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Points de vue

Quid d'une femme arabe à la tête du nouveau programme pour l'égalité des sexes aux Nations unies ?

Par Hibaaq Osman*

Rédigé par Hibaaq Osman | Samedi 3 Avril 2010 à 15:46

           


Quid d'une femme arabe à la tête du nouveau programme pour l'égalité des sexes aux Nations unies ?
Dans les salles du bureau des Nations unies à New York, les fonctionnaires ont examiné la proposition de regrouper en une seule « entité des genres » les nombreuses organisations de l'ONU qui encouragent l'égalité des sexes et les droits des femmes. Cette entité verrait son budget considérablement augmenté − De combien exactement ? La question est encore débattue − et aurait à sa tête un responsable au rang de sous-secrétaire général.

C'est une occasion formidable pour les Nations unies d'accroître le financement affecté aux problèmes mondiaux concernant les femmes et de créer un plus grand ensemble que la somme des éléments qui le compose. Les activités courantes des femmes sont gérées par la Division de la promotion de la femme (DAW), le Bureau de la conseillère spéciale pour la parité entre les sexes et la promotion de la femme (OSAGI), le Fonds de développement des Nations unies pour la femme (UNIFEM) et l'Institut international de recherche et de formation pour la promotion de la femme (INSTRAW). La désignation d'une personne du monde arabe à la tête de la nouvelle entité est également une occasion unique pour les Nations unies de soutenir les droits des femmes au Moyen-Orient.

Les raisons sont les suivantes: le choix d'une femme arabe constituerait une étape pour reconnaître que les pays en développement ne sont plus passifs dans la lutte pour l'égalité ; au contraire, ils sont aux commandes. Pendant des années, les priorités du mouvement mondial des femmes ont été fixées dans les capitales des pays riches, avec des financements provenant des gouvernements et fondations privées, affectés aux problèmes et régions qu'ils désignaient comme des priorités mondiales. Pendant ce temps, la lutte, les stratégies et les succès de plus en plus nombreux des militantes arabes et des organisations non gouvernementales (ONG) en matière d'inégalité des sexes ont été largement ignorés.

Aujourd'hui, les principaux gouvernements et bailleurs de fonds jouent encore un rôle capital dans l'orientation du financement de l'autonomisation des femmes. Cependant, un nombre de plus en plus important de militantes et d'ONG, aux niveaux local et international, fixent des programmes particulièrement efficaces qui répondent aux besoins des femmes dans leurs pays respectifs.

La nomination d'une femme arabe pour diriger ce nouveau programme accentuerait la pression exercée sur les gouvernements de la région pour qu'ils honorent les engagements qu'ils ont pris en vertu de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) et montrerait avec force aux gouvernements arabes que la communauté internationale est attachée à sa pleine application.

Si tous les États du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, à l'exception du Soudan et de la Somalie, ont signé la CEDAW, les gouvernements arabes continuent à traîner les pieds pour l'appliquer. Ils continuent à émettre des réserves − dérogations aux articles contenus dans le traité qui se heurtent aux traditions et lois locales −, d'où un bon nombre de dispositions du traité non respectées. Les gouvernements arabes trouveraient délicat d'ignorer une voix puissante s'exprimant dans leur langue et ayant la responsabilité des droits des femmes au sein des plus hautes instances des Nations unies.

Cette logique se révèle aussi exacte pour les médias et les groupes de la société civile. Une voix arabe assurée au premier plan du mouvement mondial des femmes attirerait les médias arabes, lesquels ont été lents à développer les messages sur l'égalité des sexes, et galvaniserait la prochaine génération d'activistes de la société civile locale.

La semaine dernière, les militantes du monde arabe et d'ailleurs se sont réunies à New York lors de la 54e session de la commission du statut des femmes des Nations unies. Elles ont célébré les succès de l'année dernière tels que l'annonce faite par la Jordanie de lever certaines de ses réserves sur la CEDAW et d'octroyer aux femmes le droit de voyager sans restrictions. J'ai participé à cette réunion au cours de laquelle il nous a été rappelé le travail qu'il reste à faire en matière de lutte pour l'égalité juridique entre femmes et hommes, la participation économique et l'autonomisation des femmes.

Je suis sortie de la réunion, convaincue que la création de cette nouvelle entité fera de 2010 une année charnière dans la lutte pour les droits des femmes, comme l'ont été les années 1979 avec la CEDAW, 1995 avec l'adoption de la plate-forme d'action de Beijing qui a fixé un nombre de mesures visant des changements fondamentaux avec l'introduction des objectifs du Millénaire pour le développement.

Il s'agit vraiment d'une chance historique pour le mouvement mondial des femmes. Les décideurs à New York devraient savoir que les femmes arabes, de Bagdad à Casablanca, les observent de près et encouragent le fait qu'une femme arabe soit le porte-drapeau de l'égalité des sexes au niveau mondial.


* Hibaaq Osman est la fondatrice et la présidente de Karama .






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