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Société

Une danoise voilée dans l’équipe nationale de football

Rédigé par Anissa Ammoura | Vendredi 6 Juin 2008 à 10:31

           

Une footballeuse voilée de 15 ans vient d'être sélectionnée dans l'équipe nationale danoise, dans la catégorie des moins de 16 ans. La Fédération danoise de football (DBU) a choisie Zenab El-Khatib en "raison de ses qualités de joueuse". Pour elle, "L’important est de donner une chance aux filles et garçons talentueux de jouer au football dans nos clubs et dans l’équipe nationale sans tenir compte du milieu religieux dans lequel ils ont grandi". Cette décision s'inscrit dans un contexte plutôt tolérant en matière de port du voile puisque celui-ci est autorisé au Danemark dans les écoles,sur les lieux de travail et au Parlement. Seul celui des femmes juges vient d'être interdit en mai dernier après une grosse polémique au sein de la classe politique.



Zenab El-Khatib          (Photo : Jørgen Hansen, source : Fyens Stifstidende)
Zenab El-Khatib (Photo : Jørgen Hansen, source : Fyens Stifstidende)
Zenab El-Khatib, une danoise de 15 ans, pourra garder son foulard pour taper dans le ballon. La jeune fille d’origine palestienne, qui vit à Odense dans le centre du Danemark, a été sélectionnée dans l’équipe nationale de football, dans la catégorie des moins de 16 ans. La Fédération danoise de football (DBU) a estimé que l’adolescente avait été choisie en « raison de ses qualités de joueuse, et le foulard qu’elle porte couvre uniquement ses cheveux et ne constitue nullement une gêne pour elle ni un risque pour sa sécurité sur le terrain ». Zenab a été « heureusement étonnée qu’on l’ait prise au sein de l’équipe nationale ». Pour l’organisation, « L’important est de donner une chance aux filles et garçons talentueux de jouer au football dans nos clubs et dans l’équipe nationale sans tenir compte du milieu religieux dans lequel ils ont grandi ». Le 2 juin dernier, sur le site internet du quotidien régional Fyens Stifstidende, elle a expliqué que porter le foulard est « une décision complètement (sienne) », car cela « signifie beaucoup pour elle ». Estimant qu’elle ne pouvait porter le foulard islamique qui arrive au cou ou à ses épaules, la jeune fille a fait faire coudre un « foulard spécial qui couvre uniquement » ses cheveux et « dans un tissu très léger afin de ne pas avoir chaud sur le terrain ». Pour la DBU, « il ne s’agit pas de foulard islamique », et en cas de doute, « il appartient aux autres, la Fifa et l’UEFA, de décider de la religiosité ou non de ce foulard ». Le porte-parole de la fédération danoise de football a ajouté être néanmoins « d’accord avec la Fifa de ne pas promouvoir les symboles religieux sur les terrains de football ».

Le port du foulard islamique autorisé jusque dans le parlement danois...

Il faut savoir qu’en matière de port du foulard islamique, le Danemark est plutôt libéral. Celui-ci est même autorisé dans les établissements d’enseignement. Et en l’absence de règles spécifiques, c’est le principe général d’interdiction de toute discrimination religieuse, raciale, nationale ou ethnique qui s’applique. Par ailleurs, la loi du 12 juin 1996 portant interdiction de toute discrimination sur le marché du travail interdit notamment toute différence de traitement fondée sur un critère religieux, tel que le port du foulard. En 2000, ce texte a été utilisé pour la première fois dans une affaire relative au foulard islamique. A cette occasion, la cour d’appel de Copenhague avait condamné un grand magasin d’Odense qui, deux ans auparavant, avait renvoyé une jeune stagiaire de quinze ans qui refusait d’enlever son foulard. L’employeur avait été condamné à versé 10 000 couronnes (environ 1 350 euros) de dommages et intérêts, et au paiement des frais de procédure à hauteur de 25 000 couronnes (environ 3 500 euros). D’après le tribunal, les prescriptions vestimentaires du magasin constituaient une forme de discrimination indirecte envers toutes les femmes de confession musulmane. En 2003, un programme du gouvernement danois aborde la question du foulard et affirme que, à moins de raisons liées à la sécurité ou à l’hygiène, rien ne s’oppose à ce qu’une femme porte un foulard sur son lieu de travail. En avril dernier, l’Autorité du personnel des cours de justice a même décidé de permettre aux femmes juges de porter le foulard tout comme le Præsidium (comité exécutif, ndlr) du Parlement en autorisant le port du foulard et du tchador aux députés.

...mais interdit dans les tribunaux

Cette dernière décision n’a pas été critiquée. Ce qui a créé la polémique tout le mois de mai au sein de la classe politique et dans les journaux danois, c’est la décision de l’Administration des tribunaux danois d’autoriser le port du foulard islamique par des juges dans les tribunaux. Le débat s'est même élargi jusqu'à l’interdiction totale des signes religieux. A cette occasion, le journal BERL TID a estimé dans son éditorial « que les femmes juges qui souhaitent porter le foulard ne pourront pas bénéficier de la confiance du public en leur capacité d’agir de façon neutre et indépendante de leur religion ». Pour sa part, le journal danois Politiken (POL) a remarqué que « l’interdiction du foulard ne fera pas du Danemark un Etat laïque moderne ». Il souligne « le rôle particulier de la religion protestante au Danemark où une nouvelle session du Parlement s’ouvre traditionnellement à l’aide d’un service religieux à l’église royale Slotskirken près du Parlement. (..) La laïcité au Danemark nécessite la modernisation de la Constitution et une réelle séparation de l’Eglise et de l’Etat, et qu’avant que cela se réalise, les débats tels que celui sur les foulards continueront de faire surface ». La controverse a fini par l'emporter en faveur d'une interdiction. La décision de l'administration des tribunaux danois, organisme indépendant ne pourra de toute façon être cassée que par une loi du parlement.
Mi-mai, Lene Espersen, la ministre danoise de la Justice a rendu officiellement la décision du gouvernement : « Les juges au Danemark ne doivent porter ni le foulard islamique ni tout autre symbole religieux comme la croix chrétienne, la calotte juive ou le turban sikh ». Un projet de loi sera présenté à l'automne au parlement pour concrétiser la décision. La Garde des Sceaux s'était justifiée ainsi : « Nous avons décidé d'interdire le port des symboles religieux ou politiques lorsqu'on est magistrat car un juge doit être neutre et impartial sur le plan vestimentaire dans les salles d'audience ».
Selon le journal La Croix, les tribunaux danois ne comptent à ce jour aucune juge de confession musulmane. Seul le Parlement pourrait bien voir arriver lors des prochaines élections législatives de 2009 la première député voilée, Asmaa Abdel-Hamid. Elle est actuellement suppléante d'un député élu lors des dernières élections en novembre 2007. Voir aussi : Pour la première fois au Danemark, une présentatrice télé voilée




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