Sur le vif

Affaire Khashoggi : pourquoi la Turquie est en colère contre la France

Rédigé par Lina Farelli | Mardi 13 Novembre 2018 à 14:18



Les propos de Jean-Yves Le Drian, autour de l'affaire Khashoggi ont fait bondir la Turquie. Plus d’un mois après l’assassinat du journaliste dans le consulat saoudien d'Istanbul, le ministre français des Affaires étrangères a déclaré, lundi 12 novembre sur le plateau de France 2, « ne pas avoir connaissance » des enregistrements portant sur le meurtre de Jamal Khashoggi alors même qu'Ankara affirme les avoir partagé avec plusieurs pays, dont la France. Il a estimé, sans aller jusqu'à dire que les autorités turques ont menti, que le président turc Recep Tayyip Erdogan s’adonne un « jeu politique particulier » dans cette affaire.

La Turquie a aussitôt répliqué en dénonçant des « propos inacceptables » de Jean-Yves Le Drian. Fahrettin Altun, directeur de la communication de la présidence turque, a attesté l’envoi de ces « preuves » qui ont été « partagées avec les institutions concernées du gouvernement français » dès le 24 octobre. « Un représentant des services de renseignement français a écouté l’enregistrement audio », a-t-il précisé.

Pas de sanctions françaises en vue

Des déclarations du Premier ministre canadien - en froid avec l'Arabie Saoudite - abondent dans le sens de la Turquie dans la mesure où Justin Trudeau a reconnu, lundi 12 novembre, avoir été « pleinement informé de ce que la Turquie avait à partager ».

« S’il y a un problème de communication entre les différentes institutions au sein du gouvernement français, il appartient aux autorités françaises et non à la Turquie de régler ce problème », a fait part Fahrettin Altun. « Accuser notre président de jouer un jeu politique est extrêmement impoli », a affirmé pour sa part le chef de la diplomatie turque Mevlüt Çavuşoğlu.

Mais la France veut-elle vraiment prendre des sanctions contre l'Arabie Saoudite ? Le gouvernement français a indiqué, fin octobre, être prêt à prendre des sanctions « si la responsabilité de l’Arabie saoudite est avérée » dans le meurtre, et si les faits sont « corroborés par nos services de renseignement » mais, jusque là, rien à l'horizon pour mettre à mal les bonnes relations franco-saoudiennes. Le royaume saoudien est, rappelons-le, le deuxième plus gros acheteur d'armes de la France, derrière l'Égypte... La chancelière allemande Angela Merkel, qui a décidé de suspendre les ventes d’armes de l’Allemagne à l’Arabie Saoudite peu après que l'affaire Khashoggi ait éclaté, et a exhorté ses partenaires européens à faire de même

Que contiennent ces enregistrements ?

Bien qu’aucune information officielle sur le contenu de ces enregistrements n’ait été divulguée, le quotidien turc Yeni Safak a affirmé avoir eu accès à ce document sonore. Le journal a rapporté des propos du consul saoudien Mohammad al-Otaibi qui aurait notamment dit : « Faites ça dehors, vous allez m’attirer des problèmes. »

Toujours selon ce quotidien turc, le meurtre a eu lieu dans le bureau du consul et aurait duré 7 minutes. Les assaillants envoyés spécialement par l’Arabie Saoudite, dont le médecin légiste Salah al-Tubaigy, auraient coupé les doigts du journaliste alors qu’il était encore vivant, avant de le décapiter. « Quand je fais ce travail, j'écoute de la musique. Vous devriez (le) faire aussi », a-t-il indiqué. Son corps n'a pas été retrouvé mais, selon Ankara, le journaliste aurait été démembré avant d'être dissous à l'acide.

L'Arabie Saoudite a reconnu la mort de Jamal Khashoggi dans l'enceinte du consulat mais s'est dédouanée de toute responsabilité.

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