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Livres

Rokhaya Diallo : « Il y a une vraie invisibilité des musulmans non arabes en France »

Rédigé par Pauline Compan | Lundi 18 Avril 2011 à 09:10

           

Figure médiatique de la lutte antiraciste, Rokhaya Diallo s’est illustrée dans des joutes verbales télévisuelles, face à Eric Zemmour ou encore à Robert Ménard. La fondatrice de l’association Les Indivisibles livre aujourd’hui un pamphlet contre le « racisme atmosphérique » présent dans nos sociétés. De l’importance du choix des mots à l’invisibilité médiatique des personnes noires de confession musulmane, l’auteur du livre « Racisme : mode d’emploi »* se confie à Saphirnews. Entretien.



Rokhaya Diallo : "Je suis convaincue que le fait d’être Noire annule mon islamité aux yeux de cette société"
Rokhaya Diallo : "Je suis convaincue que le fait d’être Noire annule mon islamité aux yeux de cette société"
Avec Racisme : mode d’emploi, Rokhaya Diallo sort de sa position de militante indignée pour prendre de l’ampleur et proposer une réflexion sur nos propres préjugés. Elle a lu ses classiques, les intellectuels qui ont forgé l’idéologie raciste comme ceux qui l’ont combattue. Mais elle n’oublie pas d’intégrer dans son ouvrage des exemples concrets, tirés de sa propre expérience. Un essai qui tente de déconstruire les préjugés pour mieux les combattre.

Saphirnews : Dans votre livre, vous insistez sur les sens des mots…

Rokhaya Diallo : Souvent, pour donner un exemple, les gens ont peur de parler de « Noir » et emploient le mot « Black ». Le mot « Noir » est connoté de manière négative et ceux qui l’utilisent craignent d’avoir l’air raciste. Pour ma part, je suis plutôt critique par rapport au terme « Noir », car il ne recouvre pas une réalité. Maintenant avoir recours à la traduction anglaise paraît assez étrange et montre un véritable malaise. De même, lorsqu’on parle de personne de couleur, on sous-entend que les Blancs n’ont pas de couleur et représenteraient une norme neutre. Donc les autres personnes, non blanches, ne sont pas neutres ? Les mots, en tout cas, ne sont pas neutres. Il faut rappeler leur poids et leurs origines.

Vous insistez beaucoup sur les préjugés qui régissent une grande partie des relations sociales…

R. D. : Ce n’est pas une position accusatrice, je ne veux pas faire un livre pour accuser les gens. L’idée est d’expliquer comment fonctionne la mécanique raciste, pour permettre à chacun de la dépasser. J’ai des préjugés, comme tout le monde, mais l’important est d’en être conscient pour pouvoir aller au-delà. Car les préjugés déterminent toute notre vie : lors d’une rencontre, il y a pleins d’indicateurs qui nous renvoient à notre imaginaire ou à notre histoire personnelle. Avoir des préjugés est une chose, c’en est une autre que ces préjugés aient une influence sur notre comportement.

Vous soulevez un point important, dans le débat actuel, lorsque vous parlez d’arabophobie à la place d’islamophobie…

R. D. : Il y a un vrai préjugé sur les musulmans : c’est de présumer qu’ils sont tous arabes. Derrière l’islamophobie, il n’y a pas qu’une haine des musulmans mais il y a une haine des Arabes qui a été reformulée pour paraître plus acceptable.
Par exemple, si j’avais été d’origine maghrébine, on m’aurait beaucoup plus interpellée sur le foulard ou d’autres questions. Je suis convaincue que le fait d’être Noire annule mon islamité aux yeux de cette société. On est Noir, donc on ne peut pas être plusieurs choses à la fois et on s’intéresse beaucoup moins au fait que je sois musulmane que si j’avais été originaire d’un pays magrébin.
Une personnalité publique comme Rama Yade a, aussi, déclaré sa foi musulmane. Cela ne transparaît jamais dans les débats, même au moment du débat sur la laïcité. Nous n’arrivons pas à comprendre que les musulmans ne sont pas tous arabes. Il y a une vraie invisibilité des musulmans non arabes en France.

Quelles étaient vos motivations à écrire ce livre ? Est-ce une manière d’affirmer vos prises de positions médiatiques ?

R. D. : J’ai poussé la réflexion car c’est vrai que le temps imparti en télévision et à la radio est très court. On ne peut pas développer des réflexions complexes. J’avais envie de proposer une relecture contemporaine du racisme en m’appuyant sur des théories classiques, je n’ai pas inventé la poudre ! Mais je parle beaucoup du racisme ordinaire, de ce que j’appelle le « racisme atmosphérique », présent sous forme de blagues et parfois même de compliments.
Je voulais également démontrer que mon engagement en tant que militante n’était pas bête et spontané. Il provient de réflexions profondes et nourries par mes aînés. Il ne tombe pas du ciel.


* Rokhaya Diallo, Racisme : mode d’emploi, Larousse (2011).





Réagissez ! A vous la parole.

1.Posté par A Grin le 18/04/2011 16:30 | Alerter
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Vous oubliez, ou vous mettez de côté que la majorité des musulmans non-arabes ce sont justement les gens originaires du Maroc et de l'Algérie, qui sont berbères. Ce sont nous les Chleuhs et les Kabyles qui formons l'immigration nord africaine.

2.Posté par DALLA le 19/04/2011 19:34 | Alerter
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Euh, la majorité des musulmans non arabes st originaires du Maroc et de l'Algérie..???
hum j'en doute. Ou peut-être la majorité des musulmans non-arabe au MAGHREB seulement vous voulez dire. parce que dans le monde c'est pas les arabes qui sont les musulmans majoritaires !

Si j'ai mal interprété votre phrase, autant pour moi !

Mais le fait est que la majorité des musulmans de la planète ne sont ni Arabes, ni arabophones mais ont est tous égaux devant ALLAH soubhanahou wa ta'ala !

3.Posté par Alioun le 21/04/2011 17:26 | Alerter
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Ces paroles de Rokhaya donnent vraiment à réfléchir. La Négritude qui effacerait l'islamité! Ca sonne assez fort mais est-ce bien exact ! Difficile de me faire une opinion. En tout cas, quand on est musulman, on est discriminé par certains. Si en plus on est Noir, on est discriminé par d'autres. Ce ne sont pas toujours les mêmes, mais ça peut être les mêmes. Si en plus on est sans diplôme et qu'on est pauvre. On est encore plus discriminé. Attention à celui qui serait musulman, Noir, sans diplôme, pauvre, avec un handicap physique, celui-là est hautement discriminé... Finalement, le problème n'est pas celui qui est disciminé. Et j'ai l'impression que les discriminations ne se subtituer les unes aux autres, mais qu'elles s'additionnent :-(

4.Posté par boutrosdu93 le 27/05/2013 15:13 | Alerter
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"Vous oubliez, ou vous mettez de côté que la majorité des musulmans non-arabes ce sont justement les gens originaires du Maroc et de l'Algérie, qui sont berbères."
loupé :
je peux reprendre la meme chose :
Vous oubliez, ou vous mettez de côté que la majorité des musulmans non-arabes ce sont justement les gens originaires de l'indonésie (ah ban oui je raisonne au niveau de la planete desolé)


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