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Monde

Un rapport déconstruit le mythe du captagon, « la drogue des jihadistes »

Rédigé par | Jeudi 27 Juillet 2017 à 18:00

           

L’Observatoire français des drogues et de la toxicomanie (OFDT) met à mal l’idée selon laquelle les terroristes de l’Etat islamique (ou Daesh) auraient systématiquement recours au captagon pour assurer leurs opérations mortifères. Ils publient jeudi 27 juillet un rapport intitulé « Captagon, déconstruction d’un mythe ».



Un rapport déconstruit le mythe du captagon, « la drogue des jihadistes »
« A ce jour, aucun des terroristes ayant commis des attentats revendiqués par Daesh en Europe depuis 2015 n’a donc consommé de captagon avant de passer à l’acte. (...) On peut ainsi conclure que l’étiquette de "drogue des terroristes" colle mal, voire pas du tout, au captagon », affirme les experts de l’Observatoire français des drogues et de la toxicomanie (OFDT). Et pourtant, le psychotrope est régulièrement associé à Daesh.

Laurent Laniel, auteur du rapport publié jeudi 27 juillet, juge que « le battage orchestré autour de cette substance, alimenté par l’absence de données fiables sur le sujet, n’exprime que la jonction de deux phénomènes : le sensationnalisme qui fait vendre et l’irrationnel face à un ennemi incompris ».

Jusqu’aujourd’hui aucune autopsie n’a révélé la trace de drogue chez les terroristes du 13-Novembre. Le 30 mai dernier, la douane française annonçait les « premières saisies » en France de captagon avant de reconnaître quelques jours plus tard qu’il s’agissait de simples cachets d’amphétamines.


La péninsule arabique, plaque tournante de faux captagon

Commercialisé à partir des années 1960 dans le cadre de traitement contre les troubles de l’attention, le Captagon a été interdit dans les années 1990. La fénétylline, principe actif du médicament n’est plus produit depuis la fin des années 2000.

Dès 2009, les stocks mondiaux de Captagon étaient « pratiquement épuisés » selon l’OFDT. Les auteurs du rapport expliquent donc que les comprimés saisis ces dernières années sont des contrefaçons « souvent estampillées d’un logo imitant celui du captagon, fabriquées clandestinement et ne contenant pas de fénétylline ». Aujourd’hui le captagon est le terme qui désigne une amphétamine connue en Europe sous le nom de « speed ». Si le produit était principalement fabriqué dans les laboratoires de l’Europe balkanique au départ, la production s’est délocalisée dans les années 2000 vers le Moyen-Orient, et particulièrement vers le Liban. C'est d'ailleurs dans ce pays qu'a été effectué un important travail de terrain.

« Ce processus s’est inscrit au Moyen-Orient dans le contexte violent de l’éclatement de la guerre civile en Syrie et de la désintégration de l’Irak, notamment sous les coups des armées djihadistes. La conjugaison de ces événements a contribué à alimenter une série de rumeurs et d’allégations plus ou moins fausses sur fond de propagandes de guerre », indique-t-on.

La péninsule arabique, et principalement l’Arabie Saoudite, sont l’un des principaux marchés d’amphétamines d’après l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC). 50 % des saisies dans le monde depuis 2008 ont été réalisées dans cette aire géographique. Durant les trois années qui ont précédé la guerre civile syrienne, les deux tiers des échanges mondiaux de benzylméthylcétone, composant de base de l’amphétamine, étaient des importations légales vers la Jordanie, qui les réexportait vers l’Irak. Ces stocks devaient en principe servir la fabrication de produits ménagers mais ces 98 tonnes auraient pu permettre en théorie à produire 4 milliards de cachet de faux captagon. Laurent Laniel suppose que l’offre a « probablement » été capté par des acteurs du conflit syrien dans le but de financer leurs armements.

Le cas de Sousse, simple amalgame?

Le seul cas documenté de prise de drogue par un terroriste de Daesh est celui de l’attaque de Sousse le 26 juin 2015. L’attentat à la kalashnikov a pris la vie à 38 personnes.

Laurent Laniel doute cependant des résultats de la commission d’enquête. Pour lui, « il apparaît impossible de conclure, à la suite d’une autopsie, que ce sont des traces de ce produit et non d’un autre qui ont été retrouvées dans un corps et (de lui) attribuer une provenance géographique ». Selon le spécialiste des marchés des drogues illicites, l’amalgame captagon-terrorisme dit jihadiste « laisse entendre que les attentats-suicides revendiqués par l’EI n’auraient pu être exécutés uniquement par une volonté assumée de sacrifier sa propre vie au service d’une cause et sans recours à la chimie ».

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