Société

93 et sida : un département particulièrement touché

Lutter contre le sida

Rédigé par Haroun Ben Lagha | Samedi 27 Juin 2009 à 07:50

Ce week-end, environ 50 000 personnes se sont donné rendez-vous sur l’hippodrome de Longchamp, à l’occasion du festival Solidays, pour la musique, mais aussi pour montrer qu’il n’est pas question, pour le moment, d’abandonner la lutte contre le sida. En France, un département reste particulièrement touché par le VIH : la Seine-Saint-Denis (93). Et là aussi, face au fléau apparu il y a de cela une trentaine d’années, le combat continue.



Entre le début de l’épidémie, en 1978, et la fin de l’année 2000, le virus du sida (syndrome de l'immuno-déficience acquise) a tué près de 3 000 personnes dans le seul département de la Seine-Saint-Denis. En l’espace de deux décennies, cette hécatombe a fait du 93 le département le plus touché par le VIH (virus de l'immuno-déficience humaine) après Paris. Beaucoup d’efforts ont été consentis par les autorités sanitaires et les associations pour enrayer le fléau durant ces dix dernières années.

Un combat inégal ?

Souvent stigmatisée, une partie des habitants du département reste défavorisée dans plusieurs domaines (emploi, accès aux transports en commun…). Mais qu’en est-il des questions de santé et, en particulier, du problème des infections sexuellement transmissibles (IST) ? Professionnels de santé et bénévoles se battent sans relâche en faveur de la prévention et du dépistage pour faire reculer le VIH. Mais, au vu des chiffres dramatiques avancés au début des années 2000, d’aucuns se demandent si, aujourd’hui, les acteurs locaux de la lutte contre le sida sont suffisamment armés pour combattre efficacement la propagation de l’épidémie.

Dans le 93, les centres de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) sont au nombre de quatre pour une population de 1 450 000 habitants (dont près de 60 % de moins de 40 ans). Et même si les CDAG sont aidés dans leur mission par six centres départementaux de dépistage et de prévention sanitaire (CDDPS), cela semblerait bien insuffisant pour un si grand département si les travaux des personnels soignants et des associations ne se concentraient pas autant sur la prévention et l’éducation des populations.

Il faut en effet parler de populations au pluriel quand on connaît le nombre de cultures qui se côtoient dans le 93. Naturellement, les actions de prévention visent en premier lieu les jeunes, mais il faut tenir compte de toutes les composantes communautaires de la Seine-Saint-Denis afin d’éviter l’apparition de nouveaux cas.

Priorité à la prévention et au dépistage

Plusieurs associations, à l’image de Collectif 93-Afrique et actions solidaires, communiquent auprès des personnes migrantes d’origine africaine* afin de garantir à ces dernières un plein accès aux soins et aux dispositifs de prévention des IST.

Malheureusement, dans le 93, les personnes les plus exposées ne sont autres que les femmes d’origine d’Afrique subsaharienne. Il arrive, assez fréquemment, que ces dernières ne découvrent la contamination qu’au moment de la grossesse, durant un examen de routine.

Le fameux ruban rouge, grand symbole de la mobilisation contre le VIH.
L’ANAEM (Agence nationale d’accueil des étrangers et des migrants), établissement public, travaille en partenariat avec les associations du 93, en contacts avec les migrants, pour inciter ces derniers à se faire dépister. Ainsi, au cas où les analyse s’avèrent positives, la prise en charge rapide des personnes touchées par une IST permet un meilleur accompagnement face à la maladie.

Autre exemple de cette prévention multiculturelle, l’Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) met à la disposition de l’association AIDES 93 des dépliants imprimés en arabe, en ourdou et même en langue khmère (langue usitée au Cambodge), qui expliquent aux personnes maîtrisant mal le français comment s’informer et comment se prémunir contre les IST.

En Seine-Saint-Denis, services de santé et société civile se battent sur tous les fronts pour enrayer l’épidémie. Les membres de l’antenne 93 de l’association AIDES (avec une douzaine de volontaires très actifs à ce jour) ne reculent devant rien pour que freiner le SIDA dans leur département. Rien d’étonnant à ce qu’ils descendent tous les jours dans la rue, avec leur mini-bus, comme ils le font depuis déjà cinq ans, pour mener jusqu’au bout leur action de prévention et d’information au plus près de la population.

La réduction des risques liés aux usages de drogues

Des seringues sont distribuées gratuitement aux usagers de drogues, afin de réduire les risques d'infection.
Le bus d’AIDES 93 s’adresse en premier lieu aux usagers de drogues injectées. « Le bus n’est pas là pour faire de la prévention vis-à-vis de la consommation de drogue en elle-même », explique Audrey Leroy, coordinatrice, depuis 2008, de l’antenne 93 de l’association. « Le travail des volontaires concerne la réduction des risques liés à cette consommation, à savoir : les risques d’infections de type VIH ou hépatites. Il s’agit également d’accompagner les consommateurs vers les soins, de faire respecter leurs droits et de les orienter vers les dispositifs adaptés. »

Telle est la lourde tâche du CARRUD (Centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques chez les usagers de drogues), qui distribue, notamment, des seringues, de façon à éviter que celles-ci ne passent de main en main.

Le mini-bus, malgré le caractère vital de son action, connaît parfois certains déboires. Au mieux, là où il stationne, le public n’est pas au rendez-vous. Il est en effet « très difficile de gagner la confiance des personnes toxicomanes quand la police est dans les environs », confie un membre de l’association. Bien que la loi cautionne totalement la distribution de seringues en vue de la réduction des risques, il est arrivé, par le passé, que les forces de l’ordre, sans doute à cause d’un manque d’informations, aient plus d’une fois entraver la bonne marche du CARRUD.

Le sida recule, mais le combat ne doit pas cesser

La mobilisation des pouvoirs publics et de toutes les bonnes volonté dans le département finissent par porter leurs fruits, mais le combat n’est pas fini. Bien qu'en Seine-Saint-Denis le taux de nouvelles contaminations enregistre aujourd’hui un recul au même titre que le nombre de décès, les associations et les professionnels de santé restent toujours à la recherche de moyens humains, matériels et financiers pour juguler au mieux la progression du VIH.



* 30 % des personnes contaminées lors d’un rapport hétérosexuel en France, en 2005, étaient originaires d’Afrique subsaharienne (source : Institut national de veille sanitaire).