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Monde

Séisme à Haïti : le Secours islamique en action

Interview de Rachid Lahlou, président du Secours islamique France

Rédigé par | Lundi 25 Janvier 2010 à 00:18

           

Deux semaines après le violent séisme qui a laissé Haïti dans le chaos, le bilan fait état d'au moins 112 000 morts, 190 000 blessés et 1 million de sans-abri. On estime à 3 millions de personnes le nombre d'Haïtiens touchés par la catastrophe. Rachid Lahlou, président du Secours islamique France (SIF), fait état du travail de l'organisation sur place à Saphirnews et fait part de son intention d'établir une antenne locale pour ces prochaines années de reconstruction.



Distribution d'eau pour des personnes déplacées.
Distribution d'eau pour des personnes déplacées.

Saphirnews : Quelles sont les actions menées par le Secours islamique France (SIF) depuis le début de la crise humanitaire ?

Rachid Lahlou : L’équipe envoyée sur place est composée de trois personnes : un chef de mission, un logisticien et un spécialiste de l’évaluation chargé d’évaluer le terrain et les besoins. Nous avons fait partir un premier stock d’aide d’urgence, parti avec l’avion du ministère des Affaires étrangères. Nous avons commencé à distribuer l’eau et à nous pencher sur son assainissement.

Depuis plusieurs jours, nous distribuons chaque jour 50 000 litres d’eau par jour, à raison de 3 litres par personne et par jour. Nous avons mis en place 6 rampes de distribution de 12 robinets d’eau et acheté plusieurs camions-citernes pour acheminer au mieux les aides vers ces populations.

Nous avons décidé de nous coordonner avec les ONG françaises. Un accord de coopération a été signé avec le Secours catholique pour travailler ensemble sur place. C’est pourquoi nos actions sont principalement tournées vers la question de l’eau. Mais nous avons également distribué des kits d’hygiène, de la nourriture, des tentes, des couvertures… tout ce qui peut aider une population en situation d’urgence.

Combien de personnes constituent l’équipe à Haïti ? Quels retours avez-vous eu de ces personnes ?

R. L. : L'équipe est actuellement constituée de 40 personnes. On a embauché du personnel sur place pour travailler aux côtés du SIF et pour mieux approcher la population. Nous travaillons à Port-au-Prince et sa banlieue, Pétionville. Les 40 personnes sont réparties sur les deux sites. Très prochainement, une deuxième équipe de trois personnes va être envoyée en renfort, car le travail est très difficile. Les personnes travaillent 24 heures sur 24, dans des conditions très difficiles. Ils dorment dehors comme tout le monde. Une équipe va leur apporter de l’aide. Nous ne sommes encore qu’au début de la crise.

Combien avez-vous pu mobiliser de fonds ? Combien avez-vous réussi à collecter pour le moment ?

R. L. : 100 000 euros ont été mobilisés mais cela n’est qu’un premier jet pour l’instant. Nous attendons de voir comment les choses évoluent. Nous avons collecté pour l’instant entre 300 et 500 000 euros grâce aux donateurs privés. Nous attendons la contribution d’ECHO (l’office d’aide humanitaire de la Commission européenne, ndlr) et de l’UNICEF entre autres. L’argent qui est et sera collecté dépassera sans doute le million. Une partie est dédiée à l’urgence et le reste à la reconstruction.

Haïti n’est pas votre terrain d’action habituel. De quelle manière agissez-vous pour être le plus efficace possible ?

R. L. : Le SIF a beaucoup de partenaires locaux. Il y a une bonne coordination entre les associations et on collabore avec Islamic Relief (SIF est membre d’Islamic Relief Worlwide, ndlr), considérée comme la plus grosse organisation humanitaire musulmane dans le monde, réputée pour son sérieux et son travail sur le terrain. On s’échange les informations, on se partage les tâches et les sites. C’est pourquoi nous nous sommes spécialisés dans la distribution de l’eau et son assainissement.

Comment mobiliser la communauté musulmane pour Haïti sachant que la majorité d’entre elle oriente en général ses dons vers les pays à majorité musulmane comme les Territoires occupés palestiniens ?

R. L. : Nous avons besoin d’éduquer et de rappeler à la communauté les principes de notre religion. L’islam est une religion universelle, elle n’est pas sectaire. La miséricorde de Dieu est adressée à tous les êtres vivants, les animaux inclus. Le Prophète nous a enseigné qu’à chaque fois qu’on apporte une aide à toute personne on fait une aumône pour l’amour de Dieu.

Une anecdote nous dit qu’une femme qui était égarée du droit chemin – dans le sens islamique du terme – est allée au Paradis en donnant à boire à un chien en plein désert. Le Prophète, en guerre contre les Qoraïch, a envoyé une caravane, l’équivalent aujourd’hui d’un convoi humanitaire, à ses ennemis lorsqu’ils ont souffert de la famine, car il y a des êtres innocents qu'on a le droit et le devoir d'aider, quelle que soit leur appartenance religieuse. Ces principes du SIF sont aussi les valeurs de l’islam.

Il est vrai que les guerres qui se passent un peu partout dans le monde impliquent des pays musulmans et que les dernières grosses catastrophes naturelles ont frappé ces zones comme c’était le cas du tsunami de 2004. Le donateur a le droit et la liberté de choisir à qui il veut adresser son don.

Cela étant, notre don doit partir partout. Cela ne doit pas limiter notre volonté et notre générosité pour aider toute personne qui souffre.

Comment justement rendre concret ce discours ?

R. L. : Concrètement, nous avons une relation de proximité avec nos donateurs depuis la création du SIF, grâce aux médias qui relaient notre action. Nous rendons visite aux mosquées et aux associations. On envoie des courriers par milliers à nos donateurs comme c’est le cas aujourd’hui. Tous les moyens sont bons pour sensibiliser les personnes sur une catastrophe qui touche une partie de l’humanité. Les Haïtiens n’avaient pas "besoin" du tremblement de terre car c’est déjà une population meurtrie par la pauvreté. On a le devoir, en tant que musulmans, de leur apporter notre part d’aide et participer à cet élan de générosité pour aider nos frères en humanité.

Selon le président haïtien René Préval, le pays mettra 25 ans pour se construire. Envisagez-vous de faire de ce pays un nouveau terrain d’action ?

R. L. : Les organisations humanitaires sont des ONG responsables et bien organisées pour les plus grandes. Nous avons prévu de ne pas dépenser tout notre argent dans l’urgence. Les gens doivent retrouver le chemin de la vie et du travail. On doit les aider avec l’Etat haïtien à reconstruire, mais la reconstruction va prendre du temps. Nous comptons établir une antenne locale pour cinq ans, sinon plus, tout en continuant à coordonner nos activités avec d’autres ONG.




Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur



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