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Cinéma, DVD

Que Dieu bénisse les couples mixtes !

Rédigé par | Samedi 5 Avril 2014 à 00:56

           


« Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? », une bonne comédie de Philippe de Chauveron sur une famille bourgeoise française intégrant en son sein un Juif, un Arabe, un Chinois, un Noir. Tout un cocktail...
« Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? », une bonne comédie de Philippe de Chauveron sur une famille bourgeoise française intégrant en son sein un Juif, un Arabe, un Chinois, un Noir. Tout un cocktail...
« Aimez-vous les uns les autres », avait dit Jésus. C’est ce qu’ont vaillamment appliqué Rachid Abdou Mohammed Benassem, David Maurice Isaac Bénichou, Chao Pierre Paul Ling, qui ont respectivement jeté leur dévolu sur les trois filles Verneuil. L’un est musulman, l’autre juif, le troisième chinois.

C’en est trop pour Marie et Claude Verneuil, quinquagénaires ayant élevé leurs quatre filles dans la pure tradition bourgeoise catholique. Quatre jeunes femmes dont toute bonne famille rêve : elles sont belles, bien éduquées, sensibles, élégantes, cultivées, la classe, quoi !

Mais nous sommes en 2013, en France, le pays européen qui compte le plus grand nombre de mariages mixtes : 24 % des mariages unissent une personne de nationalité française et une autre de nationalité étrangère, sans compter les mariages de deux Français mais d’origine culturelle différente… Et pour cause, la France est aussi le « premier pays musulman » d’Europe (4,1 millions ) et le « premier pays juif » d’Europe (480 000). Terre d’immigration, la France est ainsi un vrai laboratoire de l’interreligieux et de l’interculturalité. Avec un tel vivier, les filles Verneuil avaient de fortes chances de tomber amoureuses d’un non-Blanc non catholique…

Heureusement pour les parents Verneuil, la cadette Laure sauvera l’honneur : elle va leur présenter un catholique, qui se prénomme Charles : « Comme le général Charles de Gaulle ? ». Ouf ! semble se rassurer le pater, fervent admirateur du Général. Sauf que Charles est fils d’André Koffi, un ancien militaire aux idées bien trempées, qu’il a la tête ébouriffée de dreadlocks et qu’il est… Noir.

Rachid (Medi Sadoun), David (Ary Abittan) et Chao (Frédéric Chau), solidaires des parents, vont contre toute attente se liguer pour empêcher le mariage de Charles (Noom Diawara) et de Laure : « Trois métèques et un Noir dans la famille : pour tes parents, c’est Fukushima. »

Le réalisateur Philippe de Chauveron signe ici un vaudeville très français en ce sens qu’il est (trop) bavard, les dialogues étant proches des blagues tous azimuts du stand-up, qu’il comporte peu de retournements de situation, donc peu de surprises dans le scénario. Mais il parvient à nous dérider pendant près de 1 h 30, en dévidant, sans discontinuer, tous les stéréotypes que les uns et les autres s’envoient à la figure ou se disent tout bas, car chacun est le raciste de l’autre, c’est bien connu. Les vannes fusent et l’on rit de bon cœur. La scène de la messe de Noël est particulièrement savoureuse.

Frédéric Chau (du Jamel Comedy Club) et Noom Diawara (habitué des déboires du couple mixte, grâce à Amour sur place et à emporter, qu’il joue avec Amelle Chabbi, sur scène et bientôt au cinéma) sont très à l’aise dans les comiques de situation. Medi Sadoun, avocat commis d’office à Bobigny, qui est prêt à aider juridiquement son beau-frère Ary Abittan, entrepreneur un peu looser qui, après avoir envisagé le cacher bio, va se lancer dans le halal bio « bien plus lucratif avec 5 millions de musulmans » à la clé, ne sont pas non plus en reste.

Les deux mères Marie Verneuil (Chantal Lauby, en mère dépressive, impeccable) et Madeleine Koffi (Salimata Kamate, qui jouait la mère d’Omar Sy, dans Intouchables) sont comme toutes les mères : attentives au bonheur de leurs enfants.

Et les pères Claude Verneuil (Christian Clavier) et André Koffi (Pascal Nzonzi, ministre des cabinets dans Le Crocodile du Botswanga) sont sans doute les plus beaux personnages. Revêches de prime abord, ancrés dans leur statut social, pleins de certitudes sur la supériorité de leur culture, les deux pères baisseront la garde non pas grâce à l’entremise de leur fille et de leur fils respectifs, mais par leur penchant commun pour le bien boire et le bien manger.

La France, c’est aussi le pays de la gastronomie, qui sait rompre les barrières par la commensalité : les deux pères finiront par s’entendre comme larrons en foire, et le mariage aura lieu sur fond de coupé-décalé.

Et Dieu dans tout ça ? Bah ! De là où Il est, il doit certainement se régaler de ces contradictions et peurs humaines que le film a su mettre en exergue : les stéréotypes à l’égard des « minorités visibles » comme les blagues et les aprioris sur les « Français blancs » sont présents dans un juste équilibre : « Des initiales sur un mouchoir, c’est bien un truc de Blanc » (Noom).

Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? : une bonne comédie dans l’air du temps, que les couples mixtes constitués ou en devenir prendront plaisir à voir. Ces derniers n’oublieront pas d’y emmener leurs parents encore réticents à l’idée de donner la chair de leur chair à une famille d’origine autre, car, comme chacun sait, nul n’est à l’abri du racisme ordinaire ; et le film de Philippe de Chauveron peut éventuellement servir d’antidote.

Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?
Film de Philippe de Chauveron (1 h 37 min)
Avec Christian Clavier, Chantal Lauby, Ary Abittan, Medi Sadoun, Frédéric Chau, Noom Diawara, Frédérique Bel, Julia Piaton, Emilie Caen, Elodie Fontan, Pascal Nzonzi, Salimata Kamate, Tatiana Rojo...

En salles le 16 avril 2014.



Journaliste à Saphirnews.com ; rédactrice en chef de Salamnews En savoir plus sur cet auteur



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