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Points de vue

Peut-on se payer le luxe de dire non à la Turquie ?

Rédigé par Ghazli Mourad | Samedi 29 Janvier 2005 à 00:00

           

Nous devons dénoncer la campagne médiatique faite sur la Turquie où le non prime sur les défenseurs du oui hormis le Président de la République. Nous faisons beaucoup de reproches à la Turquie mais sommes nous parfaits ? En matière des droits de l’homme, la France n’a-t-elle pas été épinglée par la commission européenne notamment à travers le monde carcéral ?



Nous devons dénoncer la campagne médiatique faite sur la Turquie où le non prime sur les défenseurs du oui hormis le Président de la République. Nous faisons beaucoup de reproches à la Turquie mais sommes nous parfaits ? En matière des droits de l’homme, la France n’a-t-elle  pas été épinglée par la commission européenne notamment à travers le monde carcéral ?

 

Des pays de l’Union ont démontré qu’ils leur restait d’énormes efforts à faire dans plusieurs domaines. La Roumanie et la Bulgarie vont rentrer dans l’Europe en 2007. Pourtant sur bon nombre de points, ces pays sont loin de respecter les valeurs de l’Union.

 

Le travail des enfants en est un exemple. L’omniprésente de la mafia avec ce qui en découle en matière de corruption en est un autre. Le droit du travail dans ces pays est  diamétralement opposé à celui de la France avec des travailleurs  qui n’ont  que très peu de droits.

 

Aujourd’hui on ne peut pas se payer le luxe de se priver de la Turquie puisque justement les points faibles tant dénoncés par ses détracteurs en font  ses points forts.

 

La Turquie et son armée

 

On dit que la Turquie est un Etat militaire. Or l’Eurofor (armée européenne) ne peut que  se renforcer  matériellement et humainement  par la participation de l’armée turque pour créer une force de défense et d’intervention digne de son nom. En effet,  nous ne pouvons compter ni sur Malte, ni sur l’Estonie, la Lituanie ou la Pologne pour enrichir la force militaire européenne.

 

La Turquie et la religion

 

On reproche à la Turquie d’être majoritairement composée d’une population musulmane. Mais on oublie que cet exemple extraordinaire et unique de laïcité est un modèle pour tous les pays à dominante musulmane.

 

La religion n’interfère pas dans la gestion du pays et laisse la pratique religieuse dans la sphère privée quand nous français, nous  portons comme un étendard notre laïcité avec fierté et ce à juste titre. Nous voulons fermer la porte à un pays qui nous ressemble et qui partage notre conviction du non-interventionnisme du religieux dans la politique.

 

Ni la Pologne ni bien d’autres pays d’Europe, qui n’ont pas coupé leur cordon ombilical avec le Vatican, ne sont en mesure de défendre l’unité de l’Europe en voulant une Europe chrétienne. Tout ceci en rejetant une partie de la population européenne qui est de confession musulmane mais aussi celles et ceux qui n’appartiennent pas à une religion et qui défendent leur liberté de croire ou de ne pas croire.

 

La Turquie et l’économie

 

Sur le plan économique, la Turquie détient une forte croissance (14.4%)  et échange beaucoup avec bon nombre de pays européens :  80 milliards d’euros par an  dont 10 milliards avec la France. Dans le même temps, on accepte la Pologne qui préfère acheter des avions américains plutôt qu’européens. Sans oublier nos éternels amis anglais indécis qui ne savent pas où se trouve leur île puisqu’en matière alliances, tant commerciales que de politique internationale,  ils se sentent proches des Etats-Unis. Mais quand il s’agit de payer la vache folle, ils se sentent soudainement Européens attirés par l’indemnisation européenne. Sans même parler de l’euro, la monnaie unique, qu’ils n’ont pas choisi de partager.

 

D’un coté nous avons un pays qui n’est ni entièrement dans l’Europe ni complètement en dehors. De l’autre, nous avons un pays qui a fait tous les efforts et démontre toute sa volonté à faire partie de cette communauté de destin. Et voilà que nous  pouvons nous  permettre le luxe de dire non à ce dernier.

 

Le point fort de la Turquie sur le plan géographique

 

On reproche à la Turquie d’être trop à l’est et au sud de l’Union. Alors que cette frontière avec l’Asie, le Moyen-Orient, lui confère une situation  privilégiée de zone tampon pour l’Europe. Lors de l’invasion américaine de l’Irak, l’on a pu observer l’importance de la Turquie dans son refus d’accorder l’entrée de l’armé américaine sur son territoire. Lorsque l’Union aura une politique commune en matière d’affaires étrangères, la Turquie sera importante pour répondre justement à une problématique géopolitique.

Sur le plan économique les installations qui relient l’Irak et la Turquie pour le pétrole et le gaz sont un avantage pour l’Europe. Cela sera évident le jour où l’Irak retrouvera sa souveraineté et sa liberté de vendre son énergie à qui bon lui semble.

 

Cette proximité avec l’Asie est aussi importante car elle facilite les échanges entre l’Union européenne et tous les pays de l’Est et d’Asie.

Ainsi, cette situation et les frontières de la Turquie sont importantes tant pour la paix que pour l’économie de l’Europe.

 

La Turquie et sa démographie

 

On annonce 100 millions d’habitants d’ici 20 ans sur la Turquie. Ce qui représentera 100 millions de consommateurs dont la présence dans l’Europe pourra grossir la croissance des entreprises européennes et naturellement françaises. Car 100 millions de consommateurs européens supplémentaires ne peuvent qu’enrichir notre économie.

Devons nous avoir peur de voir grandir l’Europe quand nous connaissons la taille de la population chinoise et la puissance qu’elle représentera d’ici 20 ans ? Ne devrions-nous pas être heureux de voir un grand pays nous rejoindre avec sa jeunesse quand nous savons que les pays de l’Union peinent à augmenter leur démographie et que les actifs vont bientôt manquer ?

 

L’Europe doit être une union de valeur, de partage, de paix et de modèle mais pas une union religieuse

 

Les agitateurs connus qui ne construisent leur carrière politique qu’en surfant sur la peur et la haine ont trouvé une nouvelle cible pour exister : dire non à la Turquie.

 

Les chefs d’Etat et de gouvernement ainsi que la commission européenne à qui l’on ne peut pas  reprocher d’être partiale ont choisi de répondre favorablement à l’entrée de la Turquie dans l’Europe. Serions nous plus compétents et plus intelligents que toutes ces personnes pour ne trouver que des éléments négatifs  à la Turquie.

 

Faisons preuve d’analyse et de sérieux. Approfondissons les études avec objectivité loin des discours phobiques sur les musulmans puisqu’ils font partie prenante de l’Europe en représentant la deuxième religion d’Europe. La Turquie ne pourra que renforcer notre attachement à faire de l’union européenne :  une union libre et laïque.

 

Devons nous vivre sur le passé ou sur l’avenir ?

 

Le génocide arménien qui date du début du siècle, fait partie des reproches qu’on adresse à la Turquie. Et d’aucun essaye de nous faire croire que la Turquie est encore un pays en guerre, un pays infréquentable au regard de son passé.

Soutenir de telles allégations, c’est oublier que la construction de l’Union  européenne s’est faite dans le cadre de la paix entre les peuples. En la matière, le couple Franco-allemand (avec Adenauer et De Gaules) a été précurseur au lendemain de la deuxième guerre mondiale.

 

Or la France a subi le nazisme. Mais malgré cela, elle a ouvert la porte à l’Allemagne en essayant de faire le deuil du passé pour penser à l’avenir afin que, plus jamais, nous ne vivions de telles atrocités.

 

Plus tard, nous avons accueilli l’Italie alors qu’il y avait eu Mussolini. Cela prouve bien que l’on doit vivre avec son temps et que l’on doit travailler pour le futur. Il faut  avoir un devoir de mémoire pour justement éviter de revivre les atrocités du passé et c’est parque nous ne voulons plus de guerre que nous devons créer des liens forts en ouvrant la porte à ceux qui ont fait le choix d’entrer dans cette communauté de destin qu’est l’Europe.

 

Aujourd’hui, les extrêmes de tout bord veulent un choc des religions pour prendre le dessus. La Turquie étant à majorité musulmane, cela nous évitera tout conflit au nom de la religion. L’Europe deviendra un exemple mondial de la  possibilité de vivre tous ensemble que l’on soit non croyant ou croyant de quelque religion du livre.

C’est une caricature que certains pays voudraient  faire de l’Union européenne en y voyant une union religieuse. Ces positions tenues par des pays comme la Pologne ou des partis politiques comme l’UDF en France sont prises sous pression du Vatican qui veut que la constitution européenne fasse référence à la religion.

 

Nous ne devons ni arrêter, ni détourner la volonté initiale de la construction européenne qui basée sur la paix des peuples pour n’en faire qu’un outil d’échanges économiques.

Ceux qui souhaitent réduire la relation entre la Turquie et l’Europe à ce type de partenariat privilégié n’ont rien compris aux positions du Général De Gaulles sur la vocation première de l’Europe. Ceux-là trahissent les positions du Général.


Mourad Ghazli :
Ancien candidat à la presidence de l'ump en 2002
Président du clubfrancefraternité
www.clubfrancefraternite.net






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