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Points de vue

Qu’est-ce que témoigner pour Dieu ?

Rédigé par Farouk Elhaouzi | Vendredi 7 Juillet 2017 à 11:25

           


« Beauté », œuvre du calligraffeur Vincent Abadie-Hafez.
« Beauté », œuvre du calligraffeur Vincent Abadie-Hafez.
La « prétention » dans ce texte porte l’idée de s’attribuer intimement, à juste titre peut-être, un quelconque pouvoir, une quelconque force. Cela, dans la mystique musulmane, est symptomatique d’un égo toujours acéré. Car, sur la bonne voie, un mystique finit par ne percevoir que la puissance de Dieu, Exalté. Lui, sans prétention, est dans la « prière ».

La prière suggère ici une façon d’implorer Dieu motivée par l’impuissance, et témoignant d’une quête vive exprimée dans l’humilité. L’on y invoque Dieu en acteur principal et déterminant, avant de se plier à l’ordonnance divine du bel-agir. On parle alors d’une présence à Dieu.

A chacun des deux états correspond un témoignage. L’état de prière est une présence à Dieu qui motive le témoignage pour Dieu et s’y ressource. La prétention est une présence à soi qui motive un témoignage pour soi, un marketing de soi, et s’y ressource aussi.

La prétention, aussi louable qu’en soit l’objet, à savoir aimer le Messager de Dieu, paix et salut sur lui, s’associe à l’épreuve. Lorsqu’un homme prétendit aimer le Prophète, celui-ci lui signifia à maintes reprises de réviser ses prétentions. L’homme confirma autant, et le Prophète conclut : « Prépare de quoi prémunir ta foi contre le besoin, car par Dieu le besoin atteint celui qui m’aime plus vite que le torrent qui ruisselle de la montagne vers le fond de la vallée. » L’épreuve consiste ici à donner des preuves de véracité de ce que l’on prétend.

Lorsqu’elle n’est pas modérée par l’épreuve ou remise en question, la prétention se renforce. On témoigne alors pour soi pour témoigner pour Dieu. On titularise ses propres pouvoirs et forces, sciences, intentions, compétences, qui faciliteraient, disons, le cheminement vers Dieu. On autorise sa personne à focaliser un intérêt intermédiaire avant de renvoyer vers Dieu. Sauf qu’ainsi, telle une lumière à laquelle on fait de l’ombre, on a déjà perdu l’adresse de Dieu.

L’opportunité pour chacun de s’exposer, sans interférences, à Sa Miséricorde

Les propos, du célèbre mystique AbdelKâder al-Jaylânî, qui s’apparentent à une prétention n’en relèvent point car c’est l’émanation d’une vérité, non d’un égo. « Ô hommes frivoles ! Je ne joue pas ! », dit-il lors d’un sermon intitulé : « Ne pas disputer Son pouvoir à Dieu ». « Ô hommes futiles !, poursuit-il. Je n’ai que la substance ! J’ai une sincérité exempte d’hypocrisie, j’ai une véracité dépourvue de mensonge ».

Le Prophète Joseph, salut de Dieu sur lui, en fit autant. En temps de famine, il évoqua son savoir et son intégrité pour devenir administrateur des denrées alimentaires. « Il est du nombre de Nos serviteurs purifiés », dit Dieu, Exalté, à son propos.

Témoigner pour Dieu, être présent pour Dieu, ou encore appeler à Dieu, demandent que mon égo, épaissi par les prétentions, ne fasse pas ombre à la lumière du Message, n’obstrue pas la vue. Témoigner pour Dieu, c’est offrir l’opportunité à chacun de s’exposer, sans interférences, à Sa Miséricorde. C’est un corollaire et un affluent de l’état de prière que le croyant est censé vivre dans son intimité.

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Farouk Elhaouzi est membre de Participation et spiritualité musulmanes (PSM). Première parution de cet article sur le site de PSM.





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