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Société

Souleymane Bagayogo : exploité, puis expulsé

Rédigé par Aurélien Soucheyre | Mardi 29 Août 2006 à 23:21

           

Le sans-papiers d’origine malienne, Souleymane Bagayogo a été expulsé vendredi 25 août 2006 depuis l’aéroport de Roissy. Embauché illégalement par la société OSP, il aurait été dénoncé par son employeur après avoir porté plainte aux Prud’hommes pour licenciement abusif. Placé au centre de rétention de Bobigny, Souleymane devait être expulsé vers le Mali le vendredi 18 août. Mais une forte mobilisation avait empêché cette première tentative. La seconde a fonctionné.



Souleymane, 31 ans, est marié et père d’une petite fille de 9 mois née en France. Employé chez Omnium de sécurité privée (OSP), il était vigil dans un monoprix du Bourget. Malgré son «statut» de sans-papiers, il possédait un contrat de travail et payait ses impôts. Licencié pour faute grave : absence de titre de séjour, Souleymane a saisi le tribunal des Prud’hommes. Son employeur, M. Zanga, embauchait de nombreux Maliens dans la même situation que Souleymane, semble-t-il pour les exploiter. Les sans-papiers sont en effet sous la constante menace d’une expulsion et donc facilement corvéables.

Retour sur les faits

Les agents de sécurité sont obligés de recevoir un agrément préfectoral pour travailler. Afin d’obtenir cet agrément, l’employeur doit déposer une demande d’habilitation au préfet. Dans cette demande, les papiers ainsi que le casier judiciaire –s’il existe- du postulant doivent impérativement figurer. La société de gardiennage OSP a embauché nombres de sans-papiers comme vigils.

Certains de ces employés illégaux déclarent avoir eu des problèmes de paiement. Ils se sont rendus à la CGT de Bondy pour protester et faire entendre leurs droits, malgré la difficulté de se rendre au tribunal vu leur situation. Le patron d’OSP aurait répondu en mai, et proposé à un protestataire de démissionner en le menaçant de le dénoncer sinon. Il a ensuite licencié quinze personnes pour absence de titre de séjour. Peu de temps après, la préfecture leur a envoyé des courriers à propos de leur situation irrégulière.

Vraisemblablement dénoncé par son employeur, lequel réfute l’accusation, Souleymane a été arrêté le 25 juillet par la gendarmerie dans un Monoprix du Bourget. L’arrestation a été calme, les gendarmes mentionnaient un simple contrôle. Souleymane pensait être en sécurité avec ses fiches de paye officielles et son enregistrement à l’Urssaf. Il ne se doutait pas de l’ampleur qu’allaient prendre les événements.

Réactions

Après son placement au centre de rétention de Bobigny le 25 juillet 2006, de nombreux soutiens lui ont été attribués. La CGT a organisé un rassemblement devant la préfecture de Bobigny. La femme de Souleymane a montré, en vain, les déclarations d’impôt de son mari. La CGT a demandé des titres de séjour pour protéger Souleymane le temps de la procédure.

Le préfet a refusé. Et dans son empressement à expulser Souleymane, il a oublié d’examiner la liste des passagers du vol Paris-Bamako. Un compatriote de Souleymane, et non des moindres, était présent sur ce vol : Monsieur Moctar Ouane, Ministre des Affaires Étrangères et de la Coopération internationale du Mali.

Prévenue deux jours à l’avance, la CGT a eu le temps d’organiser la défense de Souleymane. Une centaine de syndicalistes et de défenseurs de la cause des sans-papiers se sont opposés à son départ. Ils ont informé les passagers présents sur le vol de Souleymane en leur diffusant des tracts. Munis de banderoles, ils ont scandé : «Non aux expulsions» puis : «Passagers debout, libérez Bagayogo». Un avion ne peut effectivement pas s’envoler tant qu’un des passagers refuse de s’asseoir, et la minute de retard coûte très cher. Suite aux protestations des passagers, le commandant de bord a refusé de décoller avec Souleymane. Le vol AF796 est parti avec quarante minutes de retard.

Souleymane a été reconduit au centre de rétention de Bobigny, avec l’ambition de l’expulser plus tard. Il aurait subit de violents coûts et blessures, notamment à la gorge : une technique de sport de combat a semble-t-il été utilisée afin de l’empêcher de s’exprimer.

Vendredi dernier, la CGT a été mis au courant seulement 2 heures à l’avance et n’a pas eu le temps de prévenir les passagers. D’autant plus que les forces de police étaient cette fois largement présentes et organisées : elles ont empêchées les manifestants de se faire clairement entendre. Ses derniers ont néanmoins continué à scander leur slogan. Souleymane a néanmoins été expulsé vers le Mali.

Un goût amer

OSP a récemment été contrôlée par l’État qui a statué que son personnel n’est pas en règle. La préfecture lui a retiré son agrément, mais aucune autre sanction n’a été prise pour l’instant.

D’énormes publicités pour le musée du quai Branly sont accrochées au plafond de l’aérogare de Roissy. C’est sous ses affiches, dont le leitmotiv est : «Musée du quai Branly, là où dialoguent les cultures », que Souleymane a été expulsé.





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