Religions

Aïd al fitr : Pourquoi le CFCM a choisi le lundi

Rédigé par Fouad Bahri | Lundi 23 Octobre 2006 à 15:00

La décision de décréter lundi 23 octobre jour de l’Aïd a été prise après une délibération où chaque composante du CFCM a exprimé son avis. En l’absence de référent religieux clair et de règles précises, l’unité des musulmans a été plébiscitée.



"Le CFCM, après avoir appris et constaté que le croissant de la nouvelle lune a été visible le 29 Ramadhan 1427 (22 octobre 2006) informe les musulmans de France que la fête de l’aïd al fitr est fixée au lundi 1er Chawel 1427 de l’Hégire, correspondant au 23 octobre 2006."

Cette annonce, hier soir, du recteur Dalil Boubakeur, président du Conseil français du culte musulman, a surpris du monde. Beaucoup, en effet, prévoyait ce jour de fête demain, mardi 24 octobre, sur la base de trente jours de jeûnes à accomplir et surtout des calculs scientifiques. D’après ces derniers, la nouvelle lune annonçant le début du mois de Chawel et donc la fin du Ramadan, ne pouvait être aperçue dimanche soir.

Un critère mathématique ne remplacera jamais l'observation

Pourtant, cet avis, loin d’être catégorique, est plus nuancé que ne le suggèrent ses partisans.

Interrogé par notre rédaction sur les critères scientifiques présidant à la détermination des rites islamiques (ramadan, aïd al fitr), Patrick Rocher, de l'Institut Mécanique Céleste et de Calcul des Ephémérides, avait mis en avant la complexité et la variabilité de ces critères. " Tout dépend du choix du critère. Si les critères varient légèrement, le résultat change. Il faut bien comprendre qu'un critère mathématique ne remplacera jamais l'observation."

Le scientifique avait, par exemple, bien prévu le commencement du mois de Ramadan au 24 septembre, mais le soir. Ce qui signifie que, sur la base de ces critères, le Ramadan aurait débuté le 25 septembre. Patrick Rocher était même allé plus loin, disant que, d’après ses calculs, "pour le début du Ramadan, la France devait être coupée en trois. Au sud, cela devait être le 24 septembre au soir, au centre, le 25 au soir et au nord le 26 au soir. Tous les Français n'auraient donc pas fait le ramadan le même jour. De plus il a fait très mauvais. Donc l'observation était très difficile."

D’autres critères que scientifiques ont donc été nécessaires pour trancher cette question.

L’unité avant tout !

Pour les membres du CFCM, qui se sont concertés dessus, ces critères étaient multiples.
Au cours de cette réunion présidée par Dalil Boubakeur et auxquels ont participé, entre autres, Fouad Alaoui, vice-président de l’UOIF, Hassani Fassassi, président de la FFAIACA (Fédération française des associations islamiques d’Afrique, des Comores et des Antilles), Khalil Merroun , recteur de la Mosquée d’Evry, des responsables de mosquées, dont ceux de Mantes-la-Jolie et du quartier des Mureaux, l’imam de la mosquée de Paris et le mufti de l’UOIF, Ounis Guergah, un consensus s’est vite installé. Privilégier l’unité.

S’exprimant le premier, Hassani Fassasi, abonde, brièvement, dans ce sens. "Je pense que l’avis le plus sage est de faire l’aïd lundi, pour préserver l’unité de la communauté musulmane", a-t-il déclaré. Le président de la FFAIACA faisait référence aux nombreuses mosquées qui avaient choisi de suivre l’Arabie Saoudite, en débutant leur Ramadan le samedi 23 septembre et qui ont fêté l’aïd aujourd’hui.

Même son de cloche pour Fouad Alaoui, qui met en avant l’absence de règles et de critères précis du CFCM. "Nous n’avons pas d’autorité religieuse, unanimement reconnu dans ce CFCM, ni de règles précises. Nous devrons nous y atteler très prochainement."

Un nouveau CFCM ?

Le risque de discorde et de division des musulmans de France, en un jour de fête et de générosité, a marqué les esprits et les discours. "Je connais des familles où le père a fait son jeûne le samedi et les autres le dimanche. On ne peut pas laisser des familles ne pas fêter l’aïd, le même jour, c’est absurde", s’est consterné un responsable des Mureaux.

C’est donc à la quasi-unanimité que se sont prononcé les membres du CFCM. Une décision qui pourrait peut-être marqué un tournant, voire un renouveau, d’une structure continuellement divisée et paralysée par ses querelles internes. Ainsi, la Mosquée de Paris, proche de l’Algérie qui fêtera l’aïd mardi, ne s’est pas alignée sur elle, tout comme les mosquées affiliées à Rabat.

Le CFCM compte d’ailleurs jouer également un rôle dans l’affaire des bagagistes de Roissy, qu’ils recevront jeudi prochain. Affaire à suivre…