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Psycho

Shamila : « Mon mari n’arrive pas à “couper le cordon ombilical” avec sa mère »

Rédigé par Sabah Babelmin | Mercredi 11 Mai 2016 à 08:00

           


Shamila : « Mon mari n’arrive pas à “couper le cordon ombilical” avec sa mère »
Je vous écris mon histoire concernant la famille d’un homme dont je suis éperdument amoureuse, en espérant avoir votre conseil aiguisé.

Après une relation de 3 ans et un amour sans faille, mon mari vivant loin des siens se sentait malheureux sans sa famille. Il m’a proposé de venir vivre avec lui en France auprès d’eux et de construire une nouvelle histoire à deux dans un nouvel environnement. Après réflexion et partant d’une bonne intention de le rendre heureux, j’ai quitté ma ville Liège (Belgique), ma famille et mes amis d’enfance pour l’accompagner dans cette nouvelle aventure.

Comme dans tout nouveau couple, je rêvais d’amour, de quiétude et de bien-être avec plein de projets en tête. Mais, au fil des jours, j’ai vite déchanté car je me suis aperçue que mon mari est très débordé dans son nouveau travail avec des horaires décalés. Jusque-là, il n’y a pas de surprise car il m’avait prévenue du fait que son travail sera très prenant, surtout au début. Mais, en dehors du travail, mon homme est devenu casanier, préférant alterner football à la télé et visites de famille chez qui il apprécie tout particulièrement d’aller passer son weekend SEUL comme quand il était célibataire, abandonnant au passage toutes les responsabilités liées à notre propre foyer.

Au début, j’aimais bien ma belle-famille ; je les trouvais rigolos et sympathiques. Mais à ce moment j’ignorais encore à quel point cela allait devenir un poison pour mon cerveau et mon couple, surtout que mon mari a choisi d’habiter à 5 minutes à pied de chez eux.

Très vite, les remarques, critiques et jalousies tombaient à tout-va, surtout de la part de la belle-mère qui ne souhaite qu’une seule chose : garder son fils au plus près d’elle, c’est-à-dire CHEZ ELLE tous les weekends sans exception, et m’écarter à n’importe quel prix car je n’étais pas la bienvenue.

Je n’ai d’ailleurs jamais été invitée et elle refuse mes invitations. Une des autres belles-filles m’a soufflé une fois à l’oreille des atrocités que ma belle-mère balançait derrière mon dos, me traitant de sorcière et conseille tous les autres de ne pas m’inviter chez eux car je risque peut-être de les empoisonner. Bien sûr, mon mari ne le sait pas car, devant lui, elle fait toujours bonne figure !

Je me suis retrouvée tout à coup coupée du monde, stigmatisée et délaissée par toute la belle-famille et mon propre mari à tel point que je suis arrivée à détester les weekends et ma nouvelle vie.
Je me sens seule avec un sentiment d’injustice qui me pèse de plus en plus. Ma belle-mère n’a jamais pris le temps de me connaitre. Elle s’est juste contentée de construire ma réputation sur des préjugés ignobles dus à une jalousie intense, la peur de perdre ses enfants et l’envie d’avoir plus d’argent pour elle…

Côté professionnel, Dieu merci, je m’en sors pas mal. Mais cet acharnement gratuit me dépasse. Où sont la piété et la bonne morale que l’islam nous a appris ? Où sont les valeurs de la famille et le soutien aux proches ? Aimerait-elle qu’on traite sa propre fille de la sorte ? Aimerait-elle que quelqu’un l’éloigne de son propre mari et père de ses enfants ? Accuser une personne à tort, semer la discorde et intensifier la désunion dans un couple et dans une famille n’est-il pas un acte déplorable ?

Quant à mon mari, j’ai tenté de lui parler et de lui expliquer la situation. Je lui ai demandé d’alterner son temps libre entre sa famille et moi. Mais les disputes se multiplient comme jamais auparavant, les paroles sont intensifiées par la colère, l’émotionnel contredit la raison, l’incompréhension et l’égo creusent davantage notre couple. Il dit me comprendre mais il est tellement tiraillé qu’il préfère prendre « la fille de l’air », faire l’autruche, suivre le même schéma que ses autres membres de la famille, celui qui les emprisonne chez maman tous les weekends par peur de la froisser ; des enfants incapables de se construire et d’évoluer en dehors du cocon familial.

Ce refus de dialoguer en profondeur, de poser des limites à sa famille qui envahissent notre couple et surtout cette incapacité de couper le cordon ombilical me font douter de la solidité de notre union, malgré les bonnes intentions de mon mari, sa douceur, l’amour et le respect que nous portons l’un pour l’autre.

Une de mes sœurs me conseille de patienter car j’ai un mari très gentil et comme elle dit : vous êtes bien ensemble, c’est juste l’entourage qui est pourri. L’autre sœur me dit de quitter cette famille. Les avis de mes frères sont mitigés. Mes parents sont très déçus car, chez nous, la famille englobe les enfants, les belles-sœurs, les beaux-frères, les enfants et les familles respectives. Ma mère accueille tout ce beau monde sans exception et sans animosité. Nous avons des hauts et des bas comme dans toutes les familles mais tout le monde se respecte, s’invite et s’appelle !

Ma réalité avec ma belle-famille est différente, j’essaye de vivre avec et d’accepter cette nouvelle vie. Je ne souhaite pas séparer mon mari de sa mère, ni exercer de la pression psychologique sur lui, car je suis pertinemment sûre que si je tire le même fil que sa mère, celui-ci finira par céder mais de mon côté malheureusement.

Aujourd’hui, je suis complètement désemparée, trahie, égarée dans le doute, l’incompréhension et la tristesse !
Shamila

Sabah Babelmin, psychothérapeute

Chère Shamila,

Plusieurs questions me traversent en vous lisant : que s’est-il passé au juste avant que votre mari revienne vers sa mère ? Avez-vous une vie sexuelle épanouie ? Vous dites qu’il est gentil, cela signifie quoi ? Parfois à être trop gentil, on fait passer la vie et les intérêts des autres avant les siens propres…

Que vous avez vécu « trois ans d’amour sans faille » signifie-t-il qu’il y avait une grande fusion avec votre mari ? La fusion crée de la confusion, qui pourrait s’avérer nocive aussi bien pour l’équilibre d’un couple que pour les partenaires.

« L’amour n’est pas un long fleuve tranquille », c’est une expérience fabuleuse de travail sur soi, de maturité, de tolérance et de lâcher-prise. Encore cela suppose-t-il que l’on soit capable de se remettre en question, d’accepter la différence de l’autre et de renoncer à vouloir le changer pour qu’il( elle) réponde à notre idéal.

Je comprends qu’une fois que vous avez découvert la vraie personnalité de votre mari, vous avez été déçue. Comme vous le savez, la personne est une grande énigme, on peut passer toute sa vie à essayer de se comprendre mais ce n’est jamais acquis. Alors, pour essayer de comprendre une autre personne, même très proche, ce n’est jamais gagné.

La vie est mouvement et exige de nous un effort d’adaptation continue, Aussi est-il nécessaire de changer, de s’ajuster, pour que la vie continue sans trop de déceptions et d’accrochages.

Vous écrivez que votre mari est très pris par son travail, avec des horaires décalés, ce qui peut être très épuisant, et quand il rentre il souhaite se détendre devant la télévision, etc. Vous sentez-vous abandonnée devant cette attitude ou seulement quand il va, très souvent, voir sa mère ? Peut-être est-ce sa manière de décompresser pour ne pas déverser ses angoisses et ses soucis professionnels dans le couple ? Y a-t-il eu des remarques, des critiques autour de ce temps qu’il passe tout seul ?

La solution est en vous, car c’est vous qui détenez tous les éléments de la situation : en général, il y a toujours une responsabilité partagée quand surgit un problème dans le couple.

Je sens que vous avez une maturité que votre mari n’a peut-être pas eu les moyens d’atteindre… Aussi peut-être serait-il bon pour vous de consulter en couple pour mettre du tiers entre vous et aider votre mari à prendre conscience des raisons de sa dépendance à sa mère ? Avez-vous essayé de lui en parler ?

Il est aussi très important d’avoir ses propres activités en dehors du travail et de l’entretien de la maison ; maintenir une vie sociale riche pour ne pas s’isoler et tomber dans la dépression. Car le risque pourrait être un état de dépendance affective et psychologique nocive aussi bien pour soi-même que pour le mari et l’équilibre du couple, qu’en pensez-vous ?

Je terminerai par évoquer la place de la mère, tellement importante, en islam comme vous le savez : « Le paradis est sous les pieds des mères », mais l’épouse a aussi une place de choix auprès de son mari, il s’agit juste que chacun se respecte et reste à sa place.

Ce qui n’est pas le cas, d’après ce que vous racontez. Peut-être serait-il nécessaire d’en parler ouvertement et tranquillement avec votre mari et votre belle-mère, pour essayer de trouver une nouvelle organisation ? Qu’en pensez-vous ? Un weekend sur deux par exemple, comme la garde d’un enfant ? Est-ce que le beau-père est vivant ? Vous n’en parlez pas du tout. Peut être que si, de surcroît, votre mari est l’ainé, se sent-il responsable de sa mère ?

J’espère que vous parviendrez à trouver un terrain d’entente pour atteindre l’harmonie aussi bien avec votre mari qu’avec votre belle-famille. Bon courage.

La rubrique « Psycho », qu’est-ce que c’est ?

Des psychologues et psychanalystes répondent à vos questions. Musulman(e)s du Maghreb ou de France, professionnel(le)s actif(ve)s exerçant en cabinet, ils réfléchissent à votre problématique et tentent de vous éclairer à travers leur expérience professionnelle et leur pratique spirituelle. Ils peuvent vous aider à y voir plus clair en vous-même ou à mieux décrypter le comportement des personnes de votre entourage.
Ils ne sont pas médecins, même si on les désigne parfois comme des « médecins de l’âme », mais leur rôle est de vous aider à trouver en vous-même la meilleure réponse à vos interrogations sur vos relations aux autres, votre conjoint ou conjointe, vos parents, vos frères et sœurs, vos amis, vos collègues de travail, vos voisins...
Alors, n’hésitez pas, interrogez-les, ils tenteront de vous répondre en s’éclairant des plus belles pensées de l’islam.
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