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Société

Une auto-école refuse d'inscrire une femme portant le voile

Rédigé par Anissa Ammoura | Vendredi 19 Septembre 2008 à 11:08

           

Une jeune française de 26 ans, originaire de Seine-Saint-Denis et portant le voile, s'est vue refuser son inscription dans une auto-école de Pavillons-sous-Bois, en raison d'un règlement intérieur qui interdit tout « couvre-chef » en salle de code et pendant les cours de conduite. S'estimant victime de discrimination, elle a engagé une procédure judiciaire et une plainte vient d'être déposée auprès du tribunal de Bobigny. L'auto-école se défend de toute discrimination. Explications.



Une auto-école refuse d'inscrire une femme portant le voile
« On m’a réduite à un vêtement », explique par téléphone Sabeh Kadi, le 18 septembre dernier. Une semaine avant, cette française et mère de trois enfants, estime avoir été victime de discrimination de la part d’une auto-école de Pavillons-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis.

« Je souhaitais m’inscrire dans l’auto-école la plus proche de chez moi, qui se trouve être également la moins cher. J’ai d’abord contacté l’auto-école par téléphone pour prendre les renseignements. Tout me convenant. Quand j’arrive là-bas pour m’inscrire, à l’accueil, il y a un homme, qui semble être le moniteur. Comme j’avais déjà tous les papiers, je lui explique que je viens pour m’inscrire. Et là il me dit : "En tout premier lieu, les tchadors ça passe pas." Sur le coup, je n’ai pas réalisé. Ses propos étaient très secs. Il poursuit en me parlant du règlement intérieur. Je lui dis qu’il est hors la loi. Il répond négativement. Il n’a même pas sorti de dossier, ne s’est même pas présenté. J’ai ensuite coupé court à la conversation, tout en restant courtoise ».

Le lendemain, la jeune femme de 26 ans rappelle de nouveau l’auto-école et tombe cette fois sur la gérante. L’après-midi même, elle se rend sur place et lui explique au passage qu’elle vient « pour elle et pour sa sœur », et lui explique qu’elle vient « finaliser » sa propre inscription.

La gérante lui aurait alors répondu « "ici le foulard, on l’accepte pas". Là, j’ai vraiment réalisé que j’avais vraiment vécu une discrimination. C’était un grand moment de solitude ». Elle lui montre ensuite le règlement intérieur affiché sur le mur qui précise, selon sa responsable, qu'il faut « venir à l’auto-école dans une tenue correcte et adaptée à la conduite automobile (attention aux chausses : semelles, maintien), les couvre-chefs doivent être retirés dans la salle de code et en cours de conduite (bonnet, turban, foulard, casquette) ».

Mais pour Sabeh Kadi, « juridiquement, humainement, cela n’a rien à voir avec une casquette ». La responsable lui aurait également dit : « il y a d’autres auto-écoles, vous pouvez vous inscrire ailleurs. Ici, il faut l’enlever (le foulard, ndlr) avant d’aller dans la salle de code et la salle de cours ». Sabeh Kadi affirme s’être sentie « humiliée face à ce sentiment d’impunité ». La gérante lui aurait également précisé que « c’est une société privée, je fais ce que je veux ». Pour la jeune femme, « les sociétés privées n’ont pas leurs propres lois. Elles doivent respecter la loi. Ça n’a rien à voir avec la loi de 2004 qui s’applique aux établissements publics ».

Du côté des formateurs en conduite automobile, les faits ne se seraient pas déroulés ainsi. Patricia Gerber, responsable de l’auto-école de Pavillons-Sous-bois raconte : « la semaine dernière, la jeune femme est venue se renseigner. Elle a ensuite vu mon collègue, le moniteur et a également rappelé l’auto-école. Elle a dit à mon collègue que les renseignements étaient pour elle et à moi, que c’était pour sa sœur ! Nous lui avons dit que la photo pour la préfecture doit être de face et tête nue et nous lui avons également précisé le règlement intérieur. Mon collègue lui a dit la même chose : il faut une photo tête nue parce que la préfecture nous le demande. Après l’avoir rencontré, elle est partie en souriant. Je renseigne les personnes sans distinction. D’ailleurs, je n’ai jamais su son nom ».

Etonnée de la médiatisation de l’affaire, la gérante se défend : « Je n’ai même jamais prononcé le mot "voile", je parle de "foulard". On ne parle jamais de religion à l’auto-école. Il n’y a jamais eu de problème, il y a des gens de toutes religions ». Elle poursuit : « elle aurait pu s’inscrire (…) Dans le passé, j’ai déjà eu une femme voilée qui s’est inscrite et qui l’a ensuite enlevé pour les cours. Si on refusait d’inscrire des gens, ça ferait longtemps qu’on serait fermé ».

Dépôt de plainte

Pour Sabeh Kadi, « si on tolère, on banalise, on cautionne ». A sa propre « initiative », elle contacte le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) le 11 septembre dernier. Après une enquête interne, le MRAP estime que le comportement de l’auto-école constitue un « refus de service à caractère discriminatoire en fonction de la religion prévu », et réprimé par les dispositions des articles 225-1 et 225-2 du Code Pénal.

Selon le président du MRAP, Mouloud Aounit, il s’agit « d’une discrimination avérée et condamnable ». Il révèle également qu’un des responsables de l’auto-école est « réputé et connu pour ne pas être particulièrement tolérant ». Il ajoute que le MRAP a saisi la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) le 17 septembre et a saisi le lendemain le procureur de la République de Bobigny pour déposer une « plainte simple ».

L’avocat de la plaignante, Maître Kamel Maouche - saisi par l’association - n’a pas encore vu le règlement intérieur en entier mais confirme qu’ « en soi, il peut constituer une discrimination ». Pour justifier son hypothèse, il explique qu'« à partir du moment où il y a un acte marchand, les prestations doivent respecter la loi ». L’auto-école a une « activité qui s’adresse au public, il s’agit d’un commerce avec une obligation de service. Or, ici il semble y avoir eu rupture de l’égalité de traitement c'est-à-dire discrimination ».

Pour le moniteur de l’auto-école, il s’agit au contraire de mettre tout le monde « à égalité », l’auto-école ne faisant pas « de discrimination raciale ». Celui-ci aurait justifié à l’AFP : « On les informe, ça fait partie de notre règlement intérieur car on ne veut pas de signes distinctifs entre candidats, on veut que tout le monde soit à égalité » et aurait aussi invoquer les couvre-chefs pour expliquer ce refus, ceux-ci i[« peuvent aussi gêner au niveau de l'audition ».

Depuis, Sabeh Kadi a trouvé une autre auto-école « plus loin, plus chère » dans laquelle elle se sent « transparente ».





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