieurs grandes tendances dont les plus connues comme les Frères musulmans. C'est une idéologisation d'une version autocrate et orthodoxe de l'islam salafiste qui a été idéologisé. Vous en avez encore beaucoup d'autres. Et même à l'intérieur des branches elles-mêmes qui sont idéologisées, vous avez des sous-branches comme les branches de type salafisme. Vous en avez par exemple qui peuvent être pro-Bachar (Al-Assad, à la tête de la Syrie, ndlr), anti-Bachar pour beaucoup d'autres, ou qui peuvent être des révolutionnaires. (…) Bref, vous avez donc une sorte de myriade d'idéologisation de l'islam et ça me paraît être la moindre des choses que d'essayer d'en saisir les contours pour chacun d'entre eux.

Il y a bien des versions de l'islamisme. Mais toutes, malgré tout, sont des formes plutôt radicales auxquelles, par exemple, en Europe, la majorité des musulmans n'adhèrent pas.

Amélie Chelly : Oui bien sûr, évidemment. Il y en a qui posent moins problème d'un point de vue médiatique parce que d'un point de vue sécuritaire, ils en posent moins aussi. Mais évidemment, vous avez dans tous les cas de figure que j'ai un exposé, quelque chose qui est de l'ordre de l'extrême, du revendicatif, et qui potentiellement contient donc en germe le passage à l'acte, voire en action. Mais ça ne veut pas dire que les tendances doctrinales de chacune de ces branches doivent être confuses, au contraire. Vous avez des distinctions à opérer.

Amélie Chelly : « Nous sommes bien forcés d'utiliser le pluriel pour considérer les islamismes »

Vous avez certains observateurs qui recommandent de ne plus utiliser le terme « islamisme » pour préférer parler d'extrémistes afin que les musulmans ne soient pas assimilés à cette minorité radicale. Pensez-vous que c'est pertinent ?

Amélie Chelly : En fait, ce serait un manque de pédagogie qui nous forcerait à faire cela pour effectivement ne pas tomber dans les travers auxquels pensent ces spécialistes. Ce sont des travers qui existent effectivement, mais la première mesure pédagogique, c'est d'abord d'expliquer la différence entre l'islam et l'islamisme.

L'islam, c'est la religion. L'islamisme, c'est l'idéologisation de la religion. Donc, à partir du moment où on comprend cette distinction, n'importe quelle personne peut entendre qu'un islamiste n'est pas un musulman. Un islamiste, c'est quelqu'un qui a souscrit à une idéologisation de l'islam. Tandis qu'un musulman est un fidèle de la religion islam.

Et puis la question de préférer le terme « extrême », c'est un petit peu compliqué parce qu'encore une fois, tout est relatif. Parce que même si vous êtes par exemple dans des islams qui ne sont pas idéologisés, vous avez là aussi plein de branches. Ne serait-ce que si on se concentre sur le sunnisme, vous avez par exemple, à ne considérer que cela, sans parler des hétérodoxies ou autre, des écoles jurisprudentielles, qu'on appelle les maddhab, les Chaféites, les Malikites, les Hanifites qui, par politisation et contextualisation politique, auront effectivement accouché aussi d'une certaine façon du wahhabisme. Mais quand vous prenez cela, quels seraient les critères pour aller dire laquelle de ces écoles est la plus stricte ?

En règle générale, le paramètre qui est pris en considération est l'élection de la raison, car plus on laisse de place à la rationalisation dans le cadre de l'école jurisprudentielle, plus on parle de souplesse et plus on s'éloigne donc de la perspective d'être caractérisé d'extrémiste. On a aussi donc tout ce travail à faire que d'aller circonscrire les paramètres qui nous permettront de déterminer ce qui est extrémiste de ce qui n'est pas.

*****
Pierre Henry est le président de l’association France Fraternités, à l’initiative de la série « Les mots piégés du débat républicain », disponible également en podcast sur Beur FM.

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Réagissez ! A vous la parole.

1.Posté par Pipo le 21/04/2022 13:04 | Alerter
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‘ Chaféites, les Malikites, les Hanifites qui, par politisation et contextualisation politique, auront effectivement accouché aussi d'une certaine façon du wahhabisme´

Quand je lis cette phrase , je vois que Mme Chely , peut être spécialiste de l’Iran , mais pas du tout spécialiste de l’Islam .

Si il y a bien une école juridique à citer dans le contexte de cette phrase , ce serait l’école hanbalite et encore avec toutes les précautions d’usage ! Or c’est la seule école juridique non citée !!!


2.Posté par Abdoulaye le 24/04/2022 07:31 | Alerter
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Si on applique aux autres religions la logique de cette prétendue spécialiste de l'islam, le catholicisme est donc l'ideologisation de l'église catholique, le protestantisme de même pour les protestants, de même encore pour le judaïsme, le bouddhisme...En fait, l'islamisme est utilisé en France dans un sens péjoratif qui sous entend que tout ce qui évoque l'islam est mauvais.
Refusant de faire la différence entre le terrorisme (tiens, encore un isme") et l'islam, on met tout dans la même bouteille et on agite.!!! Les autres pays occidentaux font de réels efforts pour ne pas faire l'amalgame entre l'islam et le terrorisme, mais notre pays, tristement, instille l'idée que l'islam est finalement l'ennemi et ses adeptes des terroristes en puissance.
Pour finir, si quelqu'un a un décodeur pour mettre en français compréhensible par un cerveau musulman comme le mien, diminué par ma religion, la dernière phrase de cet article, je suis preneur...

3.Posté par Rond LEDARON le 25/04/2022 22:15 | Alerter
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Nos orientalistes étant en mission, celle d'affaiblir l'islam, leur donner du crédit est un risque de tomber dans leurs pièges sémantiques.
Depuis la mort de "l'homme malade" ( le pouvoir ottoman), l'Occident met tout les moyens en œuvre pour éviter la reconstitution d'un leadership islamique.
Nos missionnaires, prolixes sur les effets, ne donnent jamais d'explications sur les causes des problèmatiques évoquées, à savoir les ingérences continuelles des pays du Nord dans les affaires des pays du Sud.
Le dernier exemple étant le coup d'état constitutionnel qui a vu l'éviction du premier ministre pakistanais Mr Khan, ce, sur ordre des USA. Bizarrement les médias aux ordres ne l'évoquent guère, de même qu'ils n'évoquent pas les manifestations de soutien du peuple qui a compris la manœuvre qui consiste à remettre en piste ceux, qui, corrompus par leurs maîtres le leur rendent bien en travaillant à leur intérêt de puissance dominante.
Il en va ainsi de tous les pays qui ont à cœur la satisfaction de leur peuple. Coups d'état et interventions militaires sont la pour le rappeler qu'une épée de damocles veille.

4.Posté par francois.carmignola@gmx.com le 26/04/2022 07:47 | Alerter
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Pardon d'intervenir dans ce docte débat, mais considérer l'option défendue lors de l'élection par Eric Zemmour, à savoir qu'il n'y aurait pas de différence entre islam et islamisme peut donner lieu à des considérations intéressantes...
Tout en reconnaissant son faible pouvoir de conviction (7%), cette conception qui vise en fait à distinguer "religion musulmane" et "islam" n'est pas complètement absurde.
Car le religieux "islamique", ce qu'on appelle l'islam, (en excluant le terrorisme, forme extrême et universellement rejetée) est effectivement plus qu'un religieux, et impose ou veut imposer des règles de vie qui le distingue du religieux pur, forme idéale que l'on pourrait vouloir se manifester exclusivement...

5.Posté par Abdoulaye le 26/04/2022 11:48 | Alerter
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@francois. Aïe, comme d'habitude quelle méconnaissance des principes de l'Islam.!!!
La foi ne peut être imposée, 'il n'y a point de contraintes e religion" Aucun musulman ne demandera à un non musulman de faire le Ramadan, de ne pas boire d'alcool ou de ne pas manger de porc ou quei sais-je encore...
Par contre les partis chrétiens qui sont vos alliés sont les descendants directs de ceux qui ont évangélise par la contrainte, les 3/4 du globe.
"Avant de chercher la paille dans l'œil du voisin, regarde la poutre qui est dans le tien".

6.Posté par Rond LEDARON le 26/04/2022 19:52 | Alerter
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Pour aller dans ton sens Abdoulaye, il est impossible de forcer ou d'imposer quoi que se soit, sous peine de faire des personnes soumises à un régime, des hypocrites. On le voit avec les juifs qui ont fait semblant de se convertir au christianisme lors de l'avènement de la reconquista,le marranisme fut ainsi institué à l'insu des autorités espagnoles.
Il est marrant de lire chez François ses affirmations hypnotiques sur le supposé terrorisme islamique quand on sait que l'Occident a mis le monde en coupe règlé par la violence, que le terrorisme étatique à les moyens de ses ambitions. Nous pouvons passer en revue toutes les guerres imposées, les moyens utilisés et les résultats constatés.
S'intéresser à minima à l'histoire humaine permet de s'affranchir des thèses orientées qu'il nous assène à longueur de textes.

7.Posté par francois.carmignola@gmx.com le 28/04/2022 00:05 | Alerter
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@aboulaye. J'aime bien votre restriction de pensée toute jésuitique: certains musulmans en obligeront donc d'autres à faire tout ce que vous décrivez comme non obligatoire...
Puisque vous sortez votre Coran hors de sa spiritualité, je vous rappelle que le verset "nulle contrainte etc" est le 2.256, parlant des fameux Tahgut qui si on les suit vers les ténèbres (ou si, pire, on mécroit) vous conduit direct vers le feu et cela pour toujours, au verset suivant. Le Coran est contradictoire, vous savez, cela fait son charme...

Bravo pour la paille et la poutre, elle s'applique aux jugements qu'on se porte mutuellement les uns sur les autres, et met donc tout le monde à égalité. Je puis donc continuer à argumenter (c'est la seule chose qui nous reste) et maintiens ce que je disais: l'islam est au moins partiellement constitué de préceptes de comportements qui s'appliquent aux musulmans (et non comme vous supposiez que je le disais, à des non-musulmans) et qui sont par nature distincts de la religion proprement dite, et c'était ce que je voulais dire.
Vous aviez simplement mal compris ce que j'avais du mal à expliquer...

8.Posté par Abdoulaye le 29/04/2022 06:23 | Alerter
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@francois. Pour continuer sur des paraboles ou des proverbes très usités, on pourra se mettre d'accord sur le fait que "ce qui se conçoit bien s'énonce clairement". Il doit donc y avoir quelques défauts de conception dans votre pensée.
Et ce défaut majeur, c'est l'inversion accusatoire que vous adorez utiliser et qui est une insulte à l'histoire et à l'intelligence. Et comme vous êtes très loin d'être stupide, je pense que ça doit être frustrant de tordre son intelligence pour rentrer dans les délires de votre idole. Larguez le, je suis sûr que vous vous sentirez mieux...

9.Posté par francois.carmignola@gmx.com le 30/04/2022 17:44 | Alerter
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En parlant de clarté, je crains de devoir vous dire que vous, vous êtes obscur...
Votre histoire d'"inversion accusatoire" mérite plus que des explications...

10.Posté par Abdoulaye le 04/05/2022 19:47 | Alerter
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@francois. J'aime vos plaisanteries.
Vous savez très bien ce qu'est l'inversion accusatoire.
Comme je me sens un peu flemme aujourd'hui, je ne vous en cite qu'une : vous avez réalisé le grand remplacement en Palestine en créant votre état d'apartheid et de squatters et vous accusez les musulmans de faire la même chose en France. Alors qu'evidemment c'est totalement faux. Voilà ça s'appelle l'inversion accusatoire...

11.Posté par Rond LEDARON le 02/06/2022 09:54 | Alerter
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L'inversion accusatoire utilisée ad nauseam par le Sieur François, permet de se débarrasser à bon compte d'une mauvaise conscience bien établie. Cette projection anthropomorphique est une technique pour se passer de toute introspection qui mettrait à nu des turpitudes non assumées.
Pas Folle la Guêpe..


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