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Société

Vincent Geisser : un chercheur sous haute surveillance ?

Une procédure disciplinaire attend le spécialiste de l’islam

Rédigé par | Samedi 27 Juin 2009 à 12:00

           


Vincent Geisser : un chercheur sous haute surveillance ?
Concernant M. Illand, « son rôle générique est de défendre le patrimoine scientifique mais concrètement il a plusieurs missions », explique M. D. « D’abord, la sécurité des systèmes d’information pour éviter, par exemple, que nos sites Web soient victimes d’attaques ou servent de relais pour attaquer d’autres sites et entreprendre des activités illégales. Ensuite, une activité de protection des personnes qui font des missions dans des pays à risques comme récemment au Mexique. Enfin, il veille à la sécurité de certains laboratoires travaillant sur des sujets classés "sécurité défense". »

Polémique autour du « manquement » au devoir de réserve

La pression aurait été tellement forte pour M. Geisser qu’il serait allé trop loin dans ses propos à l’encontre du fonctionnaire. « J’avoue que la modération dont j’avais fait preuve jusqu’à présent finit par céder, et ce d’autant plus que je constate que le FD a fait une "nouvelle victime" », s’explique-t-il. D’autre part, le mail revêtait un caractère « strictement privé » et n’avait pas vocation à apparaître sur Internet ni à remettre en cause le CNRS « en tant qu’institution scientifique », poursuit-il.

Que nenni pour la direction du CNRS, qui le convoque pour « manquement grave subséquent à l’obligation de réserve » pour des propos « aux conséquences dommageables (…) tant pour l’établissement que pour le fonctionnaire de sécurité de défense ».

C’est justement autour de l’obligation de réserve que tourne le débat. Pour le Collectif pour la sauvegarde de la liberté intellectuelle des chercheurs et enseignants-chercheurs de la fonction publique, ce devoir « ne peut en aucun cas valoir pour les intellectuels, y compris lorsqu’ils sont fonctionnaires. Les y soumettre revient purement et simplement à les faire disparaître comme intellectuels, c’est ruiner la liberté dont ils ont besoin pour continuer leur œuvre salutaire », lit-on dans la lettre ouverte du 10 juin 2009 adressée à Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Pour Esther Benbassa, directrice d'études à l'EPHE (Ecole pratique des hautes études), à l’initiative de la pétition, « dès lors que "la liberté de pensée et d’opinion des chercheurs" est expressément garantie par Mme la Ministre, que le dossier constitué contre M. Geisser ne comporte en tout et pour tout qu’un mail, et que ce mail est privé (diffusé à l’insu de son auteur et contre sa volonté), il n’y a en tout état de cause ni diffamation susceptible de justifier une procédure judiciaire, ni matière à la réunion d’un conseil de discipline ». Pour cette spécialiste de l’histoire du judaïsme qui demande la suspension de la procédure, il est clair que « cette convocation intervient après quatre ans de harcèlement ».

Autre son de cloche du côté de la direction. « En donnant son avis de manière publique, le fonctionnaire a bien manqué à son devoir de réserve », explique M. D., contestant ainsi le caractère privé du courriel. « D’abord, l’insulte, même de manière privée, est tout aussi répréhensible. De plus, le mail a été envoyé au comité de soutien et non pas à Sabrina Trojet, ce qui montre que le mail avait vocation à être public. C’est seulement à la demande de l’avocat de M. Illand qu’il a été retiré du site. Il fallait saisir les autorités du CNRS sur de telles pratiques ».

Une autre procédure contre M. Geisser en cours

La direction « ne souhaite pas donner l’impression que, par ses interventions publiques, celles-ci puissent orienter les débats, afin que les membres de la commission puissent statuer en toute sérénité », précise le membre de la direction, tout en ajoutant, plus tard, que cette convocation sera « l’occasion pour M. Geisser de faire valoir son point de vue sur le sujet. Il pourra citer des experts ou des témoins ».

En parallèle de la procédure disciplinaire, une plainte pour « diffamation » a été lancée par M. Illand. Jusque-là silencieux, il préfère encore rester discret pour le moment. « Par souci de ne pas influer sur une procédure administrative en cours, j'ai choisi le silence jusqu'à son terme, quoi qu'il m'en coûte » déclare-t-il à Saphirnews.

Mais M. Illand tient à préciser une chose : « De tous les coups reçus, l'accusation d'être animé d'"un sentiment anti-musulman" – sous la plume de la journaliste du Monde – m'est de loin la plus blessante. Heureusement, comme dit un proverbe arabe, "la corde du mensonge est courte". »

Alors qui a tort, qui a raison ? La décision de la commission du 29 juin donnera sans doute de nouveaux éléments de réponse. Quoi qu’il en soit, l’affaire est loin d’être close.

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Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur


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